La loi relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement adoptée le 27 décembre 2012

Catégorie

Environnement

Date

March 2013

Temps de lecture

8 minutes

On le sait, en vertu de l’article 7 de la Charte de l’Environnement, qui a valeur constitutionnelle, toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement.

Jusqu’à l’adoption de la loi n°2012-1460 du 27 décembre 2012, objet du présent commentaire, ce principe était traduit de manière générale à l’article L. 120-1 du code de l’environnement, ainsi que de manière ponctuelle, dans des dispositifs spécifiques de participation du public (élaboration de documents d’urbanisme, installations classées pour la protection de l’environnement).’

Toutefois, suite à sa saisine dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a prononcé la non-conformité à la Constitution de quatre dispositifs de participation spécifiques prévus dans le code de l’environnement 1) Décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 : Dans cette décision, le Conseil a déclaré contraires à la Constitution le second alinéa de l’article L. 511-2 et le III de l’article L. 512-7 du code de l’environnement. Ces articles portaient sur la procédure à suivre en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Le Conseil constitutionnel a considéré que les décrets de nomenclature mentionnés à l’article L. 511-2 et les projets de prescriptions générales visés à l’article L. 512-7 sont des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte. Or, le dispositif se bornait à prévoir une publication des projets de texte avant leur transmission au Conseil supérieur des installations classées. Le Conseil a estimé que dans ces conditions, le principe de participation du public n’était pas respecté. L’abrogation devait prendre effet au 1er janvier 2013.
Décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 – Cette décision faisait suite à une QPC portant sur le dernier alinéa de l’article L. 512-5 du code de l’environnement, qui prévoyait que les projets de règles et prescriptions techniques applicables aux ICPE soumises à autorisation faisaient l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Le Conseil constitutionnel a considéré qu’il s’agissait là de décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, telles que visées par l’article 7 de la Charte, et a déclaré contraire à la Constitution l’alinéa attaqué, pour non respect de l’article 7. L’abrogation devait prendre effet au 1er janvier 2013
Décision n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012 – Cette décision portait sur l’article L. 411-2 4° du code de l’environnement. Le texte concernait l’interdiction de toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, et de toute destruction, altération ou dégradation de leur milieu lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation. Il renvoyait à un décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles des dérogations étaient délivrées. Le Conseil a estimé que ces décisions avaient une incidence sur l’environnement. Il a rappelé que le législateur peut définir des modalités de participation du public différentes en fonction des actes concernés, mais qu’en l’espèce aucune disposition n’assurait la mise en œuvre de ce principe. Le législateur a donc méconnu l’étendue de sa compétence en adoptant ces dispositions sans prévoir de procédure de participation du public adaptée. La censure de ces dispositions devait prendre effet au 1er septembre 2013.
Décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012 – Cette décision portait sur l’article L. 211-3 II 5° du code de l’environnement, qui renvoyait à des décrets le soin de déterminer notamment les conditions dans lesquelles l’autorité administrative délimite des zones de protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable et des zones d’érosion et la manière selon laquelle elle établit des programmes d’action dans ces zones. Le Conseil a estimé que ces décisions sont bien des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Il s’agit de décisions d’espèce, c’est-à-dire ni des décisions individuelles, ni des décisions réglementaires. Le Conseil a considéré que l’article L. 120-1 du code de l’environnement ne leur était pas applicable. De ce fait, ni les dispositions contestées, ni l’article L. 120-1 ne permettaient d’assurer la mise en œuvre du principe de participation du public. L’abrogation du 5° du III de l’article L. 211-3 devait prendre effet au 1er janvier 2013.
, lesquels présentaient, pour la plupart, de fortes similitudes avec le dispositif de l’article L. 120-1.

D’ailleurs, suite à la rédaction du projet de loi et à sa mise en ligne pour consultation du public, le Conseil Constitutionnel a censuré l’article L. 120-1 du code de l’environnement en considérant que « (…) les dispositions de l’article L. 120-1 relatives aux modalités générales de participation du public limitent celle-ci aux seules décisions réglementaires de l’État et de ses établissements publics ; qu’aucune autre disposition législative générale n’assure, en l’absence de dispositions particulières, la mise en œuvre de ce principe à l’égard de leurs décisions non réglementaires qui peuvent avoir une incidence directe et significative sur l’environnement ; que, par suite, le législateur a privé de garanties légales l’exigence constitutionnelle prévue par l’article 7 de la Charte de l’environnement » 3) Décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012..

L’abrogation des dispositions concernées étant prévue, selon les cas, au 1er janvier 2013 ou au 1er septembre 2013, le législateur a entendu tirer les conséquences de la jurisprudence constitutionnelle et mettre en conformité le code de l’environnement avec l’article 7 de la Charte de l’environnement.

C’est ainsi que la loi n° 2012-1460 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’Environnement a été adoptée le 27 décembre 2012.

Ses principaux apports sont les suivants :

Les compléments apportés à l’article L. 110-1 du code de l’environnement

Le législateur a complété la liste des grands principes régissant le droit de l’environnement.

Ainsi, à côté du principe de précaution, du principe de prévention et du principe pollueur-payeur, s’ajoutent désormais :

– le principe selon lequel « toute personne a le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques » ;

– le principe de participation en vertu duquel « toute personne est informée des projets de décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement dans des conditions lui permettant de formuler ses observations, qui sont prises en considération par l’autorité compétente ».

Précisons que cette disposition est entrée en vigueur le 28 décembre 2012, date de publication de la loi au Journal Officiel.

La réécriture intégrale de l’article L. 120-1 du code de l’environnement : le nouveau dispositif de consultation et de participation du public

L’élargissement du champ d’application du dispositif<strong >

Désormais, sont soumises à la procédure de consultation et de participation du public l’ensemble des décisions, autres qu’individuelles, des autorités de l’Etat, y compris les autorités administratives indépendantes, et de ses établissements publics ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration.

Ce faisant, le législateur a étendu le champ d’application du dispositif, limité jusqu’à présent aux seules décisions réglementaires de l’État, et de ses établissements publics. Il a en outre supprimé le critère d’incidence « directe et significative » sur l’environnement puisqu’il suffit dorénavant que la décision ait une incidence sur l’environnement pour qu’elle soit soumise au principe de participation du public.

Consulter le champ d’application avant / après

Les décisions faisant l’objet d’une consultation du public peuvent être consultées à l’adresse suivante : http://www.vie-publique.fr/spip.php?page=debatsfiltres&motdebat=5205

Le renforcement des obligations des autorités publiques en termes de procédure de participation et de consultation du public

S’agissant de la procédure à mettre en œuvre, le législateur a renforcé les obligations pesant sur les autorités publiques.

1. Sauf cas particulier, le projet de décision, accompagné d’une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet est mis à disposition du public par voie électronique. Etant précisé que le public est informé, par voie électronique, des modalités de consultation retenues, au plus tard à la date de la mise à disposition.

2. A compter de la mise à disposition du projet de décision et de la note de présentation, les observations du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l’autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à 21 jours.

3. Le projet de décision ne peut être définitivement adopté avant l’expiration d’un délai minimum de 4 jours à compter de la date de la clôture de la consultation. Ce délai, qui peut être réduit en cas d’absence d’observations du public, permet de prendre en considération les observations déposées par le public et d’en rédiger une synthèse.

Précisons que les observations du public seront accessibles à tous, d’abord à titre expérimental, puis de manière généralisée, dans les mêmes conditions que le projet de décision.

En effet, à compter du 1er avril 2013 et pour une durée de 18 mois, soit jusqu’au 1er octobre 2014, dans le cadre des consultations organisées sur certains projets de décrets et d’arrêtés ministériels 2) Un décret déterminera les domaines dans lesquels les projets de décrets et d’arrêtés ministériels seront soumis à l’expérimentation. :

• Les observations du public formulées par voie électronique seront rendues accessibles au fur et à mesure de leur réception et maintenues à disposition du public pendant la même durée que la synthèse des observations du public (soit pour une durée minimale de 3 mois) ;
• La rédaction de cette synthèse est confiée à une personnalité qualifiée, désignée par la Commission nationale du débat public 4) Le décret susvisé précisera également les modalités de désignation et de rémunération de la personnalité qualifiée et les conditions auxquelles celle-ci doit satisfaire en vue notamment d’assurer son impartialité..

4. En cas de consultation d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause, lorsque celle-ci est obligatoire et intervient après la consultation du public, la synthèse des observations du public lui est transmise préalablement à son avis.

5. Au plus tard à la date de la publication de la décision et pendant une durée minimale de trois mois, l’autorité administrative qui a pris la décision rend publics, par voie électronique, la synthèse des observations du public ainsi que, dans un document séparé, les motifs de la décision. La synthèse des observations indique les observations du public dont il a été tenu compte.

Notons que le législateur impose ici une obligation de motivation des actes réglementaires.

Dérogations – exceptions à la mise en œuvre de la procédure de consultation et de participation du public

Cette procédure de participation du public peut ne pas être mise en œuvre lorsque l’urgence justifiée par la protection de l’environnement, de la santé publique ou de l’ordre public ne permet pas l’organisation d’une telle procédure.

Les délais de consultation peuvent également être réduits lorsque cette urgence, sans rendre impossible la participation du public, le justifie.

Par ailleurs, les modalités de la participation du public peuvent être adaptées en vue de protéger les intérêts mentionnés au I de l’article L. 124-4 du code de l’environnement.
Entrée en vigueur du dispositif

Précisons que ce nouveau dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2013 à l’exception des décisions publiques pour lesquelles une consultation du public avait été engagée avant le 1er janvier 2013 sur le fondement de l’article L. 120-1 du code de l’environnement.

Création du Conseil national de la transition écologique (CNTE)

Cet organisme a vocation à remplacer le Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement 5) La composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national de la transition écologique, notamment, seront précisées par décret..

Présidé par le ministre chargé de l’écologie ou son représentant, le CNTE sera consulté sur :

– Les projets de loi concernant, à titre principal, l’environnement ou l’énergie ;
– Les stratégies nationales relatives au développement durable, à la biodiversité et au développement de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises.

Il pourra en outre se saisir de toute question d’intérêt national concernant la transition écologique et le développement durable ou ayant un impact sur ceux-ci.

Ses avis seront mis à la disposition du public par voie électronique et seront transmis par voie électronique au Parlement, au Conseil économique, social et environnemental, aux conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux ainsi qu’aux organismes intéressés par la transition écologique.

Autres modifications du code de l’environnement

Par ailleurs, prenant acte des différentes jurisprudences constitutionnelles précitées, le législateur a modifié plusieurs dispositions du code de l’environnement 6) Les articles L. 512-9 et L. 512-10 du code de l’environnement
Le deuxième alinéa de l’article L. 555-3 du code de l’environnement
Le I de l’article L. 555-6 du code de l’environnement
Le second alinéa du VII de l’article L. 562-1 du code de l’environnement
Le 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement
L’article L. 371-3 du code de l’environnement
L’article L. 914-3 du code rural et de la pêche maritime
et une disposition du code rural et de la pêche maritime.

Habilitation législative

Enfin, la loi a habilité le gouvernement à prendre par ordonnance, avant le 1er septembre 2013, les dispositions ayant notamment pour objet :
– De créer des procédures organisant la participation du public à l’élaboration de ces décisions ;
– De modifier ou supprimer les procédures particulières de participation du public à l’élaboration de ces décisions lorsqu’elles ne sont pas conformes à l’article 7 de la Charte de l’Environnement ;
– De définir les conditions auxquelles les décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement prises conformément à un acte ayant donné lieu à participation du public peuvent, le cas échéant, n’être pas elles-mêmes soumises à participation du public.

A suivre …

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References   [ + ]

1. Décision n° 2011-183/184 QPC du 14 octobre 2011 : Dans cette décision, le Conseil a déclaré contraires à la Constitution le second alinéa de l’article L. 511-2 et le III de l’article L. 512-7 du code de l’environnement. Ces articles portaient sur la procédure à suivre en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Le Conseil constitutionnel a considéré que les décrets de nomenclature mentionnés à l’article L. 511-2 et les projets de prescriptions générales visés à l’article L. 512-7 sont des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement au sens de l’article 7 de la Charte. Or, le dispositif se bornait à prévoir une publication des projets de texte avant leur transmission au Conseil supérieur des installations classées. Le Conseil a estimé que dans ces conditions, le principe de participation du public n’était pas respecté. L’abrogation devait prendre effet au 1er janvier 2013.
Décision n° 2012-262 QPC du 13 juillet 2012 – Cette décision faisait suite à une QPC portant sur le dernier alinéa de l’article L. 512-5 du code de l’environnement, qui prévoyait que les projets de règles et prescriptions techniques applicables aux ICPE soumises à autorisation faisaient l’objet d’une publication, éventuellement par voie électronique, avant leur transmission au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques. Le Conseil constitutionnel a considéré qu’il s’agissait là de décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, telles que visées par l’article 7 de la Charte, et a déclaré contraire à la Constitution l’alinéa attaqué, pour non respect de l’article 7. L’abrogation devait prendre effet au 1er janvier 2013
Décision n° 2012-269 QPC du 27 juillet 2012 – Cette décision portait sur l’article L. 411-2 4° du code de l’environnement. Le texte concernait l’interdiction de toute atteinte aux espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées, et de toute destruction, altération ou dégradation de leur milieu lorsqu’un intérêt scientifique particulier ou les nécessités de la préservation du patrimoine biologique justifient leur conservation. Il renvoyait à un décret le soin de fixer les conditions dans lesquelles des dérogations étaient délivrées. Le Conseil a estimé que ces décisions avaient une incidence sur l’environnement. Il a rappelé que le législateur peut définir des modalités de participation du public différentes en fonction des actes concernés, mais qu’en l’espèce aucune disposition n’assurait la mise en œuvre de ce principe. Le législateur a donc méconnu l’étendue de sa compétence en adoptant ces dispositions sans prévoir de procédure de participation du public adaptée. La censure de ces dispositions devait prendre effet au 1er septembre 2013.
Décision n° 2012-270 QPC du 27 juillet 2012 – Cette décision portait sur l’article L. 211-3 II 5° du code de l’environnement, qui renvoyait à des décrets le soin de déterminer notamment les conditions dans lesquelles l’autorité administrative délimite des zones de protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable et des zones d’érosion et la manière selon laquelle elle établit des programmes d’action dans ces zones. Le Conseil a estimé que ces décisions sont bien des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Il s’agit de décisions d’espèce, c’est-à-dire ni des décisions individuelles, ni des décisions réglementaires. Le Conseil a considéré que l’article L. 120-1 du code de l’environnement ne leur était pas applicable. De ce fait, ni les dispositions contestées, ni l’article L. 120-1 ne permettaient d’assurer la mise en œuvre du principe de participation du public. L’abrogation du 5° du III de l’article L. 211-3 devait prendre effet au 1er janvier 2013.
2. Un décret déterminera les domaines dans lesquels les projets de décrets et d’arrêtés ministériels seront soumis à l’expérimentation.
3. Décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012.
4. Le décret susvisé précisera également les modalités de désignation et de rémunération de la personnalité qualifiée et les conditions auxquelles celle-ci doit satisfaire en vue notamment d’assurer son impartialité.
5. La composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national de la transition écologique, notamment, seront précisées par décret.
6. Les articles L. 512-9 et L. 512-10 du code de l’environnement
Le deuxième alinéa de l’article L. 555-3 du code de l’environnement
Le I de l’article L. 555-6 du code de l’environnement
Le second alinéa du VII de l’article L. 562-1 du code de l’environnement
Le 5° du II de l’article L. 211-3 du code de l’environnement
L’article L. 371-3 du code de l’environnement
L’article L. 914-3 du code rural et de la pêche maritime

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