Les Etats-membres ne peuvent déroger aux interdictions expresses de mise sur le marché et d’utilisation des néonicotinoïdes

Catégorie

Environnement

Date

January 2023

Temps de lecture

3 minutes

CJUE 19 janvier 2023 Pesticide Action Network Europe ASBL, Nature et Progrès Belgique ASBL, aff. C‑162/21

La Cour de justice de l’Union européenne remet en cause les dérogations nationales systématiques à l’interdiction des néonicotinoïdes au nom du principe de précaution.

Par un arrêt C‑162/21 sur renvoi préjudiciel du 19 janvier 2023, la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE ») s’est prononcée sur les dérogations à l’interdiction d’usage de deux substances néonicotinoïdes (les substances actives clothianidine et thiaméthoxame). Pour mémoire, il s’agit de substances insecticides utilisées dans les pesticides et les semences enrobées, en particulier dans la culture de la betterave.

Cet usage est régi au niveau européen par deux règlements d’exécution de la Commission de 2018 1)Règlement d’exécution (UE) 2018/784 de la Commission, du 29 mai 2018, modifiant le règlement d’exécution (UE) n°  540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active « clothianidine » (JO 2018, L 132, p. 35) ; Règlement d’exécution (UE) 2018/785 de la Commission, du 29 mai 2018, modifiant le règlement d’exécution (UE) n°  540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active « thiaméthoxame » (JO 2018, L 132, p. 40)., aux termes desquelles, les substances en cause sont par principe interdites, les Etats-membres ne pouvant les autoriser qu’à titre exceptionnel en matière de culture dans des serres permanentes et tout au long du cycle de vie de la culture, eu égard à leur nocivité notamment pour les abeilles et leur fonction pollinisatrice.

Néanmoins, parallèlement à ce premier corps de règles et en vertu de l’article 53 du règlement européen n°  1107/2009 relatif aux situations d’urgence en matière de protection phytosanitaire, il est permis aux Etat-membres, à titre dérogatoire et dans des circonstances particulières, d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en principe interdits. Cette mesure doit notamment s‘imposer en raison d’un danger ne pouvant être maîtrisé par d’autres moyens raisonnables et elle est limitée temporellement à une période de cent vingt jours.

C’est sur fondement de cette dérogation que l’Etat belge avait consenti six autorisations pour le traitement de semences de certaines cultures, dont les betteraves sucrières bien connues du débat français 2)Voir CE 15 mars 2021 association ” Terre d’abeille “, req. n° 450194, ainsi que leur mise sur le marché et leur ensemencement en plein air, autant de cas interdits par les règlementations applicables.

Deux associations de lutte contre les pesticides et un apiculteur ont formé un recours devant le Conseil d’Etat belge, faisant valoir un usage abusif.

Le Conseil d’Etat belge a alors sursis à statuer pour interroger la CJUE sur l’interprétation à adopter de l’article 53 du règlement européen n°  1107/2009. La question posée avait donc trait à l’articulation entre cette dérogation et les interdictions expressément prévues par les règlements d’exécution de la Commission.

La CJUE répond en substance que la dérogation de l’article 53 permet aux États membres, dans des circonstances exceptionnelles, d’autoriser la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques qui contiennent des substances non-couvertes par un règlement d’approbation.

Toutefois et au nom du principe de précaution, elle ne permet pas de déroger de manière systématique aux réglementations de l’Union visant expressément à interdire la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de tels produits.

La Cour prend soin d’indiquer ces interdictions sont prises par la Commission dans le respect de conditions strictes dès lors que les semences traitées à l’aide de tels produits phytopharmaceutiques sont susceptibles de présenter un risque grave pour l’environnement, la santé humaine ou animale (point 51).

L’affaire s’inscrit dans un contexte interne particulier puisqu’une consultation publique relative à un projet d’autorisation provisoire de semences de betteraves sucrières traitées était justement en cours.

Quelques jours après la publication de l’arrêt de la CJUE, le ministre de l’agriculture a annoncé qu’il ne prolongerait pas la dérogation accordée aux betteraviers pour utiliser ces produits.

 

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References   [ + ]

1. Règlement d’exécution (UE) 2018/784 de la Commission, du 29 mai 2018, modifiant le règlement d’exécution (UE) n°  540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active « clothianidine » (JO 2018, L 132, p. 35) ; Règlement d’exécution (UE) 2018/785 de la Commission, du 29 mai 2018, modifiant le règlement d’exécution (UE) n°  540/2011 en ce qui concerne les conditions d’approbation de la substance active « thiaméthoxame » (JO 2018, L 132, p. 40).
2. Voir CE 15 mars 2021 association ” Terre d’abeille “, req. n° 450194

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