Permis de construire délivré au nom de l’Etat : abandon de la jurisprudence Estevez, le maire pouvant modifier son avis tant que le projet de décision ne lui a pas été transmis par les services de l’Etat dans le département chargé de l’instruction

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2015

Temps de lecture

4 minutes

CE 25 novembre 2015 M. B, req. n° 372045 : mentionné aux Tables du Rec. CE.

Le préfet de Savoie a accordé à M. B le 13 avril 2010 un permis de construire en vue de la construction d’une maison individuelle dans la commune de Villard-Léger dont le territoire est dépourvu de plan local d’urbanisme (PLU) ou de document en tenant lieu.

Le tribunal administratif de Grenoble a annulé l’arrêté de permis de construire par un jugement du 15 janvier 2013 au motif qu’il émanait d’une autorité incompétente, jugement qui a été confirmé par la cour administrative d’appel de Lyon par un arrêt du 12 juillet 2013.

M. B a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat qui a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon.

Dans les communes où l’Etat est compétent pour délivrer les permis de construire, notamment les communes dont le territoire n’est pas couvert par un document d’urbanisme 1) Article L. 422-1 du code de l’urbanisme., le permis de construire est, en principe, délivré par le maire au nom de l’Etat 2) Sauf cas limitativement énumérés par l’article R. 422-2.

Le préfet est, quant à lui, compétent dans un certain nombre de cas, limitativement énumérés par l’article R. 422-2 du code de l’urbanisme, parmi lesquels figure l’existence d’un désaccord entre le maire et le responsable du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction 3) Article 422-2 e) du code de l’urbanisme..

En effet, si l’instruction de la demande de permis de construire incombe au service de l’Etat dans le département 4) Article R. 423-16 du code de l’urbanisme. 5) Article R. 423-16 du code de l’urbanisme., il appartient au maire d’adresser au chef de ce service son avis sur chaque demande de permis de construire 6) Article R. 423-72 du code de l’urbanisme 7) Article R. 423-72 du code de l’urbanisme .

Le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction adresse ensuite un projet de décision au maire ou, en cas de désaccord, au préfet. Dans ce cas, il en adresse copie au maire 8) Article R. 423-72 du code de l’urbanisme 9) Article R. 423-72 du code de l’urbanisme .

L’existence d’un désaccord, et dès lors la compétence du préfet pour délivrer le permis de construire, s’apprécie donc en comparant le sens de l’avis que le maire doit rendre et la position du service de l’Etat dans le département au terme de l’instruction.

Etant précisé que l’avis du maire est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans le délai d’un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis 10) Article R. 423-72 du code de l’urbanisme. 11) Article R. 423-72 du code de l’urbanisme..
Dans cette affaire, le maire ne s’était pas prononcé dans le délai d’un mois, faisant naître un avis tacite favorable, mais il avait, postérieurement à l’expiration de ce délai, expressément émis un avis défavorable.

La cour administrative d’appel de Lyon, faisant application de la jurisprudence Estevez 12) CE 20 octobre 1993 Estevez, req. n° 89215 : Mentionné aux Tables du Rec. CE : « (…) que le maire de la commune de Launaguet n’a émis que le 20 août 1984, soit postérieurement à l’expiration du délai d’un mois susmentionné, son avis sur la demande de permis de construire présentée par M. Y… ; qu’à cette date le maire ne pouvait plus revenir sur l’avis réputé favorable résultant de son silence pendant un mois après la réception de la demande ; que M. X… n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision attaquée, prise sur les avis favorables du maire et de la direction départementale de l’équipement, serait entachée d’incompétence, faute d’avoir été signée par le commissaire de la République ; (…) ». 13) CE 20 octobre 1993 Estevez, req. n° 89215 : Mentionné aux Tables du Rec. CE : « (…) que le maire de la commune de Launaguet n’a émis que le 20 août 1984, soit postérieurement à l’expiration du délai d’un mois susmentionné, son avis sur la demande de permis de construire présentée par M. Y… ; qu’à cette date le maire ne pouvait plus revenir sur l’avis réputé favorable résultant de son silence pendant un mois après la réception de la demande ; que M. X… n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision attaquée, prise sur les avis favorables du maire et de la direction départementale de l’équipement, serait entachée d’incompétence, faute d’avoir été signée par le commissaire de la République ; (…) ». selon laquelle le maire ne peut revenir sur l’avis favorable tacitement émis, a donc uniquement tenu compte de l’avis tacite favorable initial du maire et en a déduit qu’il n’y avait aucun désaccord entre le maire et les services de l’Etat, également favorables au projet.

Au terme de son raisonnement, la cour a donc considéré que c’était le maire, et non le préfet, qui était compétent pour prendre la décision.

Le Conseil d’Etat censure cette décision et considère que le maire peut modifier son avis avant que le projet de décision ne lui ait été transmis par le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction :

    « si le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction doit recueillir l’avis du maire avant de transmettre son projet de décision, avis qui est réputé favorable dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la demande de permis, il ne résulte d’aucune des dispositions citées ci-dessus que le maire ne pourrait, avant la transmission du projet de décision prévue à l’article R. 423-74, modifier son avis ; qu’il ne peut, en revanche, en aucun cas prendre compétemment une décision en désaccord avec le projet de décision transmis par le chef du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction ».

Cette solution présente l’avantage de permettre au maire de modifier son avis tout en évitant qu’il ne change d’avis après que les services de l’Etat aient pris position et, plus généralement, de généraliser la solution dégagée par l’arrêt Commune de Roquefort-les-Bains 14) CE 10 mars 1978 Commune de Roquefort-Les-Bains, req. n° 03895 : Publié au Rec. CE. 15) CE 10 mars 1978 Commune de Roquefort-Les-Bains, req. n° 03895 : Publié au Rec. CE. selon lequel le maire, après avoir émis un avis favorable sans réserve, peut se rallier aux réserves exprimées par les services de l’Etat et ainsi mettre fin au désaccord.

Partager cet article

References   [ + ]

1. Article L. 422-1 du code de l’urbanisme.
2. Sauf cas limitativement énumérés par l’article R. 422-2
3. Article 422-2 e) du code de l’urbanisme.
4, 5. Article R. 423-16 du code de l’urbanisme.
6, 7, 8, 9. Article R. 423-72 du code de l’urbanisme
10, 11. Article R. 423-72 du code de l’urbanisme.
12, 13. CE 20 octobre 1993 Estevez, req. n° 89215 : Mentionné aux Tables du Rec. CE : « (…) que le maire de la commune de Launaguet n’a émis que le 20 août 1984, soit postérieurement à l’expiration du délai d’un mois susmentionné, son avis sur la demande de permis de construire présentée par M. Y… ; qu’à cette date le maire ne pouvait plus revenir sur l’avis réputé favorable résultant de son silence pendant un mois après la réception de la demande ; que M. X… n’est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision attaquée, prise sur les avis favorables du maire et de la direction départementale de l’équipement, serait entachée d’incompétence, faute d’avoir été signée par le commissaire de la République ; (…) ».
14, 15. CE 10 mars 1978 Commune de Roquefort-Les-Bains, req. n° 03895 : Publié au Rec. CE.

3 articles susceptibles de vous intéresser