Le Conseil d’Etat se prononce sur l’office du juge de plein contentieux en matière d’ICPE

Catégorie

Environnement

Date

September 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 9 août 2023 Association Environnement et patrimoines en pays du Serein, req. n° 455196 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Dans cette décision, le Conseil d’Etat vient apporter un éclairage intéressant quant à l’office du juge du plein contentieux en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Il précise notamment la date à laquelle le juge se place pour apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure de demande d’autorisation en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement. La décision d’espèce portait plus précisément sur la mise en œuvre des garanties financières.

En l’espèce, deux associations et plusieurs requérants personnes physiques ont demandé à la Cour administrative d’appel de Lyon d’annuler l’arrêté du 4 janvier 2019 par lequel le préfet de l’Yonne a autorisé la société Web parc éolien des Vents du Serein à construire et exploiter six aérogénérateurs et deux postes de livraison sur le territoire des communes de Poilly-sur-Serein et de Sainte-Vertu, en raison notamment de l’insuffisance des garanties financières, lesquelles n’avaient pas été actualisées par l’exploitant, au regard de l’arrêté du 22 juin 2020, portant modification des prescriptions relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent au sein d’une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement, postérieur à l’arrêté d’autorisation d’exploiter.

La requête a été rejetée par un arrêt du 3 juin 2021 de la CAA de Lyon qui a considéré que les requérants ne démontraient pas que le montant prévu par la société pétitionnaire, lequel n’était pas conforme aux disposition du nouvel arrêté du 22 juin 2020, serait insuffisant.

En conséquence, les requérants ont formé un pourvoi en cassation et ont demandé au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt et de faire droit à leur requête.

La question de droit posée au Conseil d’Etat consistait à déterminer la date à laquelle le juge des installations classées pour la protection de l’environnement devait se placer pour apprécier le respect des règles de forme et de procédure applicables aux autorisations d’ICPE.

En droit, dans le cas où le respect d’une règle de fond est en cause, le Conseil d’Etat confirme la solution existante : le juge du plein contentieux environnemental se prononce au regard des circonstances de fait et de droit existantes à la date à laquelle il statue 1)Voir notamment CE 6 février 1981 M. Dugenest, req. n° 03539 – CE 22 septembre 2014 SIETOM, req. n° 367889.

En revanche, si le litige concerne une règle de forme ou de procédure, le Conseil d’Etat apprécie son respect au regard des circonstances de droit et de fait existant à la date de délivrance de la décision administrative.

En l’espèce, le rapporteur public dans cette affaire, M. Stéphane Hoynck, rappelle que le montant des garanties financières devant être constitué par un porteur de projet est bien une règle de fond. Le juge du plein contentieux a donc la possibilité de censurer la décision de délivrance d’une autorisation d’ICPE si le régime juridique applicable a été durci à la date à laquelle il statue.

Néanmoins, les remarques émises par le rapporteur public méritent que l’on s’y attarde.

En effet, si le montant des garanties financières est bien une règle de fond, précisons qu’en pratique, la constitution de telles garanties s’opère en deux temps : d’abord l’arrêté d’autorisation doit établir le montant des garanties  financières exigées ainsi que les modalités d’actualisation de ce montant ; mais c’est au moment de la mise en service que les garanties financières doivent effectivement être constituées 2)C. env. art R. 515-101.

Afin de ne pas pénaliser les porteurs de projet, le rapporteur public indique que la pratique jurisprudentielle consiste, dans de tels cas, à faire application des pouvoirs de plein contentieux dont dispose le juge administratif en matière d’ICPE. Ainsi, le juge administratif peut modifier directement les arrêtés d’autorisation contestés, ou bien faire application de l’article L. 181-18 du code de l’environnement et mettre en œuvre une régularisation dans le prétoire.

En l’occurrence, le Conseil d’Etat juge que la CAA de Lyon a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la règle de fond applicable à la date de l’arrêt. Le Conseil d’Etat a procédé pour ce motif à l’annulation à l’arrêt du 3 juin 2021 de la CAA de Lyon et a renvoyé l’affaire devant la même juridiction, à qui il incombera d’envisager les options de modification de l’arrêté ou de régularisation proposées par le rapporteur public.

 

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References   [ + ]

1. Voir notamment CE 6 février 1981 M. Dugenest, req. n° 03539 – CE 22 septembre 2014 SIETOM, req. n° 367889
2. C. env. art R. 515-101

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