Une décision de sursis à statuer fondée sur la prescription de l’élaboration d’un PLU doit être regardée comme un refus au sens de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

March 2016

Temps de lecture

5 minutes

CE 9 mars 2016 commune de Beaulieu, req. n° 383060 : Publié au Rec. CE

L’annulation par le juge administratif d’un refus de permis de construire n’a pas pour conséquence d’accorder au pétitionnaire le permis de construire sollicité.

L’administration est en effet tenue d’instruire à nouveau la demande du pétitionnaire à la double condition que l’annulation de la décision soit définitive et que le pétitionnaire de la demande de permis de construire confirme sa demande dans les 6 mois suivant la notification qui lui est faite de l’annulation du refus.

Si l’Administration devrait en principe tenir compte des dispositions d’urbanisme en vigueur à la date de sa nouvelle décision, l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme en dispose autrement 1) Art. L. 600-2 C. Urb. : « Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire. »..

En effet, cette disposition a pour objet de figer les règles d’urbanisme en cas de refus illégal d’une autorisation de construire en empêchant un nouveau refus ou une autorisation assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles.

La décision rendue le 9 mars 2016 par le Conseil d’Etat, qui est destinée à être publiée au Recueil, fait application de ces dispositions et vient fournir une jurisprudence encore peu abondante en la matière 2) En dépit de la date à laquelle ces dispositions ont été introduites dans le code de l’urbanisme (Loi n°94-112 du 9 février 1994 – art. 3 JORF 10 février 1994)..

Dans cette affaire, M. A avait déposé une demande de permis de construire le 18 mai 2009 et s’était vu opposé une demande de sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 123-6 du code de l’urbanisme 3) Devenu L. 153-11 C. Urb. Sur le fondement de cette disposition, l’autorité compétente peut opposer un sursis à statuer à compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 111-8, lorsque les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. par un arrêté du maire de Beaulieu en date du 16 juin 2009.

Cette décision avait été annulée par le Tribunal administratif de Montpellier, par un jugement du 16 décembre 2010, au motif que la commune de Beaulieu n’établissait pas qu’à cette date la révision du plan d’occupation des sols (POS) était suffisamment avancée. Les juges du fond avaient donc enjoint à la commune de réexaminer la demande de permis de construire présentée par M. A.

A l’issue de ce réexamen, et dans la mesure où le projet de PLU avait été arrêté par délibération du 12 janvier 2011, le maire de la commune de Beaulieu avait donc à nouveau opposé un sursis à statuer par un arrêté du 14 février 2011, dès lors qu’il ressortait de cette délibération que le projet était de nature à compromettre l’exécution de ce futur plan.

M. A avait alors sollicité du Tribunal administratif de Montpellier l’annulation de cette seconde décision de sursis à statuer auprès, lequel avait rejeté sa demande par un jugement du 10 novembre 2011.

Par un arrêt du 26 mai 2014, la cour administrative d’appel de Marseille a, quant à elle, annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier et l’arrêté du maire de la commune de Beaulieu du 14 février 2011 et a enjoint au maire de procéder à l’instruction de la demande de permis de construire de M. A. dans un délai d’un mois.

C’est à l’encontre de cette décision que la commune de Beaulieu a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat qui a confirmé la décision précitée de la cour.

Tout d’abord, la Haute Juridiction confirme 4) Une telle solution avait déjà été adoptée par le tribunal de Lyon dans un jugement du 26 mai 2009 (TA Lyon 26 mai 2009 Consorts Bernard, req. n° 0700323 : RDI 2009,9/09, p. 496, obs. Soler-Couteaux (P.) ; BJDU 2010, p. 79, chron. Carpentier). qu’une décision de sursis à statuer fondée sur la prescription de l’élaboration d’un PLU doit être regardée comme un refus au sens de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme 5) Considérant 4 : « Considérant, toutefois, qu’aux termes de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme :Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire ” ; que doit être regardée comme un refus, au sens de ces dernières dispositions, une décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l’article L. 123-6 du même code ;».
.

Elle en déduit ensuite qu’une demande d’autorisation ne peut, à la suite de l’annulation de la décision de sursis à statuer dont elle a fait l’objet, donner lieu à un nouveau sursis à statuer sur le fondement d’une délibération arrêtant le projet de PLU intervenue postérieurement à la décision initiale de sursis ayant été annulée :

    « Considérant que ces dispositions [L. 600-2] faisaient obstacle à ce que la demande de permis de construire de M. A…fasse, à l’issue de son réexamen ordonné par le jugement du 16 décembre 2010 et intervenu postérieurement à la confirmation par M. A de sa demande, l’objet d’une nouvelle décision de sursis à statuer sur le fondement de la délibération du conseil municipal du 12 janvier 2011 arrêtant le projet de plan local d’urbanisme de la commune, qui n’est intervenue que postérieurement à la décision de sursis annulée ; (…) »

En d’autres termes, dans le cadre du réexamen d’une demande d’autorisation d’urbanisme, l’autorité compétente ne peut se fonder que sur les dispositions d’urbanisme en vigueur à la date du premier refus opposé illégalement au pétitionnaire, étant précisé que pour le Conseil d’Etat la délibération prescrivant l’élaboration du PLU constitue une « disposition d’urbanisme » au sens de l’article L. 600-2 précité.

Le Conseil d’Etat juge enfin que c’est à bon droit que la cour administrative d’appel de Marseille a statué sur les conclusions à fin d’injonction présentées par M.A. Ainsi, sous réserve que celui-ci confirme sa demande de permis de construire dans les six mois suivant la notification qui lui serait faite de l’annulation définitive de la décision de sursis attaquée, les dispositions de l’article L. 600-2 seraient applicables à la nouvelle instruction de cette demande.

En d’autres termes, dans l’hypothèse où M. A confirmerait sa demande de permis de construire dans les six mois de la notification de la décision, objet du présent commentaire, la commune de Beaulieu devrait instruire la demande de permis de construire déposée par M. A le 18 mai 2009 sur le fondement des dispositions en vigueur à la date du 16 juin 2009, date du premier refus opposé illégalement à sa demande.

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1. Art. L. 600-2 C. Urb. : « Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire. ».
2. En dépit de la date à laquelle ces dispositions ont été introduites dans le code de l’urbanisme (Loi n°94-112 du 9 février 1994 – art. 3 JORF 10 février 1994).
3. Devenu L. 153-11 C. Urb. Sur le fondement de cette disposition, l’autorité compétente peut opposer un sursis à statuer à compter de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, dans les conditions et délai prévus à l’article L. 111-8, lorsque les demandes d’autorisation concernant des constructions, installations ou opérations seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan.
4. Une telle solution avait déjà été adoptée par le tribunal de Lyon dans un jugement du 26 mai 2009 (TA Lyon 26 mai 2009 Consorts Bernard, req. n° 0700323 : RDI 2009,9/09, p. 496, obs. Soler-Couteaux (P.) ; BJDU 2010, p. 79, chron. Carpentier).
5. Considérant 4 : « Considérant, toutefois, qu’aux termes de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme :Lorsqu’un refus opposé à une demande d’autorisation d’occuper ou d’utiliser le sol ou l’opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande d’autorisation ou la déclaration confirmée par l’intéressé ne peut faire l’objet d’un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la date d’intervention de la décision annulée sous réserve que l’annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l’annulation au pétitionnaire ” ; que doit être regardée comme un refus, au sens de ces dernières dispositions, une décision de sursis à statuer prise sur le fondement de l’article L. 123-6 du même code ;».

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