Location de meublés de tourisme sur une courte durée : une lecture rigoureuse du CCH et du code du tourisme par la Cour de cassation

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

October 2023

Temps de lecture

3 minutes

Cass. 3e civ. 7 septembre 2023, pourvoi n° 22-18.101 : publié au Bulletin

Cass. 3e civ. 7 septembre 2023, pourvoi n° 22-21.797

Dans un but protecteur du logement, la règlementation du changement d’usage (articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation – CCH) et les règles de la location de meublés touristiques (article L. 324-1-1 du code du tourisme) ont instauré des dispositifs d’autorisation et de déclaration pesant sur les propriétaires.

Par deux décisions du 7 septembre 2023, la Cour de cassation précise encore sa jurisprudence, d’une part, en termes de preuve en ce qui concerne l’usage à la date du 1er janvier 1970 et, d’autre part, en ce qui concerne le régime de sanctions en cas de méconnaissance des obligations déclaratives pesant sur les bailleurs de meublés de tourisme.

1             Changement d’usage : la preuve au 1er janvier 1970

L’article L. 631-7 du CCH prévoit un régime d’autorisation préalable à tout changement d’usage d’un local d’habitation, lequel « est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 ». Selon ce même article, cette affectation peut être établie par tout mode de preuve.

Sur le fondement de ces dispositions, la Ville de Paris a engagé de nombreuses procédures de poursuites contre des propriétaires ayant changé l’usage de locaux en les louant de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage n’y élisant pas domicile. Ce contentieux reçoit les honneurs récents de la Cour de Cassation qui, depuis 2019, alimente une jurisprudence relativement fournie quant à l’interprétation de l’article L. 631-7 du CCH 1)Cass. 3e civ. 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-17.800 – Cass. 3e civ. 28 novembre 2019, pourvois n° 18-23.769, n° 18-24.157 – Cass. 3e civ. 18 février 2021, pourvois n° 17-26.156, n° 19-11.462, n° 19-13.191 – Cass. 3e civ 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-22.247..

Parmi les nombreux types de preuves avancées dans ces procédures, figurent fréquemment les formulaires de déclarations souscrits par les propriétaires de biens immobiliers en 1970, dit « H1 » et « H2 ».

Dans la première affaire dont était saisie la Cour de cassation (n° 22-18.101), la Ville de Paris soutenait qu’une déclaration « modèle H2 » établie le 17 août 1970 et mentionnant que le bien était occupé par son propriétaire devait démontrer l’usage d’habitation à cette date.

Il en allait de même dans la seconde affaire (n° 22-21.797), où la déclaration « modèle H2 » était datée du 6 octobre 1970, mais pour laquelle le bien était occupé par son usufruitier.

Dans les deux cas, la Cour de cassation rejette toutefois cette argumentation en considérant que cette seule déclaration « ne permet pas d’en établir l’usage à cette date ni de le faire présumer, en sorte qu’elle est inopérante pour prouver qu’il était affecté, à cette date, à un usage d’habitation, au sens de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation ».

Cette seule pièce ne saurait donc suffire à établir l’usage d’habitation à cette date, et donc obtenir à titre de condamnation le retour à l’habitation des locaux concernés (n° 22-18.101), ou encore le paiement d’amende civile (n° 22-21.797).

2             Sanction des obligations déclarations résultant du code de tourisme

L’article L. 324-1-1, IV du code du tourisme limite à 120 jours par an (sauf exceptions particulières liées à une obligation professionnelle, une raison de santé ou un cas de force majeure) la location de meublés de tourisme lorsque le bien concerné est déclaré comme étant la résidence principale de son propriétaire dans les communes où est soumise à déclaration préalable ce type de location.

Selon ce même article, la commune peut solliciter des propriétaires concernés, et ce jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, qu’ils transmettent le nombre de jours au cours desquels le bien a été loué.

A défaut de réponse dans le délai d’un mois, le propriétaire s’expose à une amende civile (art. L. 324-1-1, V, code du tourisme).

Dans l’affaire n° 22-18.101, la Cour de cassation juge, au visa de ces dispositions, que cette amende civile ayant le caractère d’une punition, son régime doit donc faire l’objet d’une interprétation stricte en application du principe de légalité et des peines.

Ainsi, contrairement à ce que soutenait la Ville de Paris, l’amende civile ne s’applique qu’aux seuls propriétaires, ayant manqué à leur obligations déclaratives, et offrant à la location un logement constituant leur résidence principale, et non « à tout meublé de tourisme soumis à déclaration préalable, qu’il constitue ou non la résidence principale du loueur ».

 

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References   [ + ]

1. Cass. 3e civ. 7 novembre 2019, pourvoi n° 18-17.800 – Cass. 3e civ. 28 novembre 2019, pourvois n° 18-23.769, n° 18-24.157 – Cass. 3e civ. 18 février 2021, pourvois n° 17-26.156, n° 19-11.462, n° 19-13.191 – Cass. 3e civ 23 novembre 2022, pourvoi n° 21-22.247.

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