Le droit de l’environnement dans la loi « 3DS »

Catégorie

Environnement

Date

March 2022

Temps de lecture

7 minutes

Parue au Journal officiel du 22 février 2022, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite « 3DS », comporte quelques dispositions intéressant le droit de l’environnement.

1 – La répartition des compétences dans le domaine de la transition écologique

La loi 3DS comporte de nombreuses dispositions en matière de transports (articles 38 à 56). D’autres dispositions, bien que concernant également ce domaine, sont toutefois rangées dans un chapitre dont l’intitulé fait référence au domaine de la transition écologique (articles 25 à 37), sans que l’on perçoive bien le rapport avec celle-ci, parmi lesquelles :

  • L’ajout des pôles métropolitains mentionnés à l’article L. 5731-1 du code général des collectivités territoriales à la liste des autorités organisatrices de la mobilité figurant à l’article L. 1231-1 du code des transports (article 25 de la loi) ;
  • L’octroi à Ile-de-France Mobilités, dans le cadre des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et par dérogation à l’article L. 1241-1 du code des transports (définissant ses compétences), d’une compétence pour organiser, en Ile-de-France, des services de transport pour répondre, en tout ou partie, aux besoins exprimés par le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques relatifs au transport des personnes accréditées, dans les conditions prévues au contrat de ville hôte signé entre le Comité international olympique, le Comité national olympique et sportif français et la Ville de Paris (article 27, insérant un article 23-1 dans la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018) ;
  • L’octroi à l’établissement public du Mont-Saint-Michel de la compétence d’organiser des services routiers de transport public d’intérêt national ayant vocation à permettre l’accès au Mont-Saint-Michel, indépendamment de la compétence de l’autorité organisatrice de la mobilité dans son ressort territorial au sens de l’article L. 1231-1 du code des transports (article 29, insérant un article L. 1244-1 au code des transports) ;

2 – Les sites Natura 2000

L’article 61 modifie à la marge les régimes de désignation et de gestion des sites :

  • Avant la notification à la Commission européenne de la proposition d’inscription d’une zone spéciale de conservation ou avant la décision de désigner une zone de protection spéciale, de même qu’en cas de modification de périmètre, le projet de périmètre de la zone est soumis à la consultation des organes délibérants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale concernés (article L. 414-1, I du code de l’environnement). Pour les sites exclusivement terrestres, la loi 3DS y ajoute l’avis du conseil régional ou, en Corse, de la collectivité de Corse et, en cas de recoupement avec le périmètre d’un espace naturel sensible, l’avis du conseil départemental ;
  • Pour les sites exclusivement terrestres, les compétences mentionnées aux II, III, IV et V de l’article L. 414-2 et aux I et II de l’article L. 414-3 du code de l’environnement (élaboration et suivi de la mise en œuvre du document d’objectifs, conclusion de contrats « Natura 2000 »…) sont exercées par la région ou, en Corse, par la collectivité de Corse, l’autorité administrative étant alors le président de ladite collectivité.

3 – Les espaces naturels

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite « Climat et résilience » avait créé dans le code de l’environnement un article L. 360-1 permettant de réglementer ou d’interdire l’accès et la circulation des personnes, des véhicules et des animaux domestiques aux espaces protégés en application des livres III ou IV du même code (réserves naturelles, parcs naturels régionaux…), dès lors que cet accès est de nature à compromettre soit leur protection ou leur mise en valeur à des fins écologiques, agricoles, forestières, esthétiques, paysagères ou touristiques, soit la protection des espèces animales ou végétales. Six mois plus tard, ce texte est modifié par l’article 63 de la loi 3DS pour préciser ou compléter la liste des autorités compétentes.

4 – Les chemins ruraux

Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l’usage du public, qui n’ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune (article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime). En la matière, la loi 3DS :

  • Crée un nouvel article L. 161-6-1 prévoyant que le conseil municipal peut, par délibération, décider le recensement des chemins ruraux situés sur le territoire de la commune et que cette délibération suspend le délai de prescription pour l’acquisition des parcelles comportant ces chemins. Cette suspension produit ses effets jusqu’à une seconde délibération, qui ne peut intervenir plus deux ans après, qui arrête le tableau récapitulatif des chemins ruraux, et qui est prise après enquête publique réalisée en application du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat (article 102) ;
  • Crée un nouvel article L. 161-10-2 définissant, par renvoi à d’autres dispositions, le régime applicable en cas d’échange de parcelles ayant pour objet de modifier le tracé ou l’emprise d’un chemin rural, l’acte d’échange devant en outre comporter des clauses permettant de garantir la continuité du chemin rural et l’échange devant respecter, pour le chemin créé, la largeur et la qualité environnementale, notamment au regard de la biodiversité, du chemin remplacé (article 103) ;
  • Apporte diverses modifications aux articles L. 161-2, L. 161-8 et L. 161-11 en matière d’entretien des chemins ruraux, avec notamment la possibilité, pour la commune, d’autoriser par convention une association « loi de 1901 » à restaurer et à entretenir un chemin rural (article 104).

5 – La préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine

L’article L. 218-1 du code de l’urbanisme prévoit qu’à la demande de la commune ou du groupement de communes (ou, avec la loi 3DS, du syndicat mixte) compétent pour contribuer à la préservation de la ressource en eau, l’autorité administrative de l’Etat peut instituer un droit de préemption des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’aire d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine, avec pour objectif de préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement.

L’article L. 218-13 du même code prévoit que les biens acquis sont intégrés dans le domaine privé de la collectivité territoriale ou de l’établissement public qui les a acquis et qu’ils ne peuvent être utilisés qu’en vue d’une exploitation agricole qui doit être compatible avec l’objectif de préservation de la ressource en eau. Il prévoyait également que ces biens pouvaient être cédés, loués ou concédés à la condition d’être utilisés selon un cahier des charges prescrivant les mesures de protection de la ressource.

L’article 191 de la loi 3DS modifie ce dernier point, le texte prévoyant désormais que les biens acquis peuvent être mis à bail et que les baux nouveaux comportent des clauses environnementales prévues à l’article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime, de manière à garantir la préservation de la ressource en eau, les baux ruraux existants devant être modifiés en ce sens au plus tard lors de leur renouvellement.

En outre, les biens acquis peuvent être cédés de gré à gré à des personnes publiques ou privées, à la condition que l’acquéreur consente à la signature d’un contrat portant obligations réelles environnementales, au sens de l’article L. 132-3 du code de l’environnement, ce contrat prévoyant, au minimum, les mesures garantissant la préservation de la ressource en eau.

6 –La protection des alignements d’arbres

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a inséré dans le code de l’environnement un article L. 350-3 qui comportait quatre alinéas prévoyant respectivement que : les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent les voies de communication constituent un patrimoine devant être protégé ; le fait d’abattre, de porter atteinte à l’arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit, sauf pour des motifs sanitaires, de sécurité ou d’esthétique ; des dérogations peuvent être accordées par l’autorité administrative compétente pour les besoins de projets de construction ; l’abattage ou l’atteinte donne lieu, y compris en cas d’autorisation ou de dérogation, à des mesures compensatoires locales.

Dans un récent avis contentieux, le Conseil d’Etat avait levé les différentes incertitudes engendrées par ce texte en jugeant qu’il était possible de se prévaloir de son non-respect à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme ou d’une décision de non-opposition à déclaration préalable ; qu’une dérogation à l’interdiction d’abattage n’était requise que pour les projets de construction et non en cas de motifs sanitaires, de sécurité ou d’esthétique ; que l’autorité compétente pour délivrer la dérogation nécessaire à un projet de construction était l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme ; et qu’une autorisation distincte n’était pas nécessaire, le permis de construire ou d’aménager ou la décision de non-opposition à déclaration préalable portant sur un projet de construction impliquant l’atteinte ou l’abattage d’arbres composant un alignement le long d’une voie de communication valant octroi de la dérogation requise et l’autorité compétente devant s’assurer de la nécessité de l’abattage ou de l’atteinte et de l’existence de mesures de compensation appropriées et suffisantes (CE 21 juin 2021 Association La Nature en Ville, req. n° 446662 : Rec. CE).

L’article 194 de la loi 3DS revient sur plusieurs points en modifiant l’article L. 350-3, qui prévoit désormais que :

  • Les allées d’arbres et alignements d’arbres qui bordent « les voies ouvertes à la circulation publique » (et non plus « les voies de communication ») font l’objet d’une protection spécifique ;
  • Le fait d’abattre ou de porter atteinte à un arbre ou de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l’aspect d’un ou de plusieurs arbres d’une allée ou d’un alignement d’arbres est interdit ;
  • Ces opérations sont toutefois possibles pour des motifs sanitaires ou de sécurité ou d’esthétique mais subordonnées au dépôt d’une déclaration préalable auprès du préfet, celui-ci devant informer sans délai de ce dépôt le maire de la commune ;
  • Le préfet peut également autoriser lesdites opérations lorsque cela est nécessaire pour les besoins de projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements, le préfet devant alors informer le maire du dépôt d’une demande d’autorisation et de ses conclusions ;
  • La demande d’autorisation ou la déclaration comprend l’exposé des mesures d’évitement et, le cas échéant, de compensation envisagées ;
  • En cas de danger imminent pour la sécurité des personnes, la déclaration préalable n’est pas requise, le préfet devant toutefois être informé de l’abattage et approuver les mesures de compensation ;
  • La compensation doit, le cas échéant, se faire prioritairement à proximité des alignements concernés et dans un délai raisonnable ;
  • Un décret en Conseil d’Etat devra préciser les modalités d’application du texte et les sanctions en cas de non-respect de ses dispositions.

7 – L’évaluation environnementale

L’article 259 de la loi 3DS insère au code de l’environnement un nouvel article L. 122-15 prévoyant qu’en Guyane et à Mayotte, les évaluations environnementales relatives à des projets peuvent faire l’objet d’une procédure commune lorsque ces projets sont situés en tout ou partie dans le périmètre d’une opération d’intérêt national prévue à l’article L. 102-12 du code de l’urbanisme.

Les dossiers relatifs à ces évaluations environnementales groupées peuvent être établis par un mandataire, qui peut être l’établissement public foncier et d’aménagement compétent dans le périmètre de l’opération d’intérêt national. Ces dossiers indiquent les informations exigées de chaque maître d’ouvrage et précisent les obligations qui lui incombent au titre de l’évaluation environnementale. La décision de l’autorité compétente fixe les mesures d’évitement, réduction et compensation des incidences des projets (« mesures ERC ») en indiquant, pour chacune, les maîtres d’ouvrage responsables.

 

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