Le tribunal administratif compétent pour contester une décision de la CNAC ou quand le Conseil d’Etat statue contra legem

Catégorie

Aménagement commercial

Date

March 2011

Temps de lecture

3 minutes

Depuis l’entrée en vigueur de la réforme du code de justice administrative opérée par le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives, le Conseil d’Etat n’est plus compétent pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions des commissions nationales d’aménagement commercial (CNAC). 

L’application stricte des dispositions du code de justice administrative imposerait désormais de considérer que les juridictions compétentes pour apprécier la légalité des décisions de la CNAC est le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) dont la décision a fait l’objet du recours préalable obligatoire devant la CNAC. 

En effet, il résulte des dispositions de l’article R. 312-1 du code de justice administrative (CJA) que :

« Lorsqu’il n’en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l’autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux. Lorsque l’acte a été signé par plusieurs autorités, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel a son siège la première des autorités dénommées dans cet acte.

Sous les mêmes réserves en cas de recours préalable à celui qui a été introduit devant le tribunal administratif, la décision à retenir pour déterminer la compétence territoriale est celle qui a fait l’objet du recours administratif ou du pourvoi devant une juridiction incompétente ».

C’est dans ce contexte que le tribunal administratif de Poitiers, saisi d’un recours contre une autorisation délivrée par la CNAC à la suite d’un recours préalable dirigé contre une décision de la CDAC de la Vienne, a néanmoins transmis l’affaire au Conseil d’Etat, en vertu de l’article R. 351-2 du CJA, considérant que l’affaire devait relever de la compétence du Conseil d’Etat.

Et, par une ordonnance en date du 21 mai 2010, la Conseil d’Etat a renvoyé au tribunal administratif de Paris le soin de statuer sur les recours dirigés contre les décisions de la CNAC :

« (…) que le tribunal administratif territorialement compétent pour connaître de la requête est, dans ces conditions, celui dans le ressort duquel a son siège l’autorité qui a pris la décision attaquée ; que la commission nationale d’aménagement commercial a son siège à Paris (75013) ; qu’il y a lieu, par suite, d’attribuer le jugement de la requête au tribunal administratif de Paris (…) » (CE ord. 21 mai 2010 Société distribution Casino France, req. n° 339561).

Toutefois, outre le fait que cette interprétation ne semble pas être celle qu’il convient de retenir des textes du CJA, le tribunal administratif de Paris ne paraît pas enclin à recevoir cette compétence.

 Saisi d’un recours dirigé contre une décision de la CNAC par une société concurrente, le tribunal administratif de Paris a en effet transmis l’affaire au tribunal administratif de Pau, en vertu des dispositions de l’article R. 351-3 du CJA, considérant que l’affaire relève d’une juridiction administrative autre que le Conseil d’Etat (TA Paris ord. 23 août 2010 Société STEME, req. n° 1014871). 

De plus, on peut se demander si les tribunaux administratifs saisis directement par des recours contre des décisions de la CNAC vont s’estimer compétents ou s’ils comptent suivre l’ordonnance du Conseil d’Etat et considérer que ces recours relèvent de la compétence du tribunal administratif de Paris. 

C’est pour cette seconde solution que le tribunal administratif de Nancy a opté en transmettant au tribunal administratif de Paris un recours dirigé contre une décision de la CNAC dont il s’est trouvé saisi (TA Nancy ord. 15 octobre 2010 Société Supermarché MATCH). 

Le tribunal administratif de Paris n’a toutefois pas souhaité statuer et a, par suite, transmis la requête au Conseil d’Etat afin qu’il règle la question de compétence (TA Paris ord. 25 octobre 2010 Société Supermarchés MATCH, req. n° 1018299).

Il convient désormais d’attendre de voir si le Conseil d’Etat compte confirmer sa première analyse ou s’il reviendra à l’application des dispositions du CJA qui prévoit clairement que le tribunal administratif compétent est celui du ressort de la CDAC qui s’est prononcée.

 

 

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