Le juge peut annuler un permis de construire et écarter tous les autres moyens comme inopérants

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2025

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 juillet 2025, req. n° 497619 : mentionnée dans les tables du recueil Lebon

1             Objet du pourvoi

L’article L. 600-1-4 du code de l’urbanisme fait obligation à la juridiction administrative, lorsqu’elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d’urbanisme ou en ordonne la suspension, de se prononcer sur l’ensemble des moyens de la requête qu’elle estime susceptibles de fonder l’annulation ou la suspension, en l’état du dossier.

Ces dispositions, entrées en vigueur le 14 janvier 2001 1)Articles 37 et 43 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains., ont pour objet de permettre à l’autorité administrative de ne pas commettre une nouvelle illégalité, lorsqu’à la suite d’une annulation, elle arrête une nouvelle décision.

Depuis cette date, dix-neuf décisions du Conseil d’Etat, mentionnées ou publiées au sein du recueil Lebon, ont précisé les contours de cet article, qui déroge au principe applicable en contentieux administratif général dit de « l’économie des moyens » lequel permet au juge de ne retenir qu’un seul des moyens d’annulation d’un acte administratif qu’il juge fondé.

Par une vingtième décision en date du 10 juillet 2025, laquelle sera mentionnée dans les tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur les conditions de respect de ces dispositions lorsque le juge du fond annule un permis de construire puis écarte l’ensemble des autres moyens comme inopérants, par référence aux moyens qui, mêmes fondés, ne peuvent avoir aucune incidence sur la solution du litige 2)C’est le cas d’un moyen qui est sans lien avec la question à trancher ou qui critique une illégalité entachant une décision que l’administration était tenue de prendre. et qui peuvent être écartés par prétérition « sans que ce silence, qui méconnaît pourtant ainsi la règle générale de motivation des jugements, puisse entraîner la censure de la décision du juge, en appel ou, en cassation » 3)CE 26 novembre 1993, SCi Les jardins de Bibémus, req. n° 108851 mentionné au sein des conclusions de Nicolas Polge sur CE 27 juin 2016, req. n° 386957 : mentionnée dans les T. du Rec. CE..

En l’espèce, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l’arrêté de permis de construire deux maisons délivré à une résidente de la commune de Fontenay-aux-Roses dans les Hauts-de-Seine. Devant le Conseil d’Etat, celle-ci a soutenu que le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme au motif qu’il a prononcé l’annulation du permis de construire litigieux puis a écarté l’ensemble des autres moyens de la requête comme inopérants. Autrement dit, il ne serait pas prononcé explicitement sur tous les moyens qu’il a estimé fondés.

2             Absence de méconnaissance de l’article L. 600-1-4 lorsque le juge écarte l’ensemble des autres moyens de la requête comme inopérants

Par la décision commentée, le Conseil d’Etat juge qu’en prononçant l’annulation d’un permis de construire puis en écartant l’ensemble des autres moyens de la requête comme inopérants, un tribunal administratif, qui, ce faisant, s’est prononcé explicitement sur tous les moyens qu’il a estimé fondés, n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme.

Cette solution est conforme au principe selon lequel le moyen inopérant peut être écarté par prétérition.

La portée de la décision peut être rapprochée d’une précédente solution par laquelle le Conseil d’Etat a jugé que ces dispositions législatives ne sont pas méconnues dans le cas où le juge, de l’annulation ou de la suspension, s’abstient de mentionner expressément dans ses motifs et, par conséquent, écarte implicitement les moyens autres que celui qu’il a retenu pour annuler ou suspendre l’acte intervenu en matière d’urbanisme. Le fait d’écarter un moyen implicitement, même opérants, ne signifiant pas que le juge méconnaît les dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme.

En revanche, le silence n’est pas sans limite pour l’application de ces dispositions. En particulier,  un jugement ne peut préciser que l’annulation intervient « sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête », formule qui témoigne que le juge ne s’est pas prononcé expressément sur tous les moyens qu’il a estimé fondés 4)CE 16 juin 2004, req. n° 254172 : mentionnée dans les T. du Rec. CE..

3             Office du juge de cassation sur les motifs par lesquels ces autres moyens ont été écartés comme inopérants

Le fichage de la décision du 10 juillet 2025 précise également que dès lors que le moyen reconnu comme fondé par le tribunal justifie légalement le dispositif d’annulation de son jugement, il n’y a pas lieu pour le juge de cassation de censurer les motifs par lesquels le tribunal a écarté comme inopérants les autres moyens soulevés devant lui, motifs auxquels ne s’attache pas d’autorité de chose jugée.

La portée de la décision précise ici l’office du juge de cassation dans le cadre de l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme dont les contours ont initialement été définis par une décision Commune de Barcarès du 22 avril 2005 5)CE Section 22 avril 2005 Commune de Barcarès, req. n° 257877 : publiée au Rec. CE..

 

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References   [ + ]

1. Articles 37 et 43 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
2. C’est le cas d’un moyen qui est sans lien avec la question à trancher ou qui critique une illégalité entachant une décision que l’administration était tenue de prendre.
3. CE 26 novembre 1993, SCi Les jardins de Bibémus, req. n° 108851 mentionné au sein des conclusions de Nicolas Polge sur CE 27 juin 2016, req. n° 386957 : mentionnée dans les T. du Rec. CE.
4. CE 16 juin 2004, req. n° 254172 : mentionnée dans les T. du Rec. CE.
5. CE Section 22 avril 2005 Commune de Barcarès, req. n° 257877 : publiée au Rec. CE.

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