PCM après l’achèvement des travaux : c’est trop tard sauf si c’est à la demande de l’administration après constat régulier de la non-conformité ! 

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2020

Temps de lecture

5 minutes

CE 25 novembre 2020 M. et Mme G…, req. n°429623 : mentionné aux tables du Rec. CE

Dans cet arrêt du 25 novembre 2020, le Conseil d’Etat établit un véritable guide pratique en présentant les conditions dans lesquelles des travaux non conformes à un permis de construire peuvent être régularisés.

1           Avant l’achèvement des travaux : l’administration peut délivrer un permis de construire modificatif au pétitionnaire qui entend régulariser des travaux non conformes au permis de construire initial

Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat commence par indiquer que l’administration peut délivrer, au pétitionnaire qui en fait la demande, un permis de construire modificatif si les conditions suivantes sont réunies :

  • le permis de construire doit être en cours de validité ;
  • les modifications apportées au projet initial ne doivent pas remettre en cause, par leur nature ou leur ampleur, la conception générale dudit projet ;
  • la construction que le permis initial a autorisée ne doit pas être achevée.

La haute juridiction administrative rappelle ainsi de manière implicite que tant qu’ils ne sont pas achevés, les travaux non conformes à un permis peuvent être régularisés dans le cadre d’une demande de permis de construire modificatif 1)L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat est mentionné au Recueil Lebon avec ce premier abstract : « Non-conformité des travaux achevés au permis de construire – 1) Possibilité de les régulariser par la délivrance d’un permis modificatif – Absence, une telle délivrance étant subordonnée à la condition que les travaux autorisés par le permis initial ne soient pas achevés »..

Cela signifie, a contrario, que si les travaux sont achevés, la demande de permis présentée par un pétitionnaire tendant à régulariser des travaux non conformes ne peut s’analyser comme une demande de permis de construire modificatif 2)Voir en ce sens : CE 23 septembre 1988 Société Les maisons Goëland c/ Grall, req. n°72387 : mentionné aux tables du Rec. CE..

2          Après l’achèvement des travaux : l’administration peut exiger du pétitionnaire qu’il régularise des travaux non conformes à un permis par le biais d’une demande de permis de construire modificatif à condition toutefois d’avoir contesté la conformité des travaux dans le délai imparti

2.1        Il résulte des articles L. 462-2 et R. 462-6 du code de l’urbanisme qu’à compter de la date de réception en mairie de la déclaration signée par le bénéficiaire du permis de construire attestant l’achèvement et la conformité des travaux (DAACT), l’autorité compétente dispose, sous réserve des cas où un récolement des travaux est obligatoire 3)Si un récolement est obligatoire, le délai est porté à 5 mois (article R. 462-2 alinéa 2)., d’un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration.

Lorsqu’elle estime que les travaux ne sont pas conformes à l’autorisation, l’autorité compétente pour délivrer le permis ou prendre la décision sur la déclaration met en demeure, dans le délai de trois mois 4)Ou de 5 mois si un récolement est obligatoire., le maître de l’ouvrage de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité avec l’autorisation accordée 5)Le principe prévu à l’article L. 462-2 précité est précisé à l’article R. 462-9 du code de l’urbanisme..

Aux termes de sa décision, le Conseil d’Etat qui reprend les dispositions des articles L. 462-2 et R. 462-2 précitées, rappelle ainsi que l’autorité compétente peut mettre en demeure un pétitionnaire de procéder au dépôt d’une demande de permis modificatif en vue de régulariser des travaux achevés, non conformes à l’autorisation accordée, si elle a contesté leur conformité dans le délai de trois mois, ou de cinq mois si un récolement est obligatoire, à compter de la réception en mairie de la DAACT.

2.2       Le Conseil d’Etat poursuit son raisonnement en précisant les conséquences qui découlent de l’absence de contestation, par l’administration, de la conformité des travaux autorisés dans le délai ouvert par la transmission de la DAACT :

«  […] à compter de la date de réception en mairie de la déclaration signée par le bénéficiaire du permis de construire attestant l’achèvement et la conformité des travaux, l’autorité compétente dispose, sous réserve des cas où un récolement des travaux est obligatoire, d’un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis ou à la déclaration, au-delà duquel elle ne peut plus exiger du propriétaire qui envisage de faire de nouveaux travaux qu’il présente une demande de permis ou dépose une déclaration portant sur les éléments de la construction existante édifiés sans respecter le permis de construire précédemment obtenu ou la déclaration préalable précédemment déposée. »

Le Conseil d’Etat reprend ici la solution consacrée dans sa décision du 26 novembre 2018 M. C. 6)CE 26 novembre 2018 M. C., req. n°411991 : mentionné aux tables du Rec. CE ayant fait l’objet d’un article sur notre blog. : l’autorité compétente qui n’a pas contesté la conformité de travaux dans le délai imparti ne peut plus exiger, à l’occasion de nouveaux travaux, la régularisation d’éléments non conformes à une précédente autorisation.

3          Après l’achèvement des travaux et en l’absence de contestation de la conformité dans le délai imparti : la régularisation de travaux non-conformes ne peut donc intervenir sur demande du pétitionnaire que dans le cadre d’un nouveau permis de construire

Alors que les principes précédemment exposés ont déjà été consacrés en jurisprudence, les faits de la décision commentée conduisent le Conseil d’Etat à préciser pour la première fois que :

« Enfin, si la construction achevée n’est pas conforme au projet autorisé, le titulaire du permis de construire conserve la faculté, notamment si une action civile tendant à la démolition ou à la mise en conformité de la construction a été engagée, de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de construire destiné à la régulariser, qui doit porter sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé et respecter les règles d’urbanisme en vigueur à la date de son octroi. »

Ainsi, après l’achèvement des travaux, alors que l’administration ne peut plus exiger la régularisation d’éléments non conformes à une précédente autorisation si elle ne l’a pas fait dans le délai ouvert par la transmission de la DAACT, le pétitionnaire conserve, quant à lui, la faculté de solliciter un nouveau permis pour régulariser les travaux non conformes d’une construction achevée.

Le Conseil d’Etat en précise les conditions :

  • la demande de permis de construire doit porter sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé, c’est-à-dire que sur l’ensemble des éléments non conformes à la précédente autorisation ;
  • les règles d’urbanisme s’apprécient à la date de l’octroi du nouveau permis de construire de sorte que la régularisation des éléments non-conformes à l’autorisation précédente ne sera possible que s’ils sont conformes aux règles en vigueur au moment de la délivrance du nouveau permis.

Dans cette espèce, un permis de construire modificatif avait été délivré à des pétitionnaires pour régulariser des non-conformités relevées notamment par une procédure judiciaire engagée par les voisins, après l’achèvement des travaux et le dépôt de la DAACT, mais sans que l’autorité compétente n’ait contesté la conformité des travaux au permis initial.

En effet, après le dépôt en mairie, le 31 juillet 2013, de la DAACT, le maire de la commune s’était borné à suggérer aux pétitionnaires, par courrier du 27 novembre 2013, de présenter une demande de permis de construire modificatif pour régulariser la construction. Au regard de ces éléments, le Conseil d’Etat a jugé que le maire ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l’article L. 462-2 précité pour délivrer un permis de construire modificatif du permis initial.

Le Conseil d’Etat censure également les juges du fond qui ont considéré que dès lors que les modifications demandées visaient à régulariser la construction réalisée sur la base du permis initial et à remédier aux non-conformités relevées dans le cadre de la procédure judiciaire, le maire avait pu légalement délivrer un permis de construire modificatif sans que l’achèvement des travaux y fasse obstacle.

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1. L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat est mentionné au Recueil Lebon avec ce premier abstract : « Non-conformité des travaux achevés au permis de construire – 1) Possibilité de les régulariser par la délivrance d’un permis modificatif – Absence, une telle délivrance étant subordonnée à la condition que les travaux autorisés par le permis initial ne soient pas achevés ».
2. Voir en ce sens : CE 23 septembre 1988 Société Les maisons Goëland c/ Grall, req. n°72387 : mentionné aux tables du Rec. CE.
3. Si un récolement est obligatoire, le délai est porté à 5 mois (article R. 462-2 alinéa 2).
4. Ou de 5 mois si un récolement est obligatoire.
5. Le principe prévu à l’article L. 462-2 précité est précisé à l’article R. 462-9 du code de l’urbanisme.
6. CE 26 novembre 2018 M. C., req. n°411991 : mentionné aux tables du Rec. CE ayant fait l’objet d’un article sur notre blog.

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