Référé-suspension « Tarn-et-Garonne » d’un contrat et condition de l’urgence

Catégorie

Contrats publics

Date

February 2015

Temps de lecture

3 minutes

CE 19 janvier 2015 société Ribière, req. n° 385634

Par un arrêt du 19 janvier dernier, le Conseil d’Etat offre une première illustration d’un référé-suspension introduit à l’encontre d’un contrat dans le nouveau cadre contentieux défini par l’arrêt « Département Tarn-et-Garonne » 1) CE 4 avril 2014 Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE .

La société Ribière a demandé la suspension d’un marché de travaux (lot gros œuvre) conclu le 7 juillet 2014 par l’OPH Drôme Aménagement Habitat. La procédure de passation de ce marché avait déjà fait l’objet d’un référé précontractuel à l’initiative de la requérante, référé qui avait abouti à l’annulation partielle de la procédure et à sa reprise au stade de l’analyse des offres. Néanmoins, l’offre de la société Ribière a de nouveau été rejetée par l’OPH.

Celle-ci a donc introduit un recours en contestation de la validité du contrat, assorti d’un référé-suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, qui exige la réunion de deux conditions : une situation d’urgence d’une part, et un moyen propre à créer un doute sérieux sur la régularité du marché d’autre part.

Pour démontrer l’urgence à suspendre le marché, la société Ribière a fait valoir que celui-ci représente 36,7 % de son chiffre d’affaires. Néanmoins le tribunal administratif a relevé qu’elle n’était pas le titulaire du marché précédent, et que partant, la perte de chance d’obtenir ce marché n’était pas de nature à générer une situation d’urgence justifiant la suspension du marché, raisonnement que valide le Conseil d’Etat.

En d’autres termes, le chiffre d’affaires de la requérante ne dépendait pas de ce marché, dont elle n’était pas titulaire auparavant, et partant, le préjudice financier résultant d’une perte de chance d’exécuter le marché ne crée pas de situation d’urgence – alors que la requérante peut en obtenir indemnisation au fond au demeurant.

Cette décision confirme l’approche exigeante du juge sur l’appréciation de l’urgence à suspendre qui était déjà la sienne dans le cadre du recours « Tropic » 2) Voir ainsi TA Cergy-Pontoise 18 déc. 2007 Sté Immobat, req. n° 0713258 : AJDA 2008, p. 1443, note T. Guilbau : l’imminence de l’exécution d’un marché, privant l’entreprise requérante de toute chance de l’exécuter elle-même en d’en tirer un bénéfice, ne constitue pas une situation d’urgence., et qui rend discutable l’efficacité du référé-suspension en matière contractuelle. Ainsi, même lorsque les entreprises étaient titulaires des marchés précédents, et que cette perte affecte directement le niveau de leur activité et entraîne des licenciements, le juge exige qu’elles établissent que cette situation menace la survie même de leur entreprise 3) Voir par exemple TA Châlons-en-Champagne 28 août 2008 CIBC c/ ANPE, req. n° 0801856 : JCP A 2008, 2228, comm. M.-P. Mazet : « […] les requérants soutiennent que l’exécution des quatre marchés à bons de commande en cause aurait représenté un montant de chiffre d’affaires non négligeable pour le groupement ; que cependant cette circonstance, dont peut se prévaloir tout candidat évincé de l’attribution d’un marché public, n’est pas de nature à justifier de l’existence d’une situation préjudiciant de manière grave et immédiate aux intérêts des requérants ; que de même si le CIBC soutient qu’il va perdre 20 % de son chiffre d’affaires en raison de son éviction des marchés en litige et a du déjà licencier quatre collaborateurs, il ne résulte pas pour autant de l’instruction que cette éviction serait fatale à l’existence même de cette association, alors que l’ANPE fait valoir qu’eu égard à la nature du service en cause, la poursuite de l’exécution du marché est impérative ; que, par suite, la condition d’urgence posée par les dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative n’étant pas remplie, la requête doit être rejetée […] ».

Cette approche semble devoir se poursuivre dans le nouveau cadre contentieux de « Tarn-et-Garonne ».

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1. CE 4 avril 2014 Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE
2. Voir ainsi TA Cergy-Pontoise 18 déc. 2007 Sté Immobat, req. n° 0713258 : AJDA 2008, p. 1443, note T. Guilbau : l’imminence de l’exécution d’un marché, privant l’entreprise requérante de toute chance de l’exécuter elle-même en d’en tirer un bénéfice, ne constitue pas une situation d’urgence.
3. Voir par exemple TA Châlons-en-Champagne 28 août 2008 CIBC c/ ANPE, req. n° 0801856 : JCP A 2008, 2228, comm. M.-P. Mazet : « […] les requérants soutiennent que l’exécution des quatre marchés à bons de commande en cause aurait représenté un montant de chiffre d’affaires non négligeable pour le groupement ; que cependant cette circonstance, dont peut se prévaloir tout candidat évincé de l’attribution d’un marché public, n’est pas de nature à justifier de l’existence d’une situation préjudiciant de manière grave et immédiate aux intérêts des requérants ; que de même si le CIBC soutient qu’il va perdre 20 % de son chiffre d’affaires en raison de son éviction des marchés en litige et a du déjà licencier quatre collaborateurs, il ne résulte pas pour autant de l’instruction que cette éviction serait fatale à l’existence même de cette association, alors que l’ANPE fait valoir qu’eu égard à la nature du service en cause, la poursuite de l’exécution du marché est impérative ; que, par suite, la condition d’urgence posée par les dispositions de l’article L. 521-1 du Code de justice administrative n’étant pas remplie, la requête doit être rejetée […] »

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