Pollution de l’air : l’Etat condamné par le Conseil d’Etat au paiement de deux astreintes minorées

Catégorie

Environnement

Date

December 2023

Temps de lecture

4 minutes

Conseil d’Etat 24 novembre 2023 Association Amis de la terre et autres, req. n°428409

Le Conseil d’Etat a une nouvelle fois condamné l’Etat au paiement de deux astreintes, mais cette fois minorées, en raison de la persistance de la pollution de l’air dans les zones de Paris et de Lyon, s’agissant du dioxyde d’azote.

1.   Bref rappel du cadre juridique et de la procédure contentieuse antérieure

Pour rappel, c’est la directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe qui prévoit que les Etats membres doivent établir des zones afin d’évaluer et de gérer la qualité de l’air ambiant et qui fixe notamment des niveaux à ne pas dépasser dans ces zones :

  • les niveaux de particules fines PM10 dans l’air ambiant ne dépassent pas 40 µg/m3 en moyenne par année civile et 50 µg/m3 par jour plus de 35 fois par année civile ;
  • les niveaux de dioxyde d’azote ne dépassent pas 40 µg/m3 en moyenne par année civile, au plus tard à compter du 1er janvier 2010.

En cas de dépassement de ces valeurs limites, les Etats membres doivent établir des plans relatifs à la qualité de l’air prévoyant « des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible ».

Par une décision du 12 juillet 2017, le Conseil d’État – saisi par plusieurs associations de défense de l’environnement – a ordonné à l’État de mettre en œuvre des plans pour réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones urbaines en France, afin de respecter ladite directive européenne sur la qualité de l’air, reprise en droit français. Les autorités susmentionnées disposaient alors d’un délai allant jusqu’au 31 mars 2018 pour élaborer ces plans et les transmettre à la commission européenne.

Par une décision du 10 juillet 2020, le Conseil d’Etat avait constaté que l’Etat n’avait pas pleinement exécuté la décision du 12 juillet 2017 en ce qu’il n’avait pas pris les mesures suffisantes pour ramener les niveaux de concentration des polluants en deçà des valeurs limites dans le délai le plus court possible.

En conséquence, aux fins de contraindre le gouvernement français d’exécuter sa décision en date du 12 juillet 2017, le Conseil d’Etat avait, sur le fondement de l’article L. 911-3 du code de justice administrative (CJA), décidé de prononcer une astreinte de 10 millions d’euros par semestre de retard

Puis, en raison de l’inaction de l’Etat, le Conseil d’Etat avait alors prononcé :

  • par une décision du 4 août 2021, une première astreinte de 10 millions d’euros pour le semestre allant du 11 janvier au 11 juillet 2021
  • par une décision du 17 octobre 2022, une deuxième astreinte de 20 millions d’euros pour le second semestre 2021 et le premier semestre 2022

2.   La décision du 24 novembre 2023

Par cette décision, le Conseil d’Etat a ainsi prononcé la troisième condamnation de l’Etat pour les deux semestres de juillet 2022 à juillet 2023.

Constatant néanmoins une baisse de la pollution, la plus Haute Juridiction a décidé de diviser par deux le montant de l’astreinte par semestre de 10 à 5 millions d’euros.

Le Conseil d’Etat a précisément apporté deux justifications à cette réduction de moitié du montant de l’astreinte :

  • L’absence de dépassement du seuil de pollution pour les particules fines PM 10 dans toutes les zones urbaines : Paris, qui était la dernière zone avec dépassement des seuils de pollution en matière de particules fines PM10, n’a pas connu de dépassement en 2022, confirmant ainsi les mesures réalisées en 2020 et 2021. La décision du 12 juillet 2017 du Conseil d’État sur le volet de la concentration en particules fines est donc considérée comme exécutée.
  • L’absence de dépassement des seuils de dioxyde d’azote dans les zones urbaines de Toulouse et Aix-Marseille qui avaient été identifiées au titre des 4 zones urbaines connaissant des dépassements de ces seuils avec Paris et Lyon par le Conseil d’Etat dans sa dernière décision rendue le 17 octobre 2022

En revanche, s’agissant des zones urbaines de Paris et Lyon, le Conseil d’Etat a constaté le dépassement des seuils de dioxyde d’azote de manière significative :

  • A Lyon, le Conseil d’État relève qu’il reste une station de mesure présentant encore un dépassement significatif (47 μg/m3) et juge que les mesures déjà mises en œuvre et à venir (PPA rénové et ZFE-m étendue aux voies rapides) ne garantissent pas que la concentration en dioxyde d’azote descende en dessous du seuil réglementaire de 40 μg/m3 dans le délai le plus court possible
  • A Paris, le Conseil d’Etat relève que 8 stations sont encore en dépassement avec des valeurs atteignant 52 μg/m3 dans deux d’entre elles et considère qu’« aucune mesure nouvelle permettant de réduire de façon significative et rapide les taux de concentration en dioxyde d’azote sur la zone de Paris n’a ainsi été mise en œuvre depuis la décision du Conseil d’État en 2022 ». 

C’est donc au regard de cette situation persistante dans les zones de Lyon et Paris que le Conseil d’État a considéré que l’Etat ne pouvait être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes, propres à assurer l’exécution complète des décisions du Conseil d’Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces deux zones.

Il a alors décidé de condamner l’État au paiement de deux astreintes minorées de 5 millions d’euros pour le second semestre 2022 et le premier de 2023.

À la suite de la présente décision, le Conseil d’État réexaminera en 2024 les actions de l’État menées à partir du second semestre 2023 (juillet 2023-janvier 2024).

 

 

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