Une demande de pièces complémentaires non exigées par le code de l’urbanisme ne prolonge pas le délai d’instruction et ne fait pas obstacle à la naissance d’un permis tacite ou d’une décision implicite de non opposition à déclaration préalable

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

December 2022

Temps de lecture

3 minutes

CE 9 décembre 2022 Commune de Saint Herbain, req. n° 454521, publié au Rec. CE

Par une décision publiée au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient de prendre une importante décision en matière d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme.

Pour rappel, à compter du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme, l’administration dispose d’un délai d’un mois pour solliciter les pièces exigées en application du code de l’urbanisme qu’elle estime manquante du dossier de demande 1)Art. R. 423-38 du code de l’urbanisme.. En l’absence d’une telle demande, le dossier est réputé complet un mois après le dépôt initial de la demande 2)Art. R. 423-22 du code de l’urbanisme..

Conformément à l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme, le pétitionnaire dispose alors d’un délai de trois mois pour produire la ou les pièces demandées, faute de quoi sa demande sera implicitement rejetée.

Le délai d’instruction commence alors à courir dès réception des pièces manquantes dans le délai imparti. Sauf exceptions prévues par les textes, le délai d’instruction est d’un mois pour une déclaration préalable et de deux ou trois mois pour les permis de construire 3)Art. R. 423-23 du code de l’urbanisme.. L’absence de réponse à l’issue de ce délai vaut décision implicite d’acceptation de la demande 4)Art. R. 424-1 du code de l’urbanisme..

En l’espèce, la société Télédiffusion de France avait déposé en juillet 2020 une déclaration préalable de travaux en vue de la construction d’une station de radiotéléphonie sur le territoire de la commune de Saint-Herblain (44).

L’administration, dans le délai d’un mois suivant le dépôt de la demande, avait sollicité du pétitionnaire la production d’une pièce supplémentaire non prévue par le code de l’urbanisme, à savoir une simulation de l’exposition aux ondes émises par l’installation projetée.

En l’occurrence, la société TDF avait produit le document demandé dans le délai de trois mois suite à quoi le maire de Saint Herblain s’était opposé à sa demande, par arrêté du 1er décembre 2020, sur le fondement de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme.

La société pétitionnaire a alors sollicité la suspension de la décision d’opposition devant le tribunal administratif de Nantes au motif que la demande de pièce n’avait pas eu pour effet de prolonger le délai d’instruction et que, par conséquent, cette dernière était bénéficiaire d’une décision de non opposition implicite. Qu’ainsi la décision d’opposition était entachée d’illégalité en tant qu’elle constituait une décision de retrait illégale du fait, d’une part, de l’absence d’une procédure contradictoire et, d’autre part, du retrait d’une décision créatrice de droit légale.

Le Conseil d’Etat devait donc déterminer si la demande de pièces de la ville avait eu pour effet de prolonger le délai d’instruction et donc de faire obstacle à la naissance d’une décision implicite de non opposition.

Les juges du Palais Royal tranchent la question en considérant que le délai d’instruction n’est ni interrompu, ni modifié par une demande, illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n’est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l’urbanisme. Dans ce cas, une décision de non-opposition à déclaration préalable ou un permis tacite naît à l’expiration du délai d’instruction, sans qu’une telle demande puisse y faire obstacle.

Par cette décision le Conseil d’Etat abandonne sa jurisprudence de 2015 sur les demandes de pièces illégales.

En effet dans un premier temps, en avril 2015, dans une décision Madame V, le Conseil d’Etat avait admis la recevabilité d’un recours en annulation contre la demande de pièces complémentaires considérant qu’il s’agissait d’une décision administrative faisant grief dès lors que cette dernière a pour effet de faire basculer l’instruction d’un régime d’acceptation tacite à un régime d’opposition tacite. L’arrêt précisait également que l’annulation contentieuse de la demande illégale ne rendait pas le pétitionnaire titulaire d’une décision tacite favorable, qui naîtrait rétroactivement au motif que la demande de pièces serait réputée ne jamais avoir existé 5)CE 8 avril 2015 Mme V, req. n° 365804, mentionné aux Tables du Rec. CE..

Dans un second temps, en décembre 2015, dans une décision Commune d’Asnière-sur-Nouère, s’agissant là encore d’un recours contre la demande de pièces complémentaires, les juges du Palais Royal avaient précisé qu’une demande de pièces manquantes permettait de faire obstacle à la naissance d’une décision implicite de non opposition, sous réserve d’être exercée dans le délai d’un mois et de porter sur l’une des pièces énumérées par le code de l’urbanisme. Néanmoins, la décision précisait que si la demande illégale entachait d’illégalité la décision d’opposition rendue, elle ne conférait pas pour autant au pétitionnaire le bénéfice d’une acceptation tacite 6)CE 9 décembre 2015 Commune d’Asnière-sur-Nouère, req. n°390273, mentionné aux Tables du Rec. CE..

Désormais, seule une demande de pièces complémentaires formulée dans le délai d’un mois et portant sur des pièces exigées par le code de l’urbanisme permet de prolonger le délai d’instruction et donc de faire obstacle à la naissance d’une décision implicite d’acceptation.

 

 

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References   [ + ]

1. Art. R. 423-38 du code de l’urbanisme.
2. Art. R. 423-22 du code de l’urbanisme.
3. Art. R. 423-23 du code de l’urbanisme.
4. Art. R. 424-1 du code de l’urbanisme.
5. CE 8 avril 2015 Mme V, req. n° 365804, mentionné aux Tables du Rec. CE.
6. CE 9 décembre 2015 Commune d’Asnière-sur-Nouère, req. n°390273, mentionné aux Tables du Rec. CE.

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