Le Conseil d’Etat rejette les recours déposés contre l’attribution des fréquences 5G

Catégorie

Environnement

Date

October 2021

Temps de lecture

4 minutes

CE 6 octobre 2021 Association Pour Rassembler, Informer et Agir contre les Risques liés aux Technologies Electromagnétiques (PRIARTEM), req. n° 446302

Par une décision du 6 octobre 2021, le Conseil d’État a rejeté l’ensemble des recours déposés par des associations environnementales et de citoyens contre les décisions l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) concernant la procédure d’attribution des premières fréquences 5G aux opérateurs.

1          Rappel du contexte

Il convient tout d’abord d’éclaircir le contexte dans lequel cet arrêt est intervenu.

En 2016, la Commission européenne a lancé un plan d’action en vue du déploiement de la 5G sur le territoire européen à l’horizon 2020. Trois bandes de fréquences du spectre radioélectrique ont été identifiées comme nécessaires au déploiement des réseaux de 5G : la bande 700 Mhz, la bande 3,5 GHz qui constitue le cœur de la 5G et qui fait l’objet du présent contentieux, et la bande 26 GHz.

En France, le plan d’action européen a été mis en œuvre par les articles L. 42-1 et L. 42-2 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Ces articles prévoient que l’ARCEP peut limiter le nombre d’autorisations d’utiliser des fréquences du spectre radioélectrique, et sélectionner les titulaires de ces autorisations par une procédure d’enchères.

Ce mécanisme est encadré plus spécifiquement par un arrêté du 30 décembre 2019 relatif aux modalités et aux conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,5 GHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre. Par un arrêt du 31 décembre 2020, le Conseil d’Etat a déjà confirmé la légalité de cet arrêté 1)CE 31 décembre 2020 Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) Orange, req. n° 438240.

Par plusieurs décisions rendues en 2020, l’ARCEP a sélectionné les candidats recevables (Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR) et a autorisé les quatre opérateurs à utiliser les fréquences attribuées.

Les requérants attaquent l’une ou l’autre des différentes décisions suivantes :

  • décision n° 2020-0329 du 31 mars 2020 approuvant le compte-rendu de la réunion au cours de laquelle elle a, d’une part, retenu les candidatures des sociétés Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR pour participer à la procédure d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,5 GHz
  • décision n° 2020-1160 du 20 octobre 2020 attribuant à chaque opérateur sélectionné une sous-bande au sein de la bande 3,5 GHz
  • décisions n° 2020-1254, n° 2020-1255, n° 2020-1256 et n° 2020-1257 du 12 novembre 2020 autorisant les sociétés Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR à utiliser les fréquences qui leur ont été préalablement attribuées dans la bande 3,5 GHz en France métropolitaine
  • par le biais d’une exception d’illégalité, l’arrêté du 30 décembre 2019 relatif aux modalités et aux conditions d’attribution d’autorisations d’utilisation de fréquences dans la bande 3,5 GHz en France métropolitaine pour établir et exploiter un système mobile terrestre.

2          Sur le respect du principe de précaution

Dans ces nouvelles requêtes introduites à l’encontre des décisions de l’ARCEP, les requérants soutenaient, par le biais d’une exception d’illégalité, que les dispositions de l’arrêté du 30 décembre 2019 méconnaissaient le principe de précaution.

Le Conseil d’Etat s’inscrit dans la continuité de sa précédente décision du 31 décembre 2020, dans laquelle il se fondait sur le rapport intermédiaire rendu par l’Anses en octobre 2019 et indiquait que ce rapport ne démontre pas que l’application du principe de précaution « exigerait des mesures de protection complémentaire contre un risque lié à l’utilisation de la technologie de la 5G ».

Dans son arrêt du 6 octobre 2021, le Conseil d’Etat juge qu’ « il n’apparaît pas, en dépit des incertitudes et des études scientifiques existant sur ce sujet, lesquelles ne font d’ailleurs l’objet d’aucun consensus au regard de l’état actuel des connaissances scientifiques disponibles, que le respect du principe de précaution exigerait, outre le respect des valeurs limites d’exposition aux champs électromagnétiques, des mesures de protection complémentaires contre un risque lié à l’utilisation de la technologie de la 5G. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des principes de précaution et de la protection de la santé humaine doivent être écartés. »

3          Sur l’absence de mise en œuvre de l’évaluation environnementale des plans et programmes

Les associations requérantes soutiennent également que l’arrêté du 30 décembre 2019 et les décisions de 2020 attaquées, prises sur son fondement, constituent des plans et programmes au sens de la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, et qu’elles auraient dû faire l’objet d’une évaluation environnementale. Les associations requérantes demandent donc au Conseil d’État de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) d’une question préjudicielle.

Le Conseil d’Etat rappelle d’abord que selon une jurisprudence constante de la CJUE 2)Le Conseil d’Etat mentionne en particulier notamment les arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a. (C-290/15), du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C-671/16), du 12 juin 2019, Terre Wallonne (C-321/18), et du 25 juin 2020 A. e.a (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C-24/19), la notion de « plans et programmes » soumis à évaluation environnementale se rapporte à tout acte qui établit, en définissant des règles et des procédures, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l’autorisation et la mise en œuvre d’un ou de plusieurs projets, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que si l’arrêté du 30 décembre 2019 et les autorisations litigieuses, qui en reprennent les termes, comportent pour les bénéficiaires des autorisations d’utilisation des fréquences des obligations de déploiement et de couverture géographique susceptibles d’exiger des travaux de construction d’installations ou d’ouvrages ayant une incidence sur l’environnement, ils ne définissent pas un ensemble significatif de critères et de modalités devant être mis en œuvre par les autorités compétentes pour autoriser, le cas échéant, ces travaux, installations ou ouvrages.

Il en conclut que l’arrêté attaqué « ne constitue pas un cadre dans lequel la mise en œuvre des projets pourra être autorisée à l’avenir », et indique qu’il n’y a en conséquence pas lieu de saisir à titre préjudiciel la CJUE.

En définitive, ce nouvel arrêt du Conseil d’Etat, qui s’inscrit dans la continuité de sa précédente décision du 31 décembre 2020 sur la légalité de l’arrêté du 31 décembre 2019, vient clore l’ensemble des contentieux et confirmer l’attribution définitive des fréquences.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 31 décembre 2020 Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres (CFE-CGC) Orange, req. n° 438240
2. Le Conseil d’Etat mentionne en particulier notamment les arrêts du 27 octobre 2016, D’Oultremont e.a. (C-290/15), du 7 juin 2018, Inter-Environnement Bruxelles e.a. (C-671/16), du 12 juin 2019, Terre Wallonne (C-321/18), et du 25 juin 2020 A. e.a (Éoliennes à Aalter et à Nevele) (C-24/19

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