Une autorisation d’urbanisme modificative peut régulariser une illégalité entachant le projet initial à raison de l’évolution des circonstances de fait

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 10 octobre 2022 société Territoires Soixante-Deux, req. n° 451530

Par un arrêt en date du 10 octobre 2022, mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat poursuit la définition des contours de sa jurisprudence en matière de régularisation des autorisations d’urbanisme, en jugeant qu’un permis modificatif peut venir purger une illégalité entachant le projet initial en raison de l’évolution des circonstances de fait.

Le maire d’Etaples-sur-Mer a délivré, par un arrêté du 29 aout 2011, un permis d’aménager un premier secteur de 12 hectares en vue de la création d’un parc d’activités économiques à la société Adevia. A la suite de la réduction du périmètre du projet d’aménagement, le Maire a également délivré un permis d’aménager modificatif, par arrêté du 2 juillet 2018, à la société Territoires Soixante-Deux, venue aux droits de la société Adevia.

Saisi par une association, le tribunal administratif de Lille a annulé les deux arrêtés de permis en date des 29 aout 2011 et 2 juillet 2018 par un jugement du 12 juillet 2019.

La société Territoires Soixante-Deux et la commune d’Etaples-sur-Mer interjettent alors appel devant la cour administrative d’appel de Douai qui, par un arrêt en date du 9 février 2021, rejette l’appel et confirme l’annulation des deux arrêtés de permis.

Le juge d’appel a considéré, après avoir rappelé que la légalité des dispositions d’un permis d’aménager initial ou d’un permis d’aménager modificatif s’apprécie au regard des circonstances de fait et de droit prévalant à la date à laquelle ces décisions ont respectivement été prises, que :

« 13. En l’espèce, le permis d’aménager modificatif n’a pas rapporté le permis initial, n’a eu ni pour objet ni pour effet de modifier la localisation ou la superficie du site d’implantation du projet initial et n’a pas non plus transformé ce projet au regard de la législation particulière au littoral. 14. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du I de l’article L. 146-4 [désormais art. L. 121-8] du code de l’urbanisme est inopérant à l’encontre de l’arrêté du 2 juillet 2018 et doit être apprécié, à l’encontre de l’arrêté du 29 août 2011, au regard des circonstances de fait et de droit qui prévalaient à cette dernière date » 1)CAA de Douai 9 février 2021 société Territoires Soixante-Deux, req n° 19DA01901-19DA02169.

Ainsi, selon elle, le projet ne se trouvait pas, même à la date du permis d’aménager modificatif, en continuité ni d’une agglomération existante ni d’un village, dès lors qu’il n’implantait pas dans une zone déjà urbanisée caractérisée par un nombre et une densité significatifs de constructions.

Les appelantes se pourvoient alors en cassation devant le Conseil d’Etat.

Le Conseil d’Etat devait alors trancher sur le fait de savoir si une autorisation d’urbanisme modificative peut venir régulariser un vice affectant l’autorisation initiale en raison d’un changement dans les circonstances de faits de l’espèce.

Le Conseil d’Etat répond par l’affirmative en annulant l’arrêt de la Cour d’appel administrative de Douai.

Il estime tout d’abord que la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que la légalité de l’autorisation d’urbanisme initiale ne devait s’apprécier qu’au regard des circonstances prévalant à la date de délivrance de cette autorisation.

La régularité du projet ne s’apprécie pas à la date de délivrance du permis initial mais à celle du permis modificatif.

Ainsi, la haute juridiction admet qu’une autorisation d’urbanisme illégale peut être régularisée par une autorisation modificative si la règle méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue « par l’effet d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce ».  Dès lors, « les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’autorisation initiale ».

Or, à la date de délivrance du permis modificatif en date du 2 juillet 2018, la parcelle du projet était située en continuité d’une zone d’aménagement concerté, elle-même en continuité d’une zone urbanisée, de sorte que la densité des constructions était alors assez significative pour remplir les conditions de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme.

La Cour d’appel a donc dénaturé les faits de l’espèce en jugeant que la densité des constructions de la zone n’était pas significative et que le projet ne se trouvait pas en continuité d’une agglomération existante et ce, même à la date du permis modificatif.

S’il avait d’ores et déjà jugé que la régularisation par une autorisation modificative du fait de l’évolution des circonstances de droit était possible 2)Conseil d’État 7 Mars 2018 Mme Bloch, req.  n° 404079, le Conseil d’Etat, par cet arrêt du 10 octobre dernier, élargit encore un peu plus les possibilités de régularisation d’une autorisation d’urbanisme, en admettant désormais que soit prise en compte une évolution des circonstances de fait intervenant entre la date du permis initial et celle du permis modificatif.

 

 

 

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References   [ + ]

1. CAA de Douai 9 février 2021 société Territoires Soixante-Deux, req n° 19DA01901-19DA02169
2. Conseil d’État 7 Mars 2018 Mme Bloch, req.  n° 404079

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