Permis tacite et dépôt de pièces complémentaires en cours d’instruction de la demande de permis : le Conseil d’Etat en précise le régime

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 1er décembre 2023 Commune de Gorbio, req. n° 448905 : publié au recueil Lebon

Une société s’est vue refuser, par un arrêté du 26 décembre 2016, une demande de permis de construire, déposée le 22 juillet 2016, sur une parcelle localisée sur le territoire la commune de Gorbio.

La société pétitionnaire, estimant être bénéficiaire d’un permis de construire tacite en raison de l’absence de décision expresse dans le délai de deux mois d’instruction de sa demande, a décidé de contester ce refus.

La cour administrative d’appel de Marseille, confirmant le jugement du tribunal administratif de Nice du 6 novembre 2019, annule, par un arrêt du 19 novembre 2020, l’arrêté de refus de permis de construire de la commune Gorbio. Pour la cour, l’instruction de la demande était terminée et un permis tacite était bien né au bout de deux mois.

La commune a alors décidé de se pourvoir en cassation en soutenant notamment que la production par la société pétitionnaire de pièces supplémentaires les 27 octobre et 25 novembre 2016 était de nature à faire courir un nouveau délai d’instruction et qu’ainsi, il n’était pas possible de considérer qu’un permis tacite était né.

La question qui se pose alors ici au Conseil d’Etat est celle de savoir si la production par le pétitionnaire de pièces supplémentaires, en cours d’instruction, empêche la naissance d’un permis tacite.

Le Conseil d’Etat répond en confirmant le principe de la naissance d’un permis tacite et les exceptions liées à l’objet, l’importance ou la date des modifications apportées :

« 4. En l’absence de dispositions expresses du code de l’urbanisme y faisant obstacle, il est loisible à l’auteur d’une demande de permis de construire d’apporter à son projet, pendant la phase d’instruction de sa demande et avant l’intervention d’une décision expresse ou tacite, des modifications qui n’en changent pas la nature, en adressant une demande en ce sens accompagnée de pièces nouvelles qui sont intégrées au dossier afin que la décision finale porte sur le projet ainsi modifié. Cette demande est en principe sans incidence sur la date de naissance d’un permis tacite déterminée en application des dispositions mentionnées ci-dessus. Toutefois, lorsque du fait de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle ces modifications sont présentées, leur examen ne peut être mené à bien dans le délai d’instruction, compte tenu notamment des nouvelles vérifications ou consultations qu’elles impliquent, l’autorité compétente en informe par tout moyen le pétitionnaire avant la date à laquelle serait normalement intervenue une décision tacite, en lui indiquant la date à compter de laquelle, à défaut de décision expresse, la demande modifiée sera réputée acceptée. L’administration est alors regardée comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale à compter de la date de la réception par l’autorité compétente des pièces nouvelles et intégrant les modifications introduites par le pétitionnaire. Il appartient le cas échéant à l’administration d’indiquer au demandeur dans le délai d’un mois prévu par l’article R. 423-38 du code de l’urbanisme les pièces manquantes nécessaire à l’examen du projet ainsi modifié.

  1. En l’espèce, en jugeant que l’envoi par la société Samsud à la commune de Gorbio, les 27 octobre et 25 novembre 2016, de pièces nouvelles qui correspondaient à des modifications de la demande de permis de construire initiale portant, d’une part, sur l’implantation d’un ouvrage d’art et, d’autre part, sur l’insertion paysagère du parking n’était pas susceptible d’influer sur la date de naissance d’un permis tacite, le 29 novembre 2016, alors qu’il appartenait au service instructeur, dans une telle circonstance, de rechercher, ainsi qu’il a été dit au point 4, si ces modifications, compte tenu de leur objet, de leur importance ou de la date à laquelle elles ont été présentées, pouvaient être prises en compte dans le délai qui lui était imparti pour se prononcer sur la demande initiale ou, à défaut, d’informer le pétitionnaire qu’elles avaient pour effet d’ouvrir un nouveau délai d’instruction de la demande ainsi modifiée, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. La commune de Gorbio est, par suite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen du pourvoi, fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ».

Ainsi, en principe, une modification des pièces de la demande de permis en cours d’instruction n’affecte pas le délai de naissance du permis tacite.

Cependant, le Conseil d’Etat par pragmatisme et, n’oubliant pas la nécessité de sécurité juridique liée à l’instruction des demandes de permis de construire, tente de préserver, d’une part, la possibilité que doit avoir le pétitionnaire de faire évoluer sa demande pour éviter un refus et, d’autre, part les contraintes des services instructeurs qui doivent notamment avoir le temps d’analyser le cas échéant la modification.

Aussi, lorsque la pièce complémentaire révèle une modification du projet, un nouveau délai d’instruction peut être notifié au pétitionnaire « compte tenu de [son] objet, de [son] importance ou de la date à laquelle [elle a] été présentée ». Dans un tel cas de figure, le service instructeur est considéré comme saisie d’une nouvelle demande se substituant à la demande initiale.

Cette possibilité pour le service instructeur de notifier un nouveau délai est elle-même encadrée puisque qu’une telle notification doit intervenir avant la date à laquelle une décision de permis tacite serait normalement née et que l’administration dispose d’un délai d’un mois pour réclamer au pétitionnaire les pièces manquantes nécessaires à l’examen du projet modifié.

 

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