L’implantation d’aménagements légers sur le littoral jugée conforme au principe de non-régression

Catégorie

Aménagement commercial, Environnement, Urbanisme et aménagement

Date

July 2020

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 juillet 2020 Association France Nature Environnement, req. n° 432944 : mentionné aux tables du recueil Lebon

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique a modifié l’article L. 121-24 du code de l’urbanisme pour donner un caractère limitatif à la liste des aménagements légers pouvant être implantés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.

Le décret du 21 mai 2019 relatif aux aménagements légers autorisés dans les espaces remarquables ou caractéristiques du littoral et des milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques a modifié cette liste, en ajoutant notamment une nouvelle catégorie relative aux canalisations nécessaires aux services publics ou aux activités économiques.

Par une requête du 23 juillet 2019, l’association France Nature Environnement a demandé l’annulation de ce décret en soutenant :

  • Que les modifications apportées au décret postérieurement à la consultation du public auraient dues être soumises à une nouvelle consultation (1) ;
  • Et qu’une telle disposition est contraire au principe de non-régression du droit de l’environnement (2).

Dans son arrêt du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a rejeté la requête de France Nature Environnement.

1           Sur les modifications introduites postérieurement à la consultation du public

L’article L. 123-19-1 du code de l’environnement prévoit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement.

En l’espèce, le décret du 21 mai 2019 a fait l’objet d’une consultation du public réalisée du 24 janvier au 14 février 2019. A l’issue de cette consultation, le décret a été modifié. Plus particulièrement, la liste des aménagements légers pouvant être implantés dans les espaces remarquables intègre désormais les canalisations nécessaires aux services publics ou aux activités économiques.

Dans son arrêt du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat a jugé que dès lors qu’un projet a été soumis à la consultation du public, les modifications apportées postérieurement ne doivent pas avoir pour effet de dénaturer le projet sur lequel ont été initialement recueillies les observations du public. Ce faisant, le Conseil d’Etat confirme sa jurisprudence constante depuis 2015 1)CE 17 juin 2015 SIPEV, req. n° 375853 : publié au recueil Lebon – CE 29 janvier 2018, société Marineland req. n°412210.

2          Sur le principe de non-régression

L’apport principal de l’arrêt du 10 juillet 2020 est l’interprétation par le Conseil d’Etat du respect du principe de non régression.

L’article L. 110-1 9° du code de l’environnement définit le principe de non régression comme le principe selon lequel « la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».

Ce principe, introduit dans le code de l’environnement par la loi n°2016-1087 du 8 aout 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a été clarifié par le juge administratif à plusieurs reprises.

En pratique, le juge opère une comparaison entre le niveau de protection de l’environnement accordé par les nouvelles dispositions et le niveau de protection prévu par les anciennes dispositions.

Ainsi par exemple, le Conseil d’Etat a jugé qu’une réglementation soumettant certains projets à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale après un examen au cas par cas alors qu’ils étaient auparavant soumis à évaluation environnementale de façon systématique ne méconnaît pas le principe de non-régression de la protection de l’environnement dès lors que, dans les deux cas, les projets ayant une incidence sur l’environnement feront l’objet d’une évaluation environnementale 2)CE 8 décembre 2017 Fédération Allier Nature, req. n°404391 ; CE 9 octobre 2014 France Nature Environnement, req. n° 420804.

Dans son arrêt du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat s’inscrit dans la lignée de ses précédentes jurisprudences en ayant une appréciation pratique de la portée des nouvelles dispositions.

Il rappelle en effet que le législateur a entendu déroger à l’interdiction de construction dans les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques :

  • en déterminant une liste limitative des aménagements pouvant être implantés ;
  • et en fixant les conditions d’implantation de ces aménagements légers.

Ces conditions sont les suivantes :

  • les aménagements ne doivent pas porter atteinte au caractère remarquable du site ;
  • ils ne pourront être réalisés qu’après enquête publique et avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ;
  • et ils doivent être conçus de manière à permettre un retour du site à l’état naturel en fixant une liste limitative de ces aménagements et de leurs caractéristiques.

Ce faisant la Haute juridiction opère implicitement une mise en balance entre l’ancienne réglementation, qui ne prévoyait pas la possibilité d’implanter des canalisations dans ces milieux et espaces, et la nouvelle réglementation qui intègre cette possibilité.

Il en conclut qu’en créant une réglementation spécifique, comprenant des conditions encadrant la réalisation d’aménagements légers dans ces espaces et milieux, lesquelles conditions doivent garantir leur protection, le législateur n’a pas porté atteinte au principe de non-régression.

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References   [ + ]

1. CE 17 juin 2015 SIPEV, req. n° 375853 : publié au recueil Lebon – CE 29 janvier 2018, société Marineland req. n°412210
2. CE 8 décembre 2017 Fédération Allier Nature, req. n°404391 ; CE 9 octobre 2014 France Nature Environnement, req. n° 420804

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