Les limites de l’intérêt à agir d’une agence régionale de santé à l’encontre d’un marché public d’un établissement public de santé

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2016

Temps de lecture

3 minutes

CE 2 juin 2016 Ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, req. n° 395033, Publié au Rec. CE

Par une décision du 2 juin 2016, le Conseil d’Etat a précisé les modalités d’appréciation de l’intérêt des agences régionales de santé (ARS) à agir contre les marchés publics des établissements de santé de leur ressort.

1 – Le contexte

En l’espèce, l’agence régionale de santé d’Auvergne avait demandé au juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

    ► sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (relatif au référé suspension accompagnant, en l’espèce, un recours en contestation de validité d’un contrat, dit recours « Département de Tarn-et-Garonne » 1) CE Ass. 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : Rec. CE p. 70, concl. Dacosta.) : de suspendre le marché public de déconstruction, conception, réalisation pour la reconstruction de l’espace intergénérationnel du centre hospitalier Emile Roux du Puy-en-Velay conclu par cet établissement et l’avenant n° 1 à ce marché ;

    ► sur le fondement de l’article L. 554-6 du code de justice administrative (instituant au profit du directeur général de l’agence régionale de santé et par renvoi au dernier alinéa de l’article L. 6143-4 du code de la santé publique, un mécanisme spécifique de suspension de certaines délibérations du conseil de surveillance et de certaines décisions du directeur d’un établissement public de santé) : de suspendre le même marché public et le même avenant n° 1 du 12 juin 2015 à ce marché, ainsi que l’ordre de service n° 1 du 12 juin 2015, une délibération du conseil de surveillance de l’hôpital et la notification du marché public et de son avenant.

La première demande a été rejetée par le juge du référé du tribunal administratif et le ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a introduit un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat. La seconde demande l’a été pareillement et le ministre a alors fait appel devant la cour administrative d’appel, puis a introduit un second pourvoi.

La question se posant au Conseil d’Etat était celle de la recevabilité des deux actions du directeur de l’agence régionale de santé.

2 – La solution du Conseil d’Etat

2.1 S’agissant du référé suspension, il fallait d’abord, pour déterminer s’il était recevable, déterminer si le recours en contestation de validité dont il est l’accessoire était également recevable.

Dans le cadre de ce recours, et sauf cas particuliers, les personnes pouvant contester la validité du contrat (ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles) sont les tiers au contrat susceptible d’être lésé dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses.

A cet égard, le Conseil d’Etat relève que la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 a abrogé l’article L. 6145-6 du code de la santé publique (CSP), qui organisait auparavant un contrôle du préfet sur les baux emphytéotiques hospitaliers, les marchés et les contrats de partenariat des établissements publics de santé (transmission préalable et déféré préfectoral). Depuis cette loi, l’article L. 6143-4 CSP énumère précisément les actes que le directeur de l’ARS peut décider de déférer au juge administratif s’il les estime illégaux. Or, en ce qui concerne les décisions du directeur général d’un établissement public de santé, ne sont mentionnées que celles visées à l’article L. 6143-7 CSP (sauf celles figurant à son 5°). En matière de contrats, ne peuvent ainsi faire l’objet d’un tel déféré que les actes par lesquels le directeur conclut les délégations de service public, les contrats de partenariat, les baux emphytéotiques ou certaines conventions de location et non les actes relatifs aux autres contrats administratifs et notamment aux marchés publics passés par ces établissements.

Le Conseil d’Etat en déduit en conséquence « qu’une agence régionale de santé ne peut, en cette seule qualité, être regardée comme justifiant d’un intérêt lui donnant qualité pour demander au juge administratif d’annuler ou de suspendre un marché public ; qu’il lui appartient, au contraire, comme à tout tiers, de démontrer qu’elle a été lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation ou les clauses d’un tel marché pour en contester la validité ou demander la suspension de l’exécution de ce marché ».

L’ARS ne démontrant pas avoir été lésée dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par la passation du marché en cause et de son avenant, d’autant plus qu’elle avait indiqué en première instance « que ses intérêts propres en tant que structure administrative n’étaient pas lésés par le marché litigieux », c’est à bon droit que sa demande de référé suspensions a été rejetée comme irrecevable.

2.2 S’agissant de la demande de suspension spécifique qu’institue l’article L. 554-6 du code de justice administrative au profit du directeur de l’ARS, il en va de même.

En effet, le Conseil d’Etat relève que les actes entrant dans le champ d’application de cette procédure sont définis par renvoi au dernier alinéa de l’article L. 6143-4 du code de la santé publique, qui lui-même, ainsi qu’on l’a vu, ne mentionne que certains actes du directeur de l’établissement public de santé, au nombre desquels ne figurent pas les actes relatifs à la conclusion des marchés publics.

Cette demande était donc également irrecevable.

Les deux pourvois du ministre sont donc rejetés.

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1. CE Ass. 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : Rec. CE p. 70, concl. Dacosta.

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