Révision d’une carte communale : le dédoublement fonctionnel du préfet est sans incidence sur la légalité de ce document

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 16 février 2022 Association pour la sauvegarde et la salubrité de Faleyras Targon et environs (ASSFALTE), req. n° 437202

Par une délibération du 27 mars 2015, le conseil municipal de Bellebat (Gironde) a décidé de procéder à la révision de sa carte communale. La carte communale révisée a alors été approuvée par une délibération du conseil municipal du 22 février 2016 puis par un arrêté préfectoral du 12 avril 2016.

Après rejet de sa demande d’annulation dirigée contre la délibération et l’arrêté par le tribunal administratif de Bordeaux le 11 octobre 2018 puis par la cour administrative d’appel de Bordeaux le 29 octobre 2019 1)CAA de Bordeaux 29 octobre 2019, req. n° 18BX04259, l’association ASSFALTE se pourvoit en cassation.

1.     Contexte de l’affaire

La transposition en droit interne des directives « Projets » 2)2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et « Programmes » 3)2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement a donné lieu à d’importantes difficultés.

En effet, transposant – selon le terme employé par le rapporteur public Stéphane Hoynck 4)Conclusions S. Hoynck sur CE 16 février 2022 France nature environnement, req. n° 442607 – à la directive « Projets » le raisonnement de la jurisprudence Seaport 5)CJUE 20 octobre 2011 Seaport, C-474-10 relatif à la directive « Programmes », le Conseil d’Etat a affirmé qu’il était possible que l’autorité compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale à la condition toutefois qu’une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette même autorité de manière à assurer l’objectivité de son avis sur le projet concerné 6)CE 6 décembre 2017 France nature environnement, req. n° 400559.

Ce sont alors trois modifications de l’article R. 122-6 du code de l’environnement qui ont été successivement censurées par le Conseil d’Etat pour avoir maintenu le préfet de région comme autorité environnementale et comme autorité compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage sans prévoir dans le même temps une séparation fonctionnelle garantissant l’autonomie et l’objectivité de l’autorité environnementale 7)CE 6 décembre 2017, précité – CE 28 décembre 2017, req. n° 407601 – CE 13 mars 2019, req. n° 414930.

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ainsi que le décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 venant en préciser les dispositions 8)V. commentaire sur notre blog du décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020 ont été l’occasion de mettre un terme à ces difficultés via de nouvelles dispositions relatives à l’évaluation environnementale et notamment grâce à une distinction entre l’autorité chargée de l’examen au cas par cas et l’autorité environnementale.

2.      Solution de l’affaire

L’affaire ici commentée invitait le Conseil d’Etat « à faire le chemin à l’envers » 9)Conclusions S. Hoynck sur CE 16 février 2022 ASSFALTE, req. n° 437202 et en particulier à examiner si ce qu’il avait déjà jugé concernant la directive « Projet » devait également trouver à s’appliquer à la directive « Programmes ».

Suivant les conclusions du rapporteur public, qui avait souligné l’absence de « différence de rédaction notable entre les 2 directives sur cette question » et confirmant ainsi l’arrêt d’appel 10)CAA de Bordeaux 29 octobre 2019, précitée, le Conseil d’Etat reprend la solution précédemment mentionnée pour la directive « Projet » et l’applique ici à la directive « Programmes ». Il juge ainsi que :

« Aucune disposition de cette directive ne fait obstacle à ce que l’autorité chargée de procéder à l’examen au cas par cas soit également l’autorité compétente pour se prononcer sur le plan ou programme, sous la réserve que cette autorité accomplisse les missions résultant de la directive de façon objective et ne se trouve pas dans une position donnant lieu à un conflit d’intérêts, notamment si l’autorité compétente est chargée de l’élaboration du plan ou du programme soumis à autorisation ».

Le Conseil d’Etat considère alors que la circonstance que le préfet doive intervenir pour approuver, à la fin de la procédure, la carte communale révisée par la commune alors qu’il avait au début de cette même procédure, en sa qualité d’autorité compétente pour l’examen au cas par cas 11)Article R. 121-14-1 du code de l’urbanisme alors applicable , dispensé l’élaboration de cette carte d’une évaluation environnementale, ne caractérise pas une méconnaissance des exigences de la directive « Programmes ».

En effet, comme le relevait le rapporteur public dans ses conclusions, l’approbation par le préfet de la carte communale ne suffit pas à faire de lui un co-auteur de ce document. Le dédoublement fonctionnel qui lui permet ainsi de décider, le cas échéant, de dispenser une carte communale d’évaluation environnementale, n’est pas constitutif d’un conflit d’intérêt et est sans incidence sur la légalité de la carte approuvée.

 

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References   [ + ]

1. CAA de Bordeaux 29 octobre 2019, req. n° 18BX04259
2. 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement
3. 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement
4. Conclusions S. Hoynck sur CE 16 février 2022 France nature environnement, req. n° 442607
5. CJUE 20 octobre 2011 Seaport, C-474-10
6. CE 6 décembre 2017 France nature environnement, req. n° 400559
7. CE 6 décembre 2017, précité – CE 28 décembre 2017, req. n° 407601 – CE 13 mars 2019, req. n° 414930
8. V. commentaire sur notre blog du décret n° 2020-844 du 3 juillet 2020
9. Conclusions S. Hoynck sur CE 16 février 2022 ASSFALTE, req. n° 437202
10. CAA de Bordeaux 29 octobre 2019, précitée
11. Article R. 121-14-1 du code de l’urbanisme alors applicable

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