Le juge judiciaire confirme que le pourvoi en cassation ne suspend pas la signature du marché dans le cadre du référé précontractuel

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2015

Temps de lecture

3 minutes

Cass. Com. 20 janvier 2015 Société Martinique hygiène propreté services, req. n° 13-16949

Un récent arrêt de la cour de cassation rendue au sujet d’un référé précontractuel permet d’illustrer le mécanisme de cette procédure lorsqu’elle est conduite devant le juge judiciaire, et montre que celui-ci s’inscrit en cohérence avec la ligne tracée par le juge administratif.

Après avoir organisé une procédure d’appel à la concurrence pour le nettoyage courant de ses locaux, la caisse d’allocations familiales (ci-après CAF) de la Martinique, pouvoir adjudicateur soumis aux dispositions de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, a notifié à la société « Martinique hygiène propreté services » l’admission de son offre.

En application des dispositions de l’article 18 du décret 2005-1742 du 20 décembre 2005, qui prévoient que le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché doit justifier de la régularité de sa situation fiscale et sociale 1) « I.-Sous réserve des dispositions du IV de l’article 17, le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché produit en outre : (…) 2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales. (…) »., la CAF de la Martinique a sollicité de cette société la transmission des certificats correspondants, par un courriel adressé le 18 mars 2013 et par un courrier reçu le 20 mars 2013 par voie postale. La société avait jusqu’au 26 mars pour produire ces documents, étant précisé que la CAF avait prévu au sein du règlement de la consultation de laisser un délai de 7 jours à l’attributaire pressenti pour ce faire.

Le 27 mars 2013, estimant que la société n’avait pas transmis les documents dans le délai imparti, la CAF de la Martinique lui a notifié le rejet de son offre.

La société évincée a saisi en conséquence le juge judiciaire du référé précontractuel 2) Aux termes des articles 2 et 5 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 : « En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l’un de ces contrats et susceptibles d’être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire ». qui, par décision du 17 avril 2013, a rejeté sa demande d’annulation de la décision précitée.

En effet, le premier juge a estimé qu’un délai supérieur aux sept jours prévus par le règlement de la consultation s’était écoulé entre le 18 mars 2013, date de réception du courriel, et le 26 mars 2013. La chambre commerciale de la Cour de Cassation censure cette ordonnance au motif que les deux parties s’accordaient, dans leurs écritures, sur le fait que la demande de régularisation avait été reçue par la société le 20 mars 2013. Cette seule date pouvait constituer, selon le juge de cassation, le point de départ du délai, ce qui peut sembler rigoureux.

Pour autant, la CAF a procédé à la signature du contrat le 29 mai 2013, soit après la déclaration du pourvoi en cassation : or, le juge du référé précontractuel ne peut se prononcer qu’avant la signature du contrat 3) En effet, les pouvoirs conférés au juge du référé précontractuel ne peuvent être exercés qu’avant la signature du contrat : voir en ce sens : Cass. Com. 10 juillet 2009 Société GRDF, req. n° 09-13871, Bulletin 2009, IV, n° 107..

Sur ce point, le juge administratif a déjà arrêté de longue date que faute pour le pourvoi en cassation de présenter un caractère suspensif, à l’issue d’un référé précontractuel rejeté par le premier juge, rien n’empêche la personne publique de signer le marché, même l’exercice d’un pourvoi en cassation 4) CE Sect. 3 novembre 1995 Société Stentofon Communications, req. n° 152650 ; voir également pour une confirmation récente de la régularité du mécanisme : CE 15 février 2013 Société Novergie et autres, req. n° 364325, 354491, 364549 : la signature du contrat postérieurement à l’introduction d’un pourvoi en cassation, lequel devient ainsi sans objet, ne fait pas obstacle à ce que le concurrent évincé saisisse le juge administratif de conclusions tendant à contester la validité du contrat conclu ou à obtenir l’indemnisation du préjudice né de sa conclusion. Par suite, le requérant n’est pas privé de son droit à un recours effectif. . En d’autres termes, l’interdiction de signer un marché à compter de la saisine du juge énoncée par l’article L. 551-4 du CJA ne s’applique pas à la saisine du juge de cassation.

La cour de cassation juge de la même façon que la signature du contrat, même intervenue après l’introduction du pourvoi, rend sans objet le référé précontractuel, et partant, qu’il n’y a plus lieu à statuer.

Partager cet article

References   [ + ]

1. « I.-Sous réserve des dispositions du IV de l’article 17, le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché produit en outre : (…) 2° Les attestations et certificats délivrés par les administrations et organismes compétents prouvant qu’il a satisfait à ses obligations fiscales et sociales. (…) ».
2. Aux termes des articles 2 et 5 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 : « En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des entités adjudicatrices des contrats de droit privé ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l’un de ces contrats et susceptibles d’être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire ».
3. En effet, les pouvoirs conférés au juge du référé précontractuel ne peuvent être exercés qu’avant la signature du contrat : voir en ce sens : Cass. Com. 10 juillet 2009 Société GRDF, req. n° 09-13871, Bulletin 2009, IV, n° 107.
4. CE Sect. 3 novembre 1995 Société Stentofon Communications, req. n° 152650 ; voir également pour une confirmation récente de la régularité du mécanisme : CE 15 février 2013 Société Novergie et autres, req. n° 364325, 354491, 364549 : la signature du contrat postérieurement à l’introduction d’un pourvoi en cassation, lequel devient ainsi sans objet, ne fait pas obstacle à ce que le concurrent évincé saisisse le juge administratif de conclusions tendant à contester la validité du contrat conclu ou à obtenir l’indemnisation du préjudice né de sa conclusion. Par suite, le requérant n’est pas privé de son droit à un recours effectif.

3 articles susceptibles de vous intéresser