Le coworking reste du bureau au sens de l’article 231 ter du CGI applicable en matière de taxe annuelle bureau et de taxe pour la création de bureau même s’il propose des services commerciaux accessoires !

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

April 2024

Temps de lecture

4 minutes

CAA Paris 15 mars 2024, n° 23PA00132

Dans un arrêt du 15 mars 2024, la Cour administrative d’appel de Paris est revenue sur un jugement du Tribunal administratif de Paris rendu le 29 novembre 2022 (n° 2113114) qui avait, pour rappel, considéré les espaces de coworking comme des locaux commerciaux au sens de l’article 231 ter du Code général des impôts applicable en matière de taxe annuelle bureau et de taxe pour la création de bureau.

Pour exclure la qualification de bureau pour les espaces de coworking, le Tribunal s’était fondé sur les éléments suivants :

  • l’activité de la société exploitante qui comprenait outre la mise à disposition d’espaces de travail, la fourniture d’un ensemble de prestations (salles de réunion, internet, restaurant, espaces de détente et de convivialité, cours de yoga, « espaces projets informels », etc.) ;
  • les liens contractuels : les clients souscrivaient des contrats de prestations de services conclus pour des durées variables et les tarifs, fixés de manière forfaitaire, dépendaient des formules choisies ;
  • l’accès aux locaux : le public intéressé pouvait directement se rendre dans les locaux, dont la façade était coiffée d’une enseigne commerciale, pour les visiter, obtenir un devis ou souscrire sur place aux offres proposées 1)Dans un jugement du 26 septembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a d’ailleurs confirmé cette interprétation de l’article 231 ter du CGI (TA Paris 26 septembre 2023, n° 2127253)..

Le Tribunal semblait s’inspirer dans son jugement de la solution dégagée par le Conseil d’Etat dans un arrêt relatif à des locaux de bureaux donnés en location à un opérateur qui les mettaient à disposition à des tiers et dont la location était accompagnée de diverses prestations associées et notamment de celles de salles de conférence, accueil et service de restauration. Les juges du Palais-Royal avaient alors considéré que ces locaux devaient être regardés comme étant des « locaux commerciaux » au sens de la taxe annuelle 2)CE 24 avril 2019, req n° 417792..

Toutefois, la Cour administrative d’appel de Paris est finalement venue censurer la décision du Tribunal administratif en considérant que les locaux litigieux devaient être en l’espèce qualifiés de locaux de bureaux, et non de locaux commerciaux, pour les besoins de la taxe annuelle bureau.

Les juges ont en effet considéré que (i) ni le descriptif des prestations offertes sur le site internet de la société, (ii) ni les contrats conclus avec ses clients, (iii) ni l’accessibilité des lieux aux clients souhaitant visiter et solliciter des devis ne permettaient d’apporter la preuve de l’importance quantitative de telles prestations et donc d’établir qu’elles revêtiraient autre chose qu’un caractère accessoire à l’activité principale, de fourniture de bureaux, exercée par la société Deskopolitan :

« 9. Il résulte de l’instruction que la société Deskopolitan exerce, au sein des locaux qu’elle a pris à bail à la société Deskodine, une activité consistant à mettre à disposition des espaces de travail à des clients auxquels elle fournit différentes prestations de services additionnelles. A ce titre, la société Deskodine soutient que l’activité de la société Deskopolitan consiste non uniquement à mettre à la disposition de ses clients des locaux à usage de bureaux, mais à fournir des services de type hôtelier, tels notamment un service d’accueil et de conciergerie, de standard et de réception du courrier, l’accès à un service ” communauté “, incluant une cuisine commune et un réseau social interne, l’accès à des évènements sociaux et professionnels, ainsi qu’à des services de bien-être, tels des cours de yoga. Toutefois, la description sur le site internet de la société des prestations offertes à la clientèle, la production du contrat de prestations de service conclu avec les clients ainsi que des conditions générales de vente ne permettent pas de rapporter la preuve de l’importance quantitative de telles prestations et d’établir qu’elles revêtiraient autre chose qu’un caractère accessoire à l’activité principale de la société Deskopolitan consistant à fournir à ses clients des locaux à usage de bureaux. Par ailleurs, la seule circonstance que les potentiels clients de la société Deskopolitan puissent se rendre dans les locaux pour les visiter et obtenir un devis en vue de la souscription d’une offre pour l’une des prestations de ” coworking ” commercialisées n’est pas de nature à changer la qualification des locaux de bureaux mis à disposition de sa clientèle. Dans ces conditions le ministre de l’économie et des finances est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont considéré que les locaux concernés devaient être regardés comme des locaux commerciaux ouvrant droit à l’exonération prévue par le 3° du V de l’article 231 ter du code général des impôts dès lors que leur surface est inférieure à 2 500 m² ».

Selon la Cour, un espace de coworking ne doit donc être regardé comme un local commercial, et non de bureaux, au sens de l’article 231 ter du CGI que si les prestations de service proposées en sus de la fourniture de bureaux sont d’une quantité telle qu’elles ne revêtent pas qu’un simple accessoire à cette activité principale (le juge regardant notamment la quantité d’activités proposées pour apprécier l’existence d’un tel lien accessoire).

En l’absence de preuve concrète de l’importance des prestations autres que la fourniture de bureaux (sur le site internet de la société ou dans les contrats de prestations de service ou les conditions générales de vente), l’espace de coworking doit donc, selon les juges d’appel, être regardé comme à usage de bureaux pour le calcul de la taxe annuelle bureau (et donc a fortiori pour la taxe pour la création de bureau qui repose également sur l’article 231 ter du CGI).

Reste à voir si cette décision d’appel fera l’objet d’un pourvoi en cassation… A suivre donc !

 

Partager cet article

References   [ + ]

1. Dans un jugement du 26 septembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a d’ailleurs confirmé cette interprétation de l’article 231 ter du CGI (TA Paris 26 septembre 2023, n° 2127253).
2. CE 24 avril 2019, req n° 417792.

3 articles susceptibles de vous intéresser