Objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux : le droit de préemption urbain peut-être mis en œuvre pour ce motif alors même que les objectifs SRU seraient déjà atteints

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

July 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 30 juin 2023 société MJ Développement – Immobilier et Investissement et Mme A., req. n° 468543 : mentionné aux tables du recueil Lebon

Le Conseil d’Etat, venant compléter son édifice sur le droit de préemption urbain, a considéré que ce dernier pouvait être mis en œuvre pour acquérir un foncier en vue de réaliser des logements locatifs sociaux, alors même que les objectifs fixés par la loi SRU auraient été atteints sur le territoire de la commune sur lequel se situe le bien préempté.

Pour rappel l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, issu de l’article 55 de la loi SRU du 13 décembre 2000 1)Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains., fixe, pour une catégorie de communes déterminée 2)Les communes de plus de 3 500 habitants – et de 1 500 habitants dans l’agglomération parisienne – appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, pour objectif de disposer de 25 % de logement social, en résidences principales (voire 20% selon les cas visés à l’article précité).

Sur le fondement de cet objectif, le président de Bordeaux Métropole a exercé son droit de préemption urbain en vue d’acquérir un foncier pour y édifier des logements sociaux.

Le propriétaire du bien préempté a alors saisi le tribunal administratif de Bordeaux afin de suspendre cette décision aux motifs, notamment, que la commune ayant déjà atteint les objectifs fixés par la loi en termes de logements sociaux locatifs, l’exercice du droit de préemption était dépourvu d’un intérêt général suffisant.

Le tribunal administratif ayant rejeté la demande, ce dernier s’est pourvu devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat a opéré un raisonnement en trois temps.

Premièrement, il a énoncé les principes applicables en matière de droit de préemption urbain :

« Les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date, et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en œuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l’objet de l’opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant. ».

Deuxièmement, que la réalisation d’une quarantaine de logements, dont la moitié à caractère social, – tel que cela ressortait d’une étude de faisabilité réalisée par un organisme de logement social – devait être considérée comme un projet ayant « par nature pour objet la mise en œuvre d’une politique locale de l’habitat et répond à ce titre aux objets définis à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme. ».

Ainsi un tel projet présentait « le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement lorsqu’il concourt à la mise en œuvre d’un programme local de l’habitat ou d’un programme d’orientations et d’actions d’un plan local d’urbanisme intercommunal tenant lieu de programme local de l’habitat, ou bien, comme en l’espèce, par lui-même, eu égard à son ampleur et à sa consistance 3)CE 2 novembre 2015 Commune de Choisy-le-Roi, req. n° 374957 : mentionné aux T. Rec. CE : s’agissant d’un projet de logement social uniquement ; ou encore CE 30 juin 2023 M. et Mme. Lopes Ferreira et autres, req. n° 464324 : mentionné aux T. Rec. CE : s’agissant de la préemption d’un lot contribuant à un projet de logements mixes.».

Troisièmement, que les objectifs fixés par l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation sont « des seuils à atteindre et non des plafonds ». Le Conseil d’Etat en ainsi conclu que la circonstance que la commune concernée aurait déjà atteint les objectifs précités n’était pas de nature à priver la mise en œuvre du droit de préemption d’un intérêt général.

 

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References   [ + ]

1. Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
2. Les communes de plus de 3 500 habitants – et de 1 500 habitants dans l’agglomération parisienne – appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants
3. CE 2 novembre 2015 Commune de Choisy-le-Roi, req. n° 374957 : mentionné aux T. Rec. CE : s’agissant d’un projet de logement social uniquement ; ou encore CE 30 juin 2023 M. et Mme. Lopes Ferreira et autres, req. n° 464324 : mentionné aux T. Rec. CE : s’agissant de la préemption d’un lot contribuant à un projet de logements mixes.

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