Précisions sur la portée de la dérogation aux règles de densité du 3° de l’article L.152-6 du Code de l’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

September 2023

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 juillet 2023 M. et Mme F… et autres, req. n° 462717 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Par un arrêt du 10 juillet 2023, le Conseil d’Etat est venu préciser la portée de la dérogation aux règles relatives à la densité posée par l’article L.152-6 3° du Code de l’urbanisme.

En l’espèce, par un arrêt du 27 juillet 2020, la mairie de Paris a délivré à la société Patrimoine et Valorisation Programmes un permis de construire visant à transformer un bâtiment à usage de parking en immeuble d’habitation. Les propriétaires voisins se ont formé un recours en annulation contre le permis de construire devant le tribunal administratif de Paris.

Par un jugement du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Un pourvoi en cassation a donc été formé contre ce jugement.

La discussion devant le Conseil d’Etat portait sur l’interprétation de la dérogation aux règles de densité prévu par l’article L.152-6 3° du code de l’urbanisme.

L’article L.152-6 du code de l’urbanisme prévoit ainsi que : « (…) En tenant compte de la nature du projet et de la zone d’implantation, l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire peut: (…) Déroger aux règles relatives à la densité et aux obligations en matière de création d’aires de stationnement et, dès lors que la commune ne fait pas l’objet d’un arrêté au titre de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, aux règles adoptées en application de l’article L. 151-15 du présent code, pour autoriser la transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation, dans la limite d’une majoration de 30 % du gabarit de l’immeuble existant ; (…) ».

En l’occurrence, la société pétitionnaire avait sollicité une dérogation aux règles de « gabarit-enveloppe » du PLU de Paris, qui lui avait été accordée sur le fondement du 3° de l’article L.152-6 du code de l’urbanisme.

Les requérants contestaient cette dérogation au motif que les dispositions du 3° de l’article L.152-6 permettraient uniquement de déroger aux règles relatives à la densité et aux obligations en matière de stationnement, mais ne permettraient pas de déroger aux règles de « gabarit-enveloppe » .

Le Conseil d’Etat, sur  conclusions favorables du rapporteur public, a rejeté cet argumentaire en considérant que : « Il résulte de l’économie générale des dispositions précitées du 3° de l’article L. 152-6 du code de l’urbanisme qu’elles permettent, dans le cadre de l’autorisation d’un projet de transformation à usage principal d’habitation d’un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation, de déroger aux règles affectant la densité, c’est-à-dire à celles relatives à l’emprise au sol, à la hauteur ou au gabarit des bâtiments fixées par le règlement du plan local d’urbanisme, dans la limite d’une majoration de 30 % du gabarit de l’immeuble existant ».

Le rapporteur public avait lui-même considéré qu’une lecture extensive de la dérogation posée au 3° de l’article L.152-6 du code de l’urbanisme devait être privilégiée, l’article L.152-6 du code de l’urbanisme ayant été adopté à une époque « où la notion de règles de densité renvoyait, dans les PLU, à un objet précis : le coefficient d’occupation des sols (COS) qui pouvait être fixé pour « déterminer la densité de construction admise ».

Or, désormais, le code de l’urbanisme a consacré un paragraphe intitulé « densité » dans le titre V relatif au plan local d’urbanisme, qui « comporte, au niveau législatif, (…) des dispositions autorisant le PLU lui-même à prévoir dans certains secteurs et sous conditions des dépassements des règles relatives (nous soulignons) au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol » (L. 151-28 et suivants) », de sorte que la notion de « règles de densité » est, dorénavant « très peu présente de manière isolée dans le code de l’urbanisme.

De cette évolution, une instruction de la ministre du logement du 28 mai 2014 en a déduit que la notion de « règles de densité » pourrait porter sur le « toutes les règles qui « concourent au gabarit ».

Ce sont les raisons pour lesquelles le rapporteur public a proposé au Conseil d’Etat « malgré de fortes raisons d’hésiter et en étant conscient qu’il s’agit d’un effort d’interprétation significatif », de juger que la dérogation du 3° de l’article L.152-6 du code de l’urbanisme aux règles de densité devait être interprétée comme permettant de déroger « à toutes les règles qui, en l’état du droit, contribuent à la maîtrise de la densité », c’est à dire aux règles relatives à l’emprise au sol, à la hauteur ou au gabarit.

Le rapporteur conclut en relevant que si cette interprétation extensive ne permet pas de purger le problème terminologique qui affecte la loi, cette solution paraît être la plus cohérente d’un point de vue opérationnel.

C’est dans ce cadre que le Conseil d’Etat a suivi cette position en jugeant que la dérogation aux règles de densité du 3° de l’article L.152-6 du Code de l’urbanisme permet effectivement de déroger aux règles relatives à l’emprise au sol, à la hauteur ou au gabarit.

 

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