Précision sur la légalité d’une déclaration préalable précédée par une demande de pièces complémentaires illégale

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

November 2019

Temps de lecture

4 minutes

CE 13 novembre 2019, req. n° 419067: mentionné dans les tables du recueil Lebon

1           Contexte

Par un arrêté du 26 août 2013, le maire de l’Ile de d’Yeu s’est opposé à la déclaration préalable de travaux pour la réfection d’un bâtiment à hangar de M. A..

M.A. a demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler cet arrêté.

Par un jugement du 15 mai 2016, le tribunal a fait droit à sa demande.

La commune de l’Ile de d’Yeu a interjeté appel de cette décision.

Par un arrêt n° 16NT01496, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande de M. A.

M. A s’est pourvu en cassation contre cet arrêt.

2          La décision du Conseil d’État

Le Conseil d’État a entendu préciser les motifs pouvant être retenus par un maire pour s’opposer à une déclaration préalable lorsque ce dernier a effectué une demande de pièces complémentaires illégales.

2.1      En premier lieu, le Conseil d’État reprend le considérant de principe de sa décision Commune d’Asnières-sur-Nouère 1)CE 9 décembre 2015, Commune d’Asnières-sur-Nouère, req. n° 390273 : mentionné dans les tables du recueil Lebon. de 2015 sur la question des décisions tacites d’opposition à déclaration préalable précédées par une demande de pièces complémentaires illégales à laquelle le pétitionnaire n’a pas répondu :

« 5. Il résulte de ces dispositions qu’une décision de non-opposition à déclaration préalable naît un mois après le dépôt de celle-ci, en l’absence de notification expresse de l’administration ou d’une demande de pièces complémentaires. En cas de demande de pièces complémentaires, ce délai est interrompu, à la condition toutefois que cette demande intervienne dans le délai d’un mois et qu’elle porte sur l’une des pièces limitativement énumérées par le code de l’urbanisme. Si cette demande de pièces complémentaires tend à la production d’une pièce qui ne peut être requise, elle est de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition prise en application de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme, sans que cette illégalité ait pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition. »

Comme le rappelle le Conseil d’Etat, une décision de non-opposition à déclaration préalable nait soit de manière expresse par la notification d’une décision favorable soit tacitement un mois après le dépôt de celle-ci (R. 423-23 c. urb.). Toutefois, l’administration peut interrompre ce délai en adressant une demande de pièces complémentaires au pétitionnaire dans ce délai d’un mois (R. 423-22 c. urb.). Dans une telle hypothèse, ce dernier dispose de 3 mois pour fournir les pièces demandées, à défaut une décision tacite d’opposition à déclaration préalable naitra (R. 423-39 c. urb.).

Il résulte de la jurisprudence antérieure que la demande de pièces complémentaires est une décision faisant grief 2)CE 8 avril 2015, Mme Verrier, req. n° 365804, mentionné dans les tables du recueil Lebon.. L’illégalité ou a fortiori l’annulation contentieuse d’une telle décision ne saurait entrainer la délivrance d’une décision de non-opposition tacite à l’expiration du délai d’instruction de la demande 3)CE 9 décembre 2015, Commune d’Asnières-sur-Nouère, req. n° 390273, mentionné dans les tables du recueil Lebon et CE 8 avril 2015, Mme Verrier, req. n° 365804, mentionné dans les tables du recueil Lebon..

En outre, si l’annulation contentieuse d’une demande de pièces complémentaires entraine l’illégalité de la décision tacite d’opposition à déclaration préalable née à l’issu du délai de 3 mois lorsque le requérant a introduit des conclusions en ce sens, elle ne fait pas naitre une décision de non-opposition.

Pour être légale, les demandes de pièces complémentaires doivent faire partie des pièces limitativement listées par le code de l’urbanisme 4)CE 9 décembre 2015, Commune d’Asnières-sur-Nouère, req. n° 390273, mentionné dans les tables du recueil Lebon..

2.2      En second lieu, le Conseil d’État complète cette jurisprudence en y ajoutant le cas où le pétitionnaire a répondu à la demande de pièces complémentaires illégale. Comme il l’indique :

« Dans le cas où le pétitionnaire, en réponse à la demande de pièces complémentaires, a fourni une pièce qui a été indûment demandée car ne figurant pas sur la liste limitative des pièces prévue par les dispositions (…) du code de l’urbanisme (…), cette irrégularité n’est pas, par elle-même, de nature à entraîner l’illégalité de la décision de l’autorité administrative refusant de faire droit à la demande d’autorisation. Toutefois, l’autorisation d’urbanisme n’ayant d’autre objet que d’autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire et l’autorité administrative n’ayant, par suite, pas à vérifier l’exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance de son projet à moins qu’elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les dispositions précitées, l’administration ne peut légalement refuser l’autorisation demandée en se fondant sur la consistance du projet au vu d’une pièce ne relevant pas de cette liste limitative. »

Dès lors, contrairement aux décisions tacites d’opposition à déclaration préalable, les décisions expresses d’opposition à déclaration préalable précédées par une demande de pièces complémentaires irrégulière ne sont pas automatiquement illégales. Elles le seront seulement si l’administration motive son refus sur une des pièces complémentaires illégalement sollicitées.

En l’espèce, le maire avait demandé au requérant de lui transmettre une notice de présentation des matériaux utilisés et un dossier d’évaluation des incidences du projet sur un site Natura 2000. Ce dernier s’était ensuite opposé à la déclaration préalable en estimant que les travaux étaient soumis au régime du permis de construire.

Le Conseil d’État, sans statuer sur la légalité des pièces demandées, retient que ce refus n’était pas fondé sur la consistance du projet au vu d’une de ces deux pièces. Il confirme ainsi la décision de la cour administrative d’appel de Nantes rejetant les moyens tirés de ce que les pièces complémentaires en cause auraient été demandées illégalement.

En conséquence, le pourvoi formé par M. A. est rejeté.

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