Le pouvoir adjudicateur face aux candidatures des entreprises de création récente

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2012

Temps de lecture

3 minutes

CE 9 mai 2012 Commune de Saint-Benoît, req. n° 356455 : Mentionné dans les Tables du Rec. CE

Par un arrêt du 9 mai 2012, la Haute Juridiction a utilement rappelé les principes qui s’imposent aux pouvoirs adjudicateurs face aux candidatures d’entreprises de création récente. En effet, ceux-ci ne peuvent pas exiger des candidats certaines pièces sans réserver une alternative pour les entreprises qui ne peuvent objectivement pas les produire, en leur permettant de démontrer leurs capacités professionnelles et financières par tout moyen équivalent.

Dans cette affaire, la commune de Saint-Benoît a attribué à la société Vet’work un marché à bons de commande ayant pour objet la fourniture de vêtements de travail et d’équipements de protection individuelle pour ses agents. La société Penaud Frères, candidate évincée de l’attribution du marché, a alors saisi le juge des référés pré-contractuels, en contestant l’admission de la candidature de la société Vet’work. Le tribunal administratif de Poitiers a donné raison à la requérante, au motif que la société désignée attributaire n’avait pas fourni les déclarations relatives aux chiffres d’affaires des trois derniers exercices et ses références des prestations similaires exécutées au cours des trois dernières années, alors que ces documents étaient exigés par le règlement de la consultation.

C’est ce raisonnement que le Conseil d’Etat censure. En effet, en ne réservant pas la possibilité pour les candidats de présenter des pièces équivalentes aux documents sollicités, le règlement de la consultation de la procédure ne prenait pas en considération le cas des entreprises de création récente. Le Conseil d’Etat souligne ainsi qu’en application des articles 45[1] et 52[2] du code des marchés publics, lorsqu’il est imposé que les candidats produisent des documents comptables et des références pour attester de leurs capacités professionnelles et financières, le pouvoir adjudicateur « […] doit néanmoins permettre aux candidats qui sont dans l’impossibilité objective de produire les documents et renseignements exigés par le règlement de la consultation, [comme les entreprise de création récente], de justifier de leurs capacités financières et de leurs références professionnelles par tout autre moyen […] ».

Le Conseil d’Etat censure donc l’ordonnance rendue par le Tribunal administratif de Poitiers au motif que l’exigence des pièces sollicitées par le règlement de consultation « imposait au pouvoir adjudicateur de rejeter la candidature des entreprises de création récente qui n’avaient pu les fournir », ce qui constitue en soi une restriction excessive à l’accès aux marchés publics.

Néanmoins, in fine, le Conseil d’Etat considère que la candidature de la société Vet’work ne pouvait effectivement pas être retenue en l’espèce par la commune. Pour justifier de ses capacités financières, et puisqu’elle était dans l’impossibilité de fournir des déclarations relatives à son chiffre d’affaires, la société candidate avait transmis une attestation de son conseiller bancaire indiquant que ses comptes fonctionnaient normalement. Une telle pièce ne pouvait être considérée comme équivalente aux justifications sollicitées, et partant, l’admission de la candidature de la société Vet’work était bien irrégulière.

Si cet arrêt permet de rappeler qu’un pouvoir adjudicateur doit toujours laisser ouverte une alternative à la production des pièces exigées, les questions de l’analyse de ce qui constitue une impossibilité objective de les produire, ou de ce qui peut être admis comme une justification équivalente aux documents demandés restent, elles, encore entières.


[1] « (…) Si le candidat est objectivement dans l’impossibilité de produire, pour justifier de sa capacité financière, l’un des renseignements ou documents prévus par l’arrêté mentionné au I et demandés par le pouvoir adjudicateur, il peut prouver sa capacité par tout autre document considéré comme équivalent par le pouvoir adjudicateur. »

[2] « (…) Les candidatures (…) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l’avis d’appel public à la concurrence, ou, s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi d’un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. L’absence de références relatives à l’exécution de marchés de même nature ne peut justifier l’élimination d’un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d’examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats »

 

Partager cet article

3 articles susceptibles de vous intéresser