Régime de la prescription biennale et possibilité d’émettre un nouveau titre de régularisation après annulation pour vice de forme du titre de recette initial

Catégorie

Droit administratif général

Date

July 2021

Temps de lecture

2 minutes

Conseil d’Etat, 4ème et 1ère chambres réunies, 1er juillet 2021, Ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, req. n°434665, Publié au Rec. CE.

Par une décision en date du 1er juillet 2021, le Conseil d’Etat vient élargir le champ de l’interruption de la prescription biennale applicable aux sommes indûment versées aux agents publics à titre de rémunération, permettant ainsi à l’administration, après annulation d’un titre de recette pour vice de forme, d’édicter un nouveau titre de régularisation.

En l’espèce, Mme B…A… agent public non titulaire, a contesté devant le tribunal administratif de Toulouse seize titres de recette émis à son encontre par son employeur public, aux fins de recouvrer des sommes versées à tort à cette dernière, à titre de rémunération, durant ses congés de maladie ordinaire et de longue maladie. L’intéressée a en effet continué à percevoir sa rémunération alors qu’elle bénéficiait par ailleurs du versement des indemnités journalières de la sécurité sociale.

Par un arrêt du 16 juillet 2019, confirmant un jugement du 24 mai 2017 du tribunal administratif de Toulouse, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté la demande d’annulation du jugement déchargeant Mme B… A …du paiement des sommes mises à sa charge par les titres annulés et a enjoint à l’Etat de reverser les sommes déjà recouvrées.

Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse s’est par conséquent pourvu en cassation contre l’arrêt de la Cour.

Le Conseil d’Etat rappelle en premier lieu qu’en principe, lorsque l’annulation d’un titre exécutoire est fondée sur un motif de forme ou d’incompétence de son auteur, l’administration peut en émettre un nouveau en régularisation du précédent 1)CE 11 décembre 2006 Mme A. c/ Commune de Cuers, req. n°280696, si toutefois aucune règle de prescription n’y fait obstacle.

Or, en ce qui concerne la récupération des paiements indus effectuées par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents, l’article 37-1 de la loi du 12 avril 2000, introduit par la loi de finance rectificative pour 2011, prévoit que les créances « peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droit devenue définitive […] ».

La question qui se posaient alors devant le Conseil d’Etat était celle de savoir si, en cas d’annulation définitive des titres pour irrégularité en la forme, l’administration disposait de la possibilité d’édicter un titre de régularisation, au regard de la computation du délai de prescription biennale.

Par sa décision du 1er juillet 2021, le Conseil d’Etat admet que « l’introduction d’un recours juridictionnel, quel qu’en soit l’auteur, interrompt le délai de prescription et que l’interruption du délai de prescription par cette demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance ».

Le juge administratif considère désormais que l’introduction d’un recours contre un titre de recette a pour effet d’interrompre le délai de prescription biennale pendant toute la durée de l’instance, cette interruption bénéficiant à l’administration – alors même qu’elle n’est pas l’auteur du recours contentieux.

Cette dernière dispose par conséquent de la possibilité de régulariser la décision annulée pour vice de forme par l’édiction immédiate d’un nouveau titre.

Le juge administratif semble donc opérer un revirement de sa jurisprudence antérieure 2)Voir notamment : CE 20 novembre 2020 n°432678 Sté Véolia Eau par laquelle il considérait, au visa des dispositions du code civil relatives à la prescription, que l’interruption de cette dernière ne jouait qu’au bénéfice du seul demandeur.

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. CE 11 décembre 2006 Mme A. c/ Commune de Cuers, req. n°280696
2. Voir notamment : CE 20 novembre 2020 n°432678 Sté Véolia Eau

3 articles susceptibles de vous intéresser