Réforme de l’urbanisme commercial : la proposition de loi Ollier amendée par la commission des affaires économiques du Sénat

Catégorie

Aménagement commercial

Date

January 2011

Temps de lecture

7 minutes

La proposition de loi relative à l’urbanisme commercial « Ollier » a été enregistrée à la présidence du Sénat le 15 décembre 2010. Voici un résumé du texte amendé par la commission des affaires économiques :

L’objectif de la proposition de loi est de supprimer toute autorisation d’exploitation commerciale distincte du permis de construire. Le principe est donc d’inciter les collectivités territoriales regroupées en EPCI à se doter d’un document de planification commerciale (DAC) intégré dans un SCOT, un PLUI ou adopté seul, délimitant le territoire en différents secteurs : ceux dans lesquels les implantations commerciales seront réglementées par le PLU, ceux dans lesquels il réglementera les implantations commerciales et les secteurs où les implantations commerciales ne seront pas admises.

En revanche, si le DAC n’est pas adopté, un accord d’une commission régionale d’aménagement commercial (CRAC) sera nécessaire avant la délivrance d’un permis de construire dans certaines conditions.

Ces conditions seront récapitulées dans un tableau après une présentation des principales dispositions du texte amendé.

1          Elaboration des DAC

►        Objectifs poursuivis par le DAC (Article 1er I)

La délimitation opérée par le DAC doit « répondre aux exigences d’aménagement du territoire en matière de revitalisation des centres-villes, de diversité commerciale, de maintien du commerce de proximité, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux, la desserte en transports, notamment collectifs, et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l’espace et de protection de l’environnement, des paysages et de l’architecture ».

►        Délimitation du territoire en trois secteurs (Article 1er II)

Le DAC délimitera :

—         les centralités urbaines dans lesquelles les implantations commerciales sont réglementées par le PLU. Sur ce point, l’article L. 123-1-5 du code de l’urbanisme sera modifié de sorte que les règlements des PLU pourront « délimiter, dans les zones urbaines ou à urbaniser, des secteurs dans lesquels, en cas de réalisation d’opérations d’aménagement, de construction ou de réhabilitation, un pourcentage de ces opérations est destiné à la réalisation de commerces » (Article 6) ;

—         en dehors des centralités urbaines, les secteurs où sont permises, dans les conditions qu’il fixe, les implantations commerciales d’une SHON supérieure au seuil qu’il fixe (au minimum 1 000 m² de SHON) ;

—         Nouveauté : en dehors de ces zones, les implantations commerciales supérieures à 1 000 m² de SHON ne sont pas autorisées.

Risque d’inconstitutionnalité de la loi sur ce dernier point au regard des principes de liberté, d’égalité et de liberté du commerce et de l’industrie.

        Nouveauté : Précision sur les centralités urbaines (Article 1er II)

Celles-ci peuvent inclure tout secteur, notamment centre-ville ou centre de quartier, caractérisés par un bâti dense présentant une diversité des fonctions urbaines. Elles comprennent en particulier, des logements, des commerces, des équipements publics et collectifs.

►        Nouveauté : Réintroduction et précision de la notion de typologie de commerces : (Article 1er IV)

Le DAC « peut identifier la destination des équipements commerciaux de détail en distinguant les commerces alimentaires, les commerces d’équipement de la personne, les commerces d’équipement de la maison et les commerces de loisirs et culture ». 4 secteurs d’activité existeront donc désormais.

           Le texte de la commission est sur ce point contraire au droit communautaire de la concurrence et notamment à la directive « Bolkestein » (laquelle, bien que non transposée dans le délai prescrit, est d’application immédiate, ses dispositions étant suffisamment claires et précises quand au résultat à atteindre). En effet, celle-ci interdit « l‘application au cas par cas d’un test économique consistant à subordonner l’octroi de l’autorisation à la preuve économique de l’existence d’un besoin économique ou d’une demande de marché, à évaluer les effets économiques potentiels ou actuels de l’activité ou à évaluer l’adéquation de l’activité avec les objectifs de programmation économique fixés par l’autorité compétente ». Or, l’insertion de la notion de « typologie de commerce » dans le texte de la PPL conduira les autorités administratives en charge de la rédaction des DAC à analyser l’existence ou non d’un « besoin économique ou d’une demande de marché » pour définir les activités qui pourront ou non être implantées dans les zones qu’ils définiront.

–           Notons par ailleurs que l’énumération détaillée des secteurs d’activité figurant dans le texte de la commission engendrera un contrôle des implantations commerciales encore plus stricte que ce qui existe actuellement sous la loi de modernisation de l’économie et que ce qui existait sous la loi Royer du 27 décembre 1973. En effet, alors que le futur texte distingue 4 secteurs d’activité, rappelons que l’actuel article R. 752-3 du code de commerce distingue uniquement les commerces à prédominance alimentaire et les commerces non alimentaires et l’ancien article R. 752-5 en vigueur sous la loi Royer définissait 3 secteurs : alimentaire, équipement de la maison/automobile… et les autres commerces de détail.

        Les conditions d’implantation commerciale en dehors des centralités urbaines (Article 1er III)

   « peuvent » porter sur :

           la typologie de commerce, à savoir : « les commerces alimentaires, les commerces d’équipement de la personne, les commerces d’équipement de la maison et les commerces de loisirs et culture » (Article 1er IV) ;

–           la diversité des fonctions urbaines, la densité minimale de construction, l’existence de transports collectifs, le respect des normes environnementales, l’organisation des accès et du stationnement des véhicules, l’organisation de la livraison des marchandises ;

–           la définition de normes de qualité urbaines ou paysagères (en l’absence de PLU ou de document en tenant lieu).

 —  et les seuils, « peuvent » être différents « au sein d’une même zone » en fonction des typologies de commerce ou selon qu’il s’agit de commerces de détail ou d’ensembles commerciaux continues ou discontinus.

►        Avis de la CRAC pour l’adoption du DAC (Article 2)

Le projet de DAC peut être soumis pour avis à la CRAC, laquelle est composée de 6 élus : président du conseil régional, président du conseil général, président de l’EPCI chargé de l’élaboration du SCOT, les présidents des 3 EPCI compétents en matière de PLU des communes les plus peuplées.

►        Planning : (Articles 2 bis et 9)

Nouveauté : Les SCOT et PLUI existants doivent intégrer un DAC dans un délai de 3 ans (et non plus 2 ans) à compter de l’entrée en vigueur de la loi sachant que cette date sera précisée par un décret en Conseil d’Etat et interviendra au plus tard 1 an après la promulgation de la loi. Par ailleurs, il est prévu que « les demandes d’autorisation déposées en application du chapitre II du titre V du livre VII du code de commerce, avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi, sont soumises aux dispositions applicables à la date de leur dépôt ».

Sanction : après 3 ans, diminution du seuil à partir duquel un projet est soumis à l’accord de la CRAC : passage de 1 000 m² SHON à 300 m² SHON (cf. infra tableau récapitulatif).

2          Projets de construction auxquels s’appliquent les DAC

        Les projets soumis à PC portant sur : (Article 4 A)

—         la création d’un commerce ou ensemble commercial continu ou discontinu dépassant le seuil fixé par le DAC par construction nouvelle ou changement de destination ;

—         l’extension d’un commerce ou ensemble commercial continu ou discontinu ayant atteint le seuil fixé par le DAC ou devant le dépasser par la réalisation du projet ;

—         Nouveauté : le changement de secteur d’activité d’un commerce ou d’un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil fixé par le DAC.

►        Définition de l’ensemble commercial continu ou discontinu (Article 4 bis)

1er critère : magasins réunis sur un même site, même si situés dans des bâtiments distincts et qu’une même personne en soit ou non propriétaire.

4 autres critères alternatifs :

–           bénéficient d’aménagements conçus pour permettre à une même clientèle l’accès aux divers établissements ;

–           sont situés dans un ensemble cohérent de bâtiments conçus en vue de l’implantation de commerces ;

–           font l’objet d’une gestion ou d’un entretien commun des ouvrages d’intérêt collectif ;

–           sont réunis par une structure juridique commune.

►        Quid de l’application du seuil fixé par le DAC seul (sans SCOT ni PLUI) ? :

– L’article 1er bis B prévoit que lorsqu’un DAC a été adopté seul, il comprend les dispositions prévues aux I à IV de l’article 1er (délimitation des zones et fixation de seuils) ;

– Toutefois, l’article 4 II prévoit qu’en cas de DAC seul, les permis de construire et d’aménager portant sur un projet dont la SHON dépasse 1 000 m² doivent être compatibles avec le DAC.

3          La CRAC en l’absence de DAC

►         La commission régionale remplace la commission départementale et la commission nationale. Par ailleurs, il ne s’agit plus d’une autorisation indépendante du permis de construire mais d’un « accord » donné avant la délivrance du permis qui ne sera vraisemblablement pas directement contestable devant le juge. A cet égard, le Conseil d’Etat a jugé le 15 décembre 2010 que l’actuel avis de la CDAC pour les projets d’une surface comprise entre 300 et 1 000 m² « ont le caractère d’actes préparatoires et ne constituent pas, par eux-mêmes, des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir » (CE 15 décembre 2010 Société Montludis, req. n° 334627 : mentionné aux Tables du Rec. CE).

►        La composition de la CRAC (Article 5 III) : 9 membres

– 6 élus : président du conseil régional, président du conseil général, maire de la commune d’implantation, président du syndicat mixte ou de l’EPCI compétent en matière de SCOT, président de l’EPCI à fiscalité propre dont est membre la commune d’implantation, maire de la commune la plus peuplée de l’arrondissement (et non plus des deux communes les plus peuplées) ;

– 1 personnalité qualifiée en matière de développement durable et d’aménagement du territoire ;

– 1 représentant de l’Etat (et non plus deux) ;

– 1 représentant d’associations de protection des consommateurs.

►        Ne nécessitent pas d’accord préalable de la CRAC (Article 5 I) : ont été conservées les exclusions prévues par la LME (pharmacies, halles et marchés, commerces de véhicules…) à l’exception des « magasins accessibles aux seuls voyageurs munis de billets et situés sur les parties du domaine public affectées aux gares ferroviaires situées en centre-ville d’une surface maximale de 2 500 m² ».

        Les critères d’appréciation de la CRAC (Article 5 III) :

La commission doit fonder sa décision motivée sur les exigences « d’aménagement du territoire en matière de revitalisation des centres-villes, de diversité commerciale, de maintien du commerce de proximité, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux, la desserte en transports, notamment collectifs, et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l’espace et de protection de l’environnement, des paysages et de l’architecture ».

Il s’agit donc des mêmes objectifs que ceux poursuivis par le DAC lors de son élaboration, à l’exception du critère de la typologie de commerce. Il n’existe donc a priori pas de problématique de conventionalité du texte sur ce point dans la mesure où la CRAC ne pourra pas se prononcer au regard des typologies de commerce, sauf à ce que le critère de « diversité commerciale » soit utilisé par la CRAC pour effectuer un contrôle économique.

        La décision de la CRAC doit être compatible avec le DOO du SCOT quand il existe (reprise du nouvel article L. 122-1-15 du code de l’urbanisme issu de la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II).

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