Autoriser l’exploitation publicitaire du domaine public ne répond pas à un besoin d’une personne publique

Catégorie

Contrats publics

Date

January 2015

Temps de lecture

3 minutes

CE 3 décembre 2014 Tisséo, req. n° 384170 : mentionné aux tables du Rec. CE

Le Syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération toulousaine a confié par contrat à l’établissement public industriel et commercial TISSEO la mission de gérer la commercialisation des espaces publicitaires du réseau de transport en commun toulousain. Dans le cadre de cette mission, TISSEO a lancé la procédure de passation d’un marché public ayant pour objet la commercialisation des espaces publicitaires des bus et du métro toulousains. La société Métrobus a obtenu le lot 1 de ce contrat, ce qui a conduit la société Extérion Média, candidate évincée, à introduire un référé précontractuel à l’encontre de la procédure de publicité conduite. Le tribunal a fait droit à la demande d’annulation.

Saisi par deux pourvois exercés par TISSEO et par la société Métrobus, le Conseil d’Etat censure l’ordonnance rendue au motif que le marché ainsi lancé par TISSEO constituait en réalité une simple convention d’occupation du domaine public, et partant, le référé précontractuel n’est pas ouvert à l’encontre de sa procédure de passation 1) L’article L. 551-1 du code de justice administrative réserve ce recours « au manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public »

En effet, pour le Conseil d’Etat, le contrat en cause n’a pas pour objet de répondre aux besoins de l’établissement public TISSEO, quand bien même celui-ci aurait été chargé de l’exploitation commerciale des supports publicitaires du réseau. Selon l’analyse du Conseil d’Etat, le contrat a uniquement pour objet d’autoriser l’exercice sur le domaine public d’une activité de régie publicitaire, exploitée librement par le cocontractant qui choisit lui-même les annonceurs, le développement des supports publicitaires, et qui perçoit seul les revenus correspondants. Et ne dément pas cette analyse la clause qui oblige Métrobus à réserver à TISSEO le bénéfice de supports publicitaires plusieurs semaines par an, puisqu’il s’agit seulement de définir l’étendue concrète de l’activité d’exploitation autorisée, et non pas de répondre à un besoin de l’établissement public.
Une telle analyse se situe dans le prolongement direct de l’arrêt relatif aux colonnes Morris parisiennes, qui a considéré que l’exploitation publicitaire de ces supports spécifiques ne répondait pas à un besoin de la personne publique 2) CE 15 mai 2013 Ville de Paris, req. n° 364593, commenté sur notre blog : http://www.adden-leblog.com/?p=4147 .

Elle ne semble cependant pas remettre en cause les arrêts Decaux 3) CE 4 novembre 2005 société J-C Decaux, req. n° 247298 et 247299 : publiés au Rec. CE., puisque les contrats qui ont donné lieu à ces jurisprudences obligeaient le cocontractant, en contrepartie d’un abandon de recettes publicitaires, à fournir du mobilier urbain aux collectivités locales et à entretenir celui-ci : une réponse à un besoin public pouvait être identifiée.
En l’espèce, le cocontractant de TISSEO n’avait pas vocation à fournir les supports publicitaires ou encore des dispositifs d’information ou d’accueil des usagers répondant à un besoin particulier de l’établissement : sa mission était circonscrite à l’exploitation publicitaire d’espaces publics.

Le Conseil d’Etat retient ainsi que le contrat est une convention d’occupation domaine public, et qu’il n’est pas au nombre des contrats visés par l’article L. 551-1 du CJA : partant, le juge du référé précontractuel n’est pas compétent pour connaitre de sa procédure de passation, nonobstant la circonstance que l’établissement public TISSEO se soit lui-même astreint à respecter le code des marchés publics.

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1. L’article L. 551-1 du code de justice administrative réserve ce recours « au manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public »
2. CE 15 mai 2013 Ville de Paris, req. n° 364593, commenté sur notre blog : http://www.adden-leblog.com/?p=4147
3. CE 4 novembre 2005 société J-C Decaux, req. n° 247298 et 247299 : publiés au Rec. CE.

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