Référé suspension : dans quelles mesures l’atteinte aux intérêts financiers d’une société peut être de nature à caractériser l’existence d’une situation d’urgence ?

Catégorie

Contrats publics

Date

October 2016

Temps de lecture

2 minutes

CE 21 septembre 2016 SITURV, req. n° 398231 : mentionné aux tables du Rec. CE

Par une décision du 21 septembre 2016, le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions sur l’appréciation de la condition d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA) lorsqu’une décision porte atteinte aux intérêts financiers d’une société.

En l’espèce, le syndicat intercommunal pour les transports urbains de la région de Valenciennes (SITURV) a confié en 2009 à la société des transports urbains du Valenciennois (TUV) l’exploitation d’un service de trolleybus. En janvier 2014, après avoir décidé de remplacer ce service par une ligne de tramway, le SITURV a signé avec la société TUV un protocole d’accord transactionnel portant sur la résiliation du contrat de délégation de service public. Près de deux ans plus tard, par une délibération du 16 décembre 2015, le SITURV a finalement décidé d’annuler ledit protocole.

Le juge des référés du tribunal administratif de Lille a, sur demande de la société TUV, suspendu la délibération du 16 décembre 2015 ce qui a conduit le SITURV à se pourvoir en cassation.

Le Conseil d’Etat confirme tout d’abord une jurisprudence constante : la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension peut être regardée comme remplie alors même que la décision litigieuse n’aurait un objet ou des répercussions que purement financiers 1) Voir par exemple en ce sens : CE 19 janvier 2001 Confédération nationale des radios libres, req. n° 228815 : publié au Rec. CE – CE 6 avril 2001 France télécom, req. n° 230338 : mentionné aux tables du Rec. CE . Par exemple, l’urgence est caractérisée lorsqu’est abrogée une autorisation d’un restaurant à installer deux contre-terrasses dès lors que cette décision prive le requérant d’une part substantielle de sa clientèle et de son chiffre d’affaire et risque de porter gravement atteinte à son équilibre économique 2) CE 4 novembre 2013 Ville de Paris, req. n° 368636.

Cette fois-ci, le Conseil d’Etat se prononce sur un argumentaire contestant la situation d’urgence au motif de l’appartenance de la société requérante à un groupe bénéficiant d’une « solide assise financière » selon le SITURV.

Pour le Conseil d’Etat, la situation d’urgence doit être appréciée au regard de la seule société requérante, indépendamment des capacités financières de ses actionnaires ou de son appartenance à un groupe :

    « en raison de l’autonomie juridique et financière dont une société dispose comme toute personne morale, il n’appartient pas, en principe, au juge des référés, lorsqu’une décision a des répercussions financières sur une société, de tenir compte des capacités financières de ses actionnaires ou de son appartenance à un groupe pour apprécier si cette décision préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation ».

La haute juridiction excepte néanmoins deux cas dans lesquels il pourrait être opposé à une société les capacités financières de ses associés ou son appartenance à un groupe solide si la société est en réalité une filiale « fictive » (cette notion demeure floue, et désigne probablement une filiale « vide », soit une coquille juridique sans véritable activité) ou encore si son patrimoine est confondu avec celui de sa maison-mère.

La société TUV ne relève d’aucun de ces cas : c’est au regard de sa propre situation, et sans tenir compte des capacités de ses associés ou du groupe auquel elle appartient, que la situation d’urgence doit être appréciée. Par conséquent, le Conseil d’Etat rejette le pourvoi formé par le SITURV.

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1. Voir par exemple en ce sens : CE 19 janvier 2001 Confédération nationale des radios libres, req. n° 228815 : publié au Rec. CE – CE 6 avril 2001 France télécom, req. n° 230338 : mentionné aux tables du Rec. CE
2. CE 4 novembre 2013 Ville de Paris, req. n° 368636

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