L’injonction du juge des référés faite à une commune de réexaminer une demande de permis de construire ne fait pas courir un délai de nature à faire naître une autorisation tacite

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

September 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 20 juillet 2023 Développement d’études foncières et immobilières, req. n° 467318

Par une décision 20 juillet 2023, le Conseil d’Etat, en référé, juge qu’il n’y a pas d’autorisation tacite si la commune s’abstient de réexaminer une demande de permis de construire à l’issue de l’injonction du juge des référés.

En l’espèce, par un arrêté du 2 décembre 2021, le maire des Deux Alpes a refusé de délivrer à la société Développement d’études foncières et immobilières (DEFI) un permis de construire pour un projet de construction d’un immeuble collectif d’habitation en remplacement de l’hôtel existant.

Le pétitionnaire a saisi le juge administratif des référés du tribunal administratif de Grenoble qui a suspendu, par une ordonnance du 12 janvier 2022, l’exécution de cet arrêté et a enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire.

Considérant qu’un permis tacite serait né du silence gardé par la commune à la suite de l’ordonnance du 12 janvier 2022, le maire des Deux Alpes a, par une décision du 8 juillet 2022, retiré le permis tacite.

Le pétitionnaire a à nouveau saisi le juge des référés pour demander la suspension de l’exécution de la décision du 8 juillet 2022 et à ce qu’il soit enjoint à la commune de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite.

Par une ordonnance n° 2204921 du 22 août 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande. Le pétitionnaire a alors formé un pouvoir en cassation contre cette ordonnance.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat a considère que : « Il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe que la seule injonction faite à la commune par le juge des référés du tribunal administratif, (…), de réexaminer la demande de permis de construire de cette société, aurait fait courir un délai de nature à faire naître une autorisation tacite ».

Autrement dit, le silence de la commune sur l’injonction du juge de réexaminer une demande de permis de construire ne fait pas naître une autorisation tacite.

Le Conseil d’Etat requalifie la décision du 8 juillet 2022 en jugeant que cette décision doit être regardée non pas comme le retrait d’un permis de construire tacite dont la société pétitionnaire serait dans ces conditions devenue titulaire, mais comme une décision de refus du permis de construire.

Notons que le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé en ce sens en matière de recours pour excès de pouvoir, en considérant, dans une décision commentée sur notre blog, que si « l’annulation par le juge de l’excès de pouvoir de la décision qui a refusé de délivrer un permis de construire, ou qui a sursis à statuer sur une demande de permis de construire, impose à l’administration, qui demeure saisie de la demande, de procéder à une nouvelle instruction de celle-ci, sans que le pétitionnaire ne soit tenu de la confirmer », seule la confirmation par le pétitionnaire de sa demande de permis de construire est de nature à faire courir le délai nécessaire à l’expiration duquel le silence gardé par l’administration fait naître un permis de construire tacite 1)CE 28 décembre 2018 Association du Vajra Triomphant Mandarom Aumisme (VTMA), req. n° 402321 : mentionné dans les tables du recueil Lebon.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat se prononce sur la demande en référé suspension contre cette décision de refus de permis de construire. Dans ce cadre, il juge que les conditions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont réunies :

  • Sur la condition d’urgence : Le Conseil d’Etat juge que l’urgence est justifiée eu égard aux effets des refus successifs de permis de construire sur la situation financière de la société pétitionnaire, compte tenu de l’indemnité d’immobilisation à laquelle elle est astreinte au titre de la promesse de vente du terrain, des honoraires d’architecte engagés et de l’étude des risques diligentés.
  • Sur la condition du doute sérieux quant à la légalité de la décision : le Conseil d’Etat juge que, en refusant le permis de construire litigieux sans l’assortir de prescriptions spéciales assurant sa conformité aux dispositions législatives et règlementaires, le maire a fait une inexacte application des dispositions de l’article R.111-2 du code de l’urbanisme. Le moyen tiré de la méconnaissance de cette disposition est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision refusant le permis de construire.

Partant, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance du 22 août 2022 du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble et suspend l’exécution de la décision du 8 juillet 2022 par laquelle le maire a refusé d’accorder le permis de construire.

 

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