Marchés publics : impossibilité d’imposer un salaire minimum aux sous-traitants établis dans un Etat membre différent de celui du pouvoir adjudicateur et exécutant exclusivement les prestations dans cet autre Etat membre

Catégorie

Contrats publics

Date

October 2014

Temps de lecture

2 minutes

CJUE 18 septembre 2014 Bundesdruckerei GmbH c/ Stadt Dortmund, aff. C-549/13

Dans un litige entre la société Bundesdruckerei GmbH et la ville de Dortmund, une question préjudicielle a été transmise à la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») sur la conformité au droit de l’Union Européenne d’une loi du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie 1) Loi du 10 janvier 2012 relative à la garantie du respect des conventions collectives, des normes sociales et d’une concurrence loyale dans l’attribution des marchés publics obligeant les pouvoirs adjudicateurs à intégrer dans leurs marchés publics l’engagement des soumissionnaires à payer un salaire horaire minimum de 8,62 euros.

Pour l’attribution d’un marché public portant sur la numérisation de documents et la conversion de données pour son service d’urbanisme, la ville de Dortmund avait ainsi intégré dans le cahier des charges, conformément à la loi précitée, une obligation de garantir aux travailleurs des soumissionnaires et de leurs éventuels sous-traitants le paiement du salaire minimum précité, ce qui conduisait en l’espèce à imposer cette obligation à un sous-traitant établi en Pologne où les prestations auraient été intégralement exécutées.

La société Bundesdruckerei Gmbh a alors contesté le rejet de sa candidature au regard de cette clause devant une juridiction allemande.

Examinant la question préjudicielle, la CJUE exclut, dans un premier temps, l’application au cas d’espèce de la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services 2) Contrairement à d’autres affaires dans lesquelles la Cour avait eu à appliquer cette directive (voir en ce sens : CJUE 3 avril 2008 Rüffers, aff. C-346/66). En effet, le candidat entendait sous-traiter les prestations en Pologne, Etat dans lequel auraient été exclusivement exécutées les prestations, ce qui ne constituait donc pas un détachement de travailleurs au sens de la directive 96/71/CE.

Dans un second temps, la Cour considère que la règlementation en cause est une restriction à la libre prestation de services 3) Article 56 du TFUE . En effet, cette mesure représente, selon la Cour, une « charge économique supplémentaire susceptible de prohiber, de gêner ou de rendre moins attrayante l’exécution des prestations dans cet Etat membre ».

Toutefois, la CJUE ajoute qu’une telle mesure peut être prévue dans un objectif de protection des travailleurs, notamment afin d’éviter le « dumping social » et la pénalisation des entreprises concurrentes qui octroient un salaire convenable à leurs employés.

Cependant, la Cour estime qu’en l’espèce, cette mesure ne permet pas de répondre à l’objectif de protection des travailleurs susceptible de la justifier. Cette règlementation paraît disproportionnée dès lors qu’elle impose un coût de la vie prévalant dans l’Etat membre du pouvoir adjudicateur qui est sans rapport avec le coût existant dans l’Etat membre dans lequel les prestations seraient effectuées et dans lequel également les taux de salaire minimum sont inférieurs.

Le principe de libre prestation de services fait ainsi obstacle à ce que soit imposé, par le pouvoir adjudicateur, un salaire minimum aux employés des candidats et ceux des éventuels sous-traitants, lorsque les prestations sont exécutées dans un autre Etat membre.

Par conséquent, la Cour estime que la règlementation en cause n’est pas conforme au droit de l’UE.

Partager cet article

References   [ + ]

1. Loi du 10 janvier 2012 relative à la garantie du respect des conventions collectives, des normes sociales et d’une concurrence loyale dans l’attribution des marchés publics
2. Contrairement à d’autres affaires dans lesquelles la Cour avait eu à appliquer cette directive (voir en ce sens : CJUE 3 avril 2008 Rüffers, aff. C-346/66
3. Article 56 du TFUE

3 articles susceptibles de vous intéresser