Pas de délégation de service public sans service public

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2017

Temps de lecture

3 minutes

CE 9 décembre 2016 Mme A. B., req. n°396352

Par une convention en date du 1er février 2010 conclue « à titre précaire et révocable », la commune de Fontvieille a confié à sa cocontractante l’exploitation touristique des sites Moulin de Daudet et Château de Montauban du 1er février au 31 décembre 2010.

L’article 4 de la convention prévoit que la cocontractante de l’administration se rémunère par les droits d’entrée perçus du public et la vente de souvenirs, cartes postales, livres, dont elle fixe les prix librement, à charge pour elle de verser à la commune une redevance de 7 500 euros par mois.

Après plusieurs retards de paiement de cette redevance mensuelle, la commune a émis six titres exécutoires, dont la cocontractante a demandé l’annulation devant le tribunal administratif de Marseille. Les juges de première instance ont rejeté ses demandes, mais la cour administrative d’appel de Marseille a, elle, considéré que le contrat devait être requalifié de délégation de service public et a fait droit en conséquence à l’ensemble de ses demandes.

Saisi par la commune d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales alors applicable, définissant la délégation de service public qui, contrairement aux contrats de concession de services prévus par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016, impose non seulement que la rémunération du délégataire soit « substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service » mais également que lui soit confiée la gestion d’un service public.

C’est sur l’identification du service public que cet arrêt du Conseil d’Etat se prononce.

Rappelons qu’hors des cas de qualification législative et lorsqu’aucune prérogative de puissance publique n’est attribuée à la personne privée, cette dernière peut être reconnue comme chargée d’une mission de service public si, eu égard à l’intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l’administration a entendu lui confier une telle mission 1) CE 22 février 2007APREI, req. n° 264541 : publié au Rec. CE .

A cet égard, le Conseil d’Etat a déjà pu juger que, si une activité culturelle de mise en valeur d’un site communal peut être une activité d’intérêt général, elle ne constitue pas nécessairement une activité de service public, dans la mesure, notamment où les conventions l’encadrant ne prévoient « aucun rôle de la commune dans la programmation et la tarification des activités d’animation ni aucun contrôle ou droit de regard de sa part sur l’organisation et les modalités de fonctionnement » 2) CE 15 février 2016 société Cathédrale d’Images, req. n° 384228 : mentionné aux tables du Rec. CE..

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que la convention se borne à fixer les jours d’ouverture et à imposer le respect du caractère historique et culturel des sites en interdisant à l’exploitante la vente de produits alimentaires ou de produits de « nature dévalorisante ou anachronique pour l’image et la qualité des lieux ». Mais surtout, la commune « […] n’a exercé de contrôle ni sur le montant des droits d’entrée, ni sur les prix de vente des produits vendus sur les sites, ni sur les horaires d’ouverture des sites et n’a prescrit à la preneuse aucune obligation relative, notamment, à l’organisation de visites guidées ou d’activités culturelles ou à l’accueil de publics particuliers […] ».

Enfin, le Conseil d’Etat ajoute que la faculté donnée à la cocontractante de révoquer la convention à tout moment et à la brièveté du préavis afférent (3 mois) constitue un indice complémentaire empêchant de conclure à la qualification de délégation de service public, de telles stipulations contredisant directement le principe de continuité du service public.

Relevons que sous l’empire des nouveaux textes, la question de la qualification de concession de services aurait pu se poser 3) Article 6 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : « II. – Les contrats de concession de services ont pour objet la gestion d’un service. Ils peuvent consister à déléguer la gestion d’un service public. », ce qui aurait conduit le juge à s’interroger sur l’initiative de la commande et le besoin auquel il est répondu 4) Par exemple, autoriser l’exploitation publicitaire du domaine public ne répond pas à un besoin d’une personne publique : CE 3 décembre 2014 Tisséo, req. n° 384170 : mentionné aux tables du Rec. CE.

Si le Conseil d’Etat exclut la qualification de délégation de service public, il renvoie à la cour administrative d’appel de Marseille le soin de qualifier définitivement le contrat – le juge d’appel devrait diriger son analyser vers l’identification d’une convention autorisant l’occupation domaniale des sites historiques et l’exploitation d’activités commerciales propres à la cocontractante.

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References   [ + ]

1. CE 22 février 2007APREI, req. n° 264541 : publié au Rec. CE
2. CE 15 février 2016 société Cathédrale d’Images, req. n° 384228 : mentionné aux tables du Rec. CE.
3. Article 6 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession : « II. – Les contrats de concession de services ont pour objet la gestion d’un service. Ils peuvent consister à déléguer la gestion d’un service public. »
4. Par exemple, autoriser l’exploitation publicitaire du domaine public ne répond pas à un besoin d’une personne publique : CE 3 décembre 2014 Tisséo, req. n° 384170 : mentionné aux tables du Rec. CE.

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