Référé-suspension ou cassation, il faut choisir !

Catégorie

Droit administratif général, Urbanisme et aménagement

Date

October 2023

Temps de lecture

2 minutes

Conseil d’Etat 22 septembre 2023, M. B, req n°472210

Le 22 décembre 2020, le maire de Saint-Gervais-les-Bains a pris une décision de non-opposition à la déclaration préalable présentée par M.B en vue de la réhabilitation d’une ancienne ferme. Toutefois, par un arrêté du 31 août 2022, le maire agissant au nom de l’Etat, a ordonné l’interruption des travaux au visa de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme.

Le pétitionnaire a alors saisi le juge des référés de pas moins de trois demandes de suspension successives (les 29 septembre 2022, 23 novembre 2022, et 27 janvier 2023) afin d’obtenir la suspension provisoire de cette mesure d’interruption de travaux. Toutes ses demandes ont été rejetés pour défaut d’urgence.

Ne s’avouant pas vaincu, le requérant a alors décidé dans le même temps de :

  • se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etatcontre la 3e ordonnance de référé rejetant ses demandes  ; et de
  • présenter une 4e demande de suspension de l’arrêté litigieux devant le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble.

Peut-on ainsi multiplier les demandes successives de suspension devant le juge des référés ?

La réponse est affirmative.

En effet, le Conseil d’Etat rappelle, conformément à ce qu’il a déjà jugé dans une décision SCI Eaux Douces du 29 juin 2020 1)CE 29 juin 2020 SCI Eaux Douces, req n°435502, que si les ordonnances de référé sont exécutoires et obligatoires, elles demeurent provisoires, le juge des référés ne statuant pas au fond.

Par conséquent, la circonstance que le requérant a introduit une première demande de suspension ne fait pas obstacle à ce qu’il saisisse de nouveau le juge des référés d’une demande « ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu’ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine ».

Mais alors, l’intervention d’une nouvelle ordonnance de rejet d’un référé prive-t-elle d’objet le pourvoi en cassation dirigé parallèlement contre une précédente ordonnance de rejet d’un référé ayant le même objet ?

La réponse est encore affirmative mais nouvelle puisque issue d’un revirement de jurisprudence 2)CE 8 juillet 2015 La SARL Pompes funèbres lexoviennes, req n°385043.

Si le Conseil d’Etat admet la possibilité de multiplier les demandes en référé suspension, ce n’est pas sans limite.

En effet, le Conseil d’Etat estime que le nouveau rejet par ordonnance du juge des référés de la 4e demande de suspension a pour effet de priver d’objet le pourvoi en cassation formé contre la 3e ordonnance attaquée :

« Dans le cas où le demandeur, après le rejet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, fait usage de cette faculté en saisissant à nouveau le juge des référés de conclusions ayant le même objet et se pourvoit également en cassation contre la première ordonnance ayant rejeté sa demande, l’intervention, postérieurement à l’introduction de ce pourvoi, d’une nouvelle ordonnance rejetant la nouvelle demande rend, eu égard à la nature de la procédure de référé, sans objet les conclusions dirigées contre la première ordonnance, alors même que la seconde n’est pas devenue définitive ».

Il s’agit donc pour le Conseil d’Etat de conserver un effet utile au recours en cassation. Surtout, cette solution empêche le requérant de jouer sur tous les tableaux et l’oblige à un choix de stratégie contentieuse : soit déposer une nouvelle demande en référé suspension, soit se pourvoir en cassation contre l’ordonnance de rejet.

 

 

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References   [ + ]

1. CE 29 juin 2020 SCI Eaux Douces, req n°435502
2. CE 8 juillet 2015 La SARL Pompes funèbres lexoviennes, req n°385043

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