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CE 30 septembre 2025 Commune de Louveciennes, req. n° 496625 : Rec. T. CE.
Par une décision en date du 30 septembre 2025, le Conseil d’Etat constate qu’en l’absence de modifications des partis d’aménagement et des règles d’urbanisme dans le cadre d’une procédure de régularisation d’un document d’urbanisme en application de l’article L. 600-9 du CU , il n’est pas nécessaire, d’une part, de procéder à une nouvelle délibération arrêtant le projet de PLU régularisé et, d’autre part, de recueillir à nouveau les avis des personnes publiques associées.
Par une délibération en date du 15 octobre 2015, le conseil municipal de la commune de Louveciennes a prescrit la révision de son PLU. Par suite :
- a eu lieu, le 18 février 2016, le débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables (ci-après « PADD ») ouvrant la phase de concertation ;
- le 3 mai 2016, le préfet des Yvelines a décidé, après un examen au cas par cas, de dispenser le projet d’une évaluation environnementale ;
- le 14 décembre 2016, le conseil municipal a tiré le bilan de cette concertation et a arrêté le projet de révision ;
- le 6 décembre 2017, après le recueil de l’avis des personnes publiques associées (ci-après « PPA ») et l’organisation de l’enquête publique, le projet de révision du PLU a été approuvé.
L’association « Réaliser l’accord cité-nature-espace » (RACINE) et autres ont contesté cette dernière délibération devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
En appel, la cour administrative d’appel de Versailles a relevé un vice de procédure tiré de l’absence d’évaluation environnementale : elle a ainsi sursis à statuer en application des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme (ci-après « CU ») et a laissé à la commune de Louveciennes un délai de dix mois pour procéder à la régularisation de cette illégalité.
Le maire de la commune a fait réaliser, par un bureau d’étude, une étude d’impact environnementale, a complété son document d’urbanisme et recueilli l’avis de la mission régionale d’autorité environnementale d’Ile-de-France avant de prescrire une nouvelle enquête publique. Le projet de PLU modifié a été approuvé par une délibération en date du 26 mars 2024.
Par un arrêt rendu le 12 juillet 2024, la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté cette mesure de régularisation au motif :
- d’une part, que le projet de PLU modifié n’avait pas été préalablement arrêté par le conseil municipal qui n’en a été saisi qu’après la tenue de l’enquête publique, privant ainsi les conseillers municipaux d’une « garantie» ;
- d’autre part, que les PPA n’avaient pas été à nouveau consultées.
La commune de Louveciennes s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’Etat qui, par une décision en date du 30 septembre 2025, censure l’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles. Il constate, qu’en l’absence de modifications des partis d’aménagement et des règles d’urbanisme, il n’était nécessaire :
- ni, de procéder à une nouvelle délibération arrêtant le projet de PLU régularisé (1) ;
- ni, de recueillir à nouveau les avis des PPA associées (2).
1. Sur l’absence de nécessité de procéder à une nouvelle délibération arrêtant le projet de PLU régularisé
Le Conseil d’Etat commence par rappeler les dispositions de l’article L. 600-9 du CU :
« Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un schéma de cohérence territoriale, un plan local d’urbanisme ou une carte communale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’une illégalité entachant l’élaboration ou la révision de cet acte est susceptible d’être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le document d’urbanisme reste applicable, sous les réserves suivantes :
1° (…)
2° En cas d’illégalité pour vice de forme ou de procédure, le sursis à statuer ne peut être prononcé que si l’illégalité a eu lieu, pour les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme, après le débat sur les orientations du projet d’aménagement et de développement durables.
Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (…) »
Il précise également que si, en principe, le conseil municipal doit arrêter le projet de plan par délibération, ainsi que le prévoit l’article L. 153-14 du CU et soumet ce projet aux avis des PPA ainsi qu’à l’enquête publique, dans le cadre d’une régularisation « une nouvelle délibération du CM pour arrêter le projet de révision n’est pas requise lorsque, pour tirer les conséquences de l’EE effectuée à des fins de régularisation, les modifications apportées au projet de révision se limitent à apporter des compléments analytiques au rapport de présentation du projet de révision en ce qui concerne la description et l’évaluation des incidences notables que peut avoir le document sur l’environnement ou l’exposé des raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l’environnement, parmi les partis d’aménagement envisagés, le projet de révision a été retenu, sans apporter de modification aux partis d’aménagement et règles d’urbanisme arrêtés par le projet ».
En l’espèce, aucune modification de fond n’avait été apportée par le PLU révisé adopté le 26 mars 2024, seuls deux documents avaient été amendés afin de tenir compte de l’évaluation environnementale. C’est dans ces conditions, que la Haute juridiction estime que le conseil municipal n’était pas tenu d’arrêter un nouveau projet de plan révisé et précise qu’ « au surplus, les membres du conseil municipal sont nécessairement conduits à se prononcer, lors de l’adoption définitive du plan local d’urbanisme ou de sa révision, sur le contenu de ce document ». Le Conseil d’Etat semble étendre ici sa jurisprudence concernant l’absence d’incidence des irrégularités affectant la délibération arrêtant le projet de plan sur la légalité de la délibération approuvant le plan 1)CE 27 janvier 2025 Mme V., req. n° 490508 à l’hypothèse, non pas de la seule irrégularité de la délibération arrêtant le projet de PLU mais bien également de l’absence d’une telle délibération.
Il convient de mentionner que les conclusions du rapporteur public, M. Nicolas Agnoux, sur le sujet précisent que « la régularisation n’imposait pas de recommencer la procédure à compter de la phase où le vice de légalité trouvait son origine mais, de manière plus ciblée, de procéder aux diligences nécessaires pour réparer ce vice » (p. 4). En effet, il ne s’agit pas ici d’édicter un nouvel acte mais de réparer un acte existant en le purgeant d’une illégalité 2)Concl. Julie Burguburu, CE 22 décembre 2017 Commune de Sempy c./ M. M., req. n° 395963.
2. Sur l’absence de nécessité de procéder à une nouvelle consultation des PPA dans le cadre de la régularisation du PLU
Le Conseil d’Etat poursuit son raisonnement en matière de consultation des PPA et estime qu’une nouvelle consultation n’est pas requise en cas de « compléments apportés au rapport de présentation du projet de plan révisé pour tirer les conséquences de l’évaluation environnementale 3)CE 24 février 2021 Commune de Cestas, req. n° 433084 en ce qui concerne la description et l’évaluation des incidences notables que peut avoir le document sur l’environnement ou l’exposé des raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l’environnement, parmi les partis d’aménagement envisagés ».
Les modifications apportées au projet de révision dans le cadre d’une procédure de régularisation doivent être de nature à justifier que les avis des PPA soient à nouveau recueillis.
C’est sur ces moyens que le Conseil d’Etat annule l’arrêt du 12 juillet 2024 de la cour administrative d’appel de Versailles et, réglant l’affaire au fond, rejette la requête de l’association « RACINE » et autres.
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