La procédure de passation d’un contrat de la commande publique, engagée et conduite par une personne publique non encore compétente pour le signer, n’est pas irrégulière

Catégorie

Contrats publics, Droit administratif général

Date

June 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 9 juin 2020 Métropole Nice-Côte d’Azur, req. n°436922, n°436925, n°436926 : mentionné aux tables du Rec. CE

Le Conseil d’Etat a eu à se prononcer sur la question de savoir si une collectivité non encore compétente peut engager et conduire la procédure de passation d’une délégation de service public.

La métropole Nice-Côte d’Azur a entrepris d’obtenir la suite de la concession des plages naturelles précédemment attribuée à la commune de Nice en faisant valoir son droit de priorité en application de l’article L.2124-4 du code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP).

Sans attendre d’être effectivement compétente, et afin d’anticiper ce changement d’attributaire, la métropole a lancé en octobre 2018, la procédure de passation d’une délégation de service public balnéaire portant sur quatorze lots d’exploitation de plage. Par délibération du 25 octobre 2019, les lots 5, 9 et 10 ont respectivement été attribués aux sociétés Maka, Baieta Plage et Servotel Sylnis. Les sociétés Les Voiliers, Lido Plage et Sporting Plage, concurrents évincés, ont chacun demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice d’annuler la procédure de délégation de service public pour l’exploitation des lots concernés. Par un arrêté préfectoral du 26 novembre 2019 et le contrat de concession signé le même jour avec l’Etat, la métropole s’est finalement vu attribuée la concession de ces plages pour la période allant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2031.

Par trois ordonnances du 5 décembre 2019, le juge des référés a annulé la procédure de délégation de service public balnéaire pour les 3 lots en litige au motif que la procédure avait été conduite par la métropole Nice-Côte d’Azur qui n’était pas compétente pour conclure le contrat lors du lancement et la conduite de la procédure de passation.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle les limites de l’office du juge du référé précontractuel. Conformément à l’article L. 551-1 CJA, il lui incombe « d’apprécier si ont été commis des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles d’avoir lésé ou ont risqué de léser, fût-ce de façon indirecte, l’entreprise qui le saisit ».  Il en conclut qu’« il ne lui appartient pas de contrôler si, au regard de l’objet du contrat dont la passation est engagée, la personne publique est, à la date où elle signe le contrat, compétente à cette fin ».

Dans un second temps, le Conseil d’Etat considère que rien ne s’oppose à ce qu’une collectivité qui a vocation à exercer la compétence nécessaire à la conclusion et l’exécution d’un contrat de la commande publique engage elle-même la procédure de passation du contrat, alors même qu’elle n’est pas encore compétente à cette date pour le signer. Pour ce faire, il lui incombe seulement, dès le lancement de la procédure de passation, de faire savoir que le contrat ne sera signé qu’après être devenue compétente pour le conclure.

Enfin, la haute juridiction précise qu’une personne publique peut également conclure un contrat au terme d’une procédure menée par une autre personne publique à laquelle elle se substitue de plein droit à la date de la signature du contrat.

Pour annuler la procédure de passation des lots litigieux, le juge des référés du tribunal de Nice se fondait sur la circonstance que cette procédure de passation avait été lancée et conduite par la métropole avant qu’elle ne soit compétente pour conclure le contrat, de sorte que la commission de délégation de service public de la métropole n’avait pu procéder régulièrement à l’analyse des offres. Le Conseil d’Etat considère que le juge des référés a ainsi commis une erreur de droit  en ne constatant aucun vice propre dans la composition ou le fonctionnement de la commission de délégation de service public de la métropole Nice-Côte d’Azur. Dès lors, la métropole est fondée à demander l’annulation de ces trois ordonnances en tant qu’elles ont annulé la procédure de passation de la délégation de service public balnéaire des lots 5, 9 et 10.

En définitive, les acheteurs publics non encore compétents peuvent tout à fait lancer et conduire la procédure de passation à condition toutefois de veiller à ne signer le contrat qu’une fois la délégation de compétence attribuée et surtout le faire savoir dès le lancement de la procédure.

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