Location de meublé sur une courte durée : la Cour de cassation valide la compensation exigée par la Ville de Paris en cas de changement d’usage

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2021

Temps de lecture

3 minutes

Selon le sixième alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation (CCH), le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, constitue un changement d’usage soumis à autorisation préalable.

Répondant à une question préjudicielle posée par la Cour de cassation sur la conformité de l’article L. 631-7 du CCH au principe de libre prestation de services posé par la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, la Cour de justice de l’Union européenne avait validé le principe de l’autorisation préalable par un arrêt du 22 septembre 2020 (aff. n° C-724/18 et n° C-727/18 ; commenté par Elsa Sacksick et Nelson Correia : « Droit de l’Union européenne et réglementation française du changement d’usage : entre validation et réserves sur le mécanisme de compensation »).

Elle avait, en revanche, renvoyé au juge national le soin d’apprécier in concreto la conformité du mécanisme de compensation, par lequel les communes soumettent la délivrance de cette autorisation à l’obligation de transformer concomitamment en habitation des locaux d’une même surface (ou représentant une surface double de celle faisant l’objet de la demande en cas de secteur de compensation renforcée) et affectés à un autre usage.

Par trois arrêts du 18 février 2021 (pourvois n° 17-26.156 ; 19-11.462 et 19-13.191) la Cour de cassation prend acte de la position de la CJUE et confirme que le mécanisme de la compensation ainsi que son quantum sont non seulement proportionnés à la situation du marché locatif concerné, mais aussi que sa mise en œuvre s’effectue dans des conditions conformes aux exigences de la directive du 12 décembre 2006.

En l’espèce, alors que plusieurs propriétaires d’appartements à Paris s’étaient vu infliger une amende pour avoir consenti des locations meublées « de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile », sans avoir sollicité l’autorisation de changement d’usage prévue par l’article L. 631-7 du CCH, la Cour de cassation juge que le sixième alinéa de cet article répond aux exigences d’objectivité et de non-ambiguïté prévues par l’article 10 de la directive.

En effet, pour la Cour, cette notion de « courtes durées » doit s’entendre comme toute location « inférieure à un an ». Par conséquent, l’article L. 631-7 est suffisamment précis en ce qu’il concerne la location à plus d’une reprise, au cours d’une même année, d’un local meublé, pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989.

Ainsi, sous l’exception d’une location consentie à un étudiant pour une durée d’au moins neuf mois, de la conclusion d’un bail mobilité d’une durée d’un à dix mois et de la location du local à usage d’habitation constituant la résidence principale du loueur pour une durée maximale de quatre mois, la Cour de cassation juge que :

« le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989, constitue un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation ».

La Cour de cassation juge également que la règlementation du changement d’usage telle que mise en œuvre par la Ville de Paris à travers l’obligation de compensation, est conforme aux exigences de la directive.

En effet, pour la Cour, l’article L. 631-7-1 du CCH, qui encadre le mécanisme de compensation, prévoit des critères satisfaisants aux exigences de clarté, de non-ambiguïté et d’objectivité, dans la mesure où, s’il ne fixe pas lui-même les conditions de délivrance des autorisations, il encadre les modalités de détermination par les autorités locales, les conditions d’octroi des autorisations prévues en fixant les objectifs poursuivis et en imposant les critères en fonction desquels ces conditions doivent être déterminées.

Cet article répond également aux exigences de publicité, de transparence et d’accessibilité. Les comptes rendus des séances du conseil municipal étant affichés en mairie et mis en ligne sur le site internet de la commune concernée, toute personne souhaitant solliciter une telle autorisation dispose de la possibilité d’être informée des conditions de son obtention.

La Cour de cassation juge enfin que la mise en œuvre de cette obligation de compensation par la Ville de Paris satisfait aux exigences de l’article 9 de la directive dans la mesure où ce mécanisme est :

« justifié par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionné à l’objectif poursuivi en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle ».

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