Régularité d’un avenant à une concession d’aménagement : une première illustration jurisprudentielle

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2015

Temps de lecture

3 minutes

CAA Marseille 27 octobre 2014 Sagem, req. n° 14MA01059

Après avoir mis en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence, la commune de Saint-Tropez a conclu en août 2011 une concession d’aménagement pour la restructuration de certains de ses quartiers avec la société Kaufman et Broad Provence. Pour la réalisation de ce projet urbain, le concessionnaire devait procéder à l’acquisition du foncier nécessaire à hauteur de 11 millions d’EUR, dont 6 millions d’EUR correspondaient au prix d’acquisition de terrains appartenant à la ville.

En décembre 2011, un avenant à la concession a été conclu afin de repousser de 3 mois le versement du prix de ces terrains par le concessionnaire à la ville. La société anonyme gardéenne d’économie mixte (Sagem) a exercé un recours « Tropic » à l’encontre de cet avenant, en lui reprochant de constituer un nouveau contrat qui aurait dû être soumis à publicité et mise en concurrence, notamment parce qu’il aurait permis à la société Kaufman et Broad de conserver les intérêts produits par la somme correspondant au prix des terrains pendant 3 mois, soit environ 20 000 EUR.

La cour confirme le jugement qui avait déjà rejeté cette requête, au motif que « compte tenu de l’objet même du traité de concession d’aménagement ainsi que de son ampleur, le report du paiement d’une partie des acquisitions foncières n’a pas porté sur un élément substantiel du traité de concession d’aménagement ni n’en a bouleversé l’équilibre […] qu’ainsi, l’avenant litigieux ne présentait pas le caractère d’un nouveau contrat qui aurait dû faire l’objet d’une procédure de publicité et de mise en concurrence à laquelle [la SAGEM] aurait eu vocation à participer ».

En l’espèce, l’avenant n’emportait donc pas de modification notable de la concession d’aménagement. Il s’agit là d’un premier exemple jurisprudentiel d’appréciation de la régularité d’un avenant à une concession d’aménagement, qui confirme ce que la doctrine, en toute logique, s’accordait déjà à considérer : parce que la passation des concessions d’aménagement est soumise à publicité et mise en concurrence, celles-ci ne peuvent être modifiées dans des conditions qui remettent en cause la procédure initialement suivie 1) Voir en ce sens Laetitia Santoni et Xavier Couton, « Avenant aux concessions d’aménagement « mutabilité versus stabilité », in Construction et Urbanisme n° 12, décembre 2011, étude 14..

Dans l’absolu, un reproche peut être formulé : cet arrêt n’exprime pas clairement la grille d’analyse au regard de laquelle la régularité d’un avenant à une concession d’aménagement doit être examinée.

En effet, rappelons que la régularité d’un avenant à un marché public s’apprécie au regard du bouleversement de l’économie du contrat qu’il entraîne ou non 2) Article 20 CMP , tandis que la régularité d’un avenant à une délégation de service public s’apprécie au regard du caractère substantiel de la modification apportée à un élément essentiel du contrat 3) CE avis section des finances du 8 juin 2000 n° 364 803 ; CE avis du 19 avril 2005 n° 371234 : publié au BJCP 2006 p. 105 ; voir également CAA Paris 17 avril 2007 société Kéolis, req. n° 06PA02278..

En l’espèce, la cour relève que l’avenant n’a pas porté sur un élément essentiel de la concession d’aménagement, et qu’il n’en a pas non plus bouleversé l’équilibre, combinant ainsi les deux approches. Mais en réalité, la distinction de ces formulations reste particulièrement théorique : concrètement, il reste difficile de concevoir qu’une modification substantielle d’un élément essentiel d’un contrat n’entraîne pas le bouleversement de son économie…

Enfin, la cour rejette également le recours de la SAGEM dirigé contre la délibération autorisant la signature de l’avenant, en appliquant à ce REP la logique de la jurisprudence « Tarn-et-Garonne » : elle considère que si des tiers peuvent poursuivre l’annulation des actes détachables d’un contrat ou de l’un de ses avenants, « la recevabilité d’un tel recours est subordonnée à la condition que les stipulations du contrat en cause soient de nature à les léser dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine » 4) L’arrêt Tarn-et-Garonne ouvre le recours direct contre le contrat à « tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » (CE 4 avril 2014 Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE..

En l’espèce, la SAGEM n’a pas la qualité de concurrente évincée de l’attribution de l’avenant, puisque celui-ci ne constitue pas un nouveau contrat. La cour souligne également qu’à supposer même que l’avenant puisse être considéré comme ayant une incidence sur les finances locales, en tout état de cause, la SAGEM ne se prévaut pas de la qualité de contribuable locale. Partant, elle n’a pas intérêt à agir contre la délibération autorisant la signature de l’avenant.

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References   [ + ]

1. Voir en ce sens Laetitia Santoni et Xavier Couton, « Avenant aux concessions d’aménagement « mutabilité versus stabilité », in Construction et Urbanisme n° 12, décembre 2011, étude 14.
2. Article 20 CMP
3. CE avis section des finances du 8 juin 2000 n° 364 803 ; CE avis du 19 avril 2005 n° 371234 : publié au BJCP 2006 p. 105 ; voir également CAA Paris 17 avril 2007 société Kéolis, req. n° 06PA02278.
4. L’arrêt Tarn-et-Garonne ouvre le recours direct contre le contrat à « tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses » (CE 4 avril 2014 Département du Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : publié au Rec. CE.

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