Le titulaire d’un marché ne perd pas le droit de former une réclamation sur le décompte général, même s’il n’a pas établi lui-même le projet de décompte final

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 19 mai 2022 sociétés Eiffage Route Nord Est, Eiffage Génie civil et Entreprise Jean Lefebvre Nord, req. n° 455134 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Par sa décision du 19 mai 2022, le Conseil d’Etat affirme que le titulaire du marché qui ne produit pas de projet de décompte final ne perd pas le droit de présenter une réclamation sur le décompte général du marché.

Dans cette affaire, le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes, devenu syndicat intercommunal de mobilité et d’organisation urbaine de Valencienne (ci-après : « SIMOUV »), a conclu un marché public de travaux avec un groupement solidaire d’entreprises portant sur le lot n° 1 du marché de construction de la seconde ligne du tramway de Valenciennes. Après la réception des travaux le 29 novembre 2013, le SIMOUV a mis en demeure le groupement de produire son projet de décompte final. Le groupement lui a indiqué qu’il n’était pas en état de lui adresser, ce qui a conduit le SIMOUV à notifier au groupement le décompte général du marché le 27 octobre 2014. Le 8 décembre 2014, le groupement a adressé au pouvoir adjudicateur un mémoire en réclamation d’un montant de 3 161 087,68 EUR qui a été rejeté par le SIMOUV.

Le groupement a saisi le tribunal administratif de Lille et par un jugement du 19 mars 2019, le tribunal a condamné le SIMOUV à verser au groupement la somme de 441 483,45 EUR. Le SIMOUV a interjeté appel devant la cour administrative d’appel de Douai qui a, dans un arrêt 1er juin 2021, a annulé le jugement du tribunal 1)CAA Douai 1er juin 2021 SIMOUV, req. n° 19DA01163. Les membres du groupement ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Le Conseil d’Etat était amené à se prononcer sur l’application de l’article 13 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (ci-après : « CCAG-Travaux) dans sa rédaction approuvée par l’arrêté du 8 septembre 2009 applicable au marché d’espèce.

Après avoir cité in extenso les stipulations de l’article 13 du CCAG-Travaux, le Conseil d’Etat va synthétiser les dispositions applicables au présent litige. Ainsi, la procédure d’établissement de la demande de paiement finale s’effectue en plusieurs étapes :

  • le titulaire doit transmettre au maître d’œuvre un projet de décompte final dans un délai de 45 jours à compter de la notification de la décision de réception des travaux ou, à défaut d’une telle notification, dans un délai de 30 jours à compter de la réception tacite des travaux prévue à l’article 41.1.3 du CCAG-Travaux
  • à défaut et après mise en demeure infructueuse, le décompte final est établi d’office par le maître d’œuvre
  • sur la base du décompte final, le maître d’œuvre établit le projet de décompte général qui, une fois signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, devient le décompte général
  • le représentant du pouvoir adjudicateur notifie le décompte général et le décompte final au titulaire du marché
  • le titulaire dispose alors d’un délai de 45 jours pour renvoyer le décompte général signé, avec ou sans réserve, ou exposer les motifs de son refus, à défaut, il est réputé avoir accepté le décompte qui devient le décompte général et définitif du marché

La question se pose en particulier dans le cas où le titulaire du marché ne remet pas de projet de décompte final au maître d’œuvre et qu’il ne présente donc pas demande de paiement finale intégrant des éventuelles réclamations.

En ce cas, le Conseil d’Etat juge que :

« Lorsque le titulaire du marché n’a pas produit de projet de décompte final et qu’après mise en demeure demeurée sans suite, ce décompte final a été établi d’office par le maître d’œuvre, les stipulations précédemment citées n’ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de le priver du droit de former, dans le délai de quarante-cinq jours suivant la transmission du décompte général du marché, une réclamation sur ce décompte général, quand bien même elle porterait sur un poste de rémunération ou d’indemnisation qui n’avait pas été mentionné dans le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre. »

Ainsi, le titulaire demeure recevable à former, dans un délai de 45 jours après la transmission du décompte général du marché, une réclamation sur ce décompte, même si la réclamation porte sur un poste de rémunération ou d’indemnisation non mentionné dans le décompte final établi d’office par le maître d’œuvre.

En l’espèce, les juges d’appel avaient estimé que le titulaire du marché ne pouvait pas, après établissement d’office du décompte final par le maître d’œuvre, contester dans son mémoire en réclamation des éléments n’ayant pas été présentés dans un délai raisonnable à compter de la réception de la mise en demeure de transmettre son projet de décompte final.

Ainsi, le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai et renvoie l’affaire devant cette même cour.

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