Antennes-relais : application de la jurisprudence Tarn-et-Garonne  aux conventions d’occupation portant sur les réseaux de communications électroniques

Catégorie

Contrats publics, Domanialité publique

Date

December 2015

Temps de lecture

5 minutes

CE 2 décembre 2015 Ecole centrale de Lyon, req. n° 386979

Pour renouveler la convention d’occupation du domaine public relative à l’installation d’une station de téléphonie mobile sur l’un des bâtiments de l’école 1) Cette convention avait déjà fait l’objet de précédents renouvellements par avenant, dont le dernier arrivait à échéance le 31 décembre 2014., le directeur de l’Ecole centrale de Lyon a engagé en juillet 2014 une procédure de consultation en vue de l’implantation sur le site de l’Ecole, d’une ou deux antennes-relais, pour une durée de 9 ans.

Le 27 octobre 2014, le directeur de l’Ecole a rejeté l’offre de la société Orange et a signé deux conventions d’occupation avec, d’une part, la société Bouygues Telecom et, d’autre part, la société Free, conventions conclues sur le fondement de l’article L. 46 du code des postes et des communications électroniques 2) « Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu’elles donnent accès à des exploitants de réseaux de communications électroniques, doivent le faire sous la forme de convention, dans des conditions transparentes et non discriminatoires et dans toute la mesure où cette occupation n’est pas incompatible avec son affectation ou avec les capacités disponibles »..

La société Orange, ainsi évincée, avait alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Lyon d’une demande de référé suspension 3) Article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA). afin de faire suspendre la décision du directeur de l’Ecole du 27 octobre 2014 précitée par laquelle ce dernier avait rejeté la candidature de la société Orange, accompagnée d’une demande d’injonction tendant à faire cesser la procédure, la faire déclarer sans suite et empêcher la signature de la convention des attributaires.

Par une ordonnance du 23 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a suspendu l’exécution de la décision précitée et rejeté le surplus des demandes de la société Orange.

L’Ecole centrale de Lyon a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

1 A cette occasion, le Conseil d’Etat a jugé que :

    « tout tiers à une convention d’occupation du domaine public conclue sur le fondement de ces dispositions 4) Article L. 46 du code des postes et des communications électroniques précité., susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former, devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses non réglementaires qui en sont divisibles ; que la légalité du choix du cocontractant ne peut être contestée qu’à l’occasion d’un tel recours, exercé dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, et qui peut éventuellement être assorti d’une demande tendant, sur le fondement de l’article de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat ».

Par ce considérant de principe, le Conseil d’Etat ouvre le recours en contestation de validité des contrats administratifs, dit recours « Tarn-et-Garonne » 5) CE 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : BJCP 2014/94, p. 204, concl. Dacosta : « indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses règlementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou certaines de ses clauses non règlementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant sur le fondement de l’article L521-1 du code de justice administrative à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet ». à certaines conventions d’occupation du domaine public, celles visées par l’article L. 46 du code des postes et des communications électroniques : à savoir les conventions portant sur l’occupation du domaine public non routier pour l’implantation par leurs exploitants de réseaux de communications électroniques (catégorie dans laquelle entrent les antennes-relais).

A cet égard, la Haute Juridiction précise que :

    « lorsque l’autorité gestionnaire du domaine public non routier décide de donner accès à ce domaine à des exploitants de réseaux de communications électroniques, mais choisit de limiter le nombre de conventions simultanément conclues à cet effet, la légalité de ce choix ainsi que celle du réseaux de communications électroniques ne peuvent être contestées, par ce dernier, que par un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat; que le candidat évincé n’est, dès lors, pas recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre la décision par laquelle le gestionnaire du domaine public n’a pas retenu sa candidature ».

En l’espèce, la société Orange avait seulement contesté la décision précitée du 27 octobre 2014 par laquelle le directeur avait rejeté sa candidature et/ou son offre 6) L’arrêt évoque successivement l’une et l’autre. à l’appel public à concurrence pour la signature d’une convention d’occupation du domaine. Autrement dit, selon les termes de la Haute Juridiction, cette demande est irrecevable, s’agissant d’un recours en excès de pouvoir.

2 En outre, le fait que le courrier de rejet de de l’offre de la société Orange indiquait « de manière erronée » que la voie de recours contre cette décision était le recours pour excès de pouvoir est sans incidence sur le présent litige.

En effet, le Conseil d’Etat juge que :

    « est sans incidence, à cet égard, la circonstance que la lettre par laquelle ce rejet a été notifié à cette société mentionnait, de manière erronée, que cette décision était susceptible d’être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, qu’il ne résulte de cette circonstance, qui n’a pas pour effet de priver la société requérante de tout accès à un juge, aucune atteinte disproportionnée au droit d’accès à un tribunal garanti par l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

En application de la jurisprudence Département de Tarn-et-Garonne, la Haute Juridiction annule donc l’ordonnance du 23 décembre 2014 du tribunal administratif de Lyon, ce dernier ayant commis une erreur de droit en ne relevant pas l’irrecevabilité de la demande.

Pour l’instant, cette application de la jurisprudence Département de Tarn-et-Garonne semble donc « limitée » aux seules conventions portant occupation du domaine public non routier pour l’exploitation de réseaux de communications électroniques, qui doivent être octroyées « dans des conditions transparentes et non discriminatoires » 7) Cf. article L. 46 du code des postes et des communications électroniques précité.. Mais il est vrai que le Conseil d’Etat s’en tient ici au litige et au type de convention dont il était saisi.

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1. Cette convention avait déjà fait l’objet de précédents renouvellements par avenant, dont le dernier arrivait à échéance le 31 décembre 2014.
2. « Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu’elles donnent accès à des exploitants de réseaux de communications électroniques, doivent le faire sous la forme de convention, dans des conditions transparentes et non discriminatoires et dans toute la mesure où cette occupation n’est pas incompatible avec son affectation ou avec les capacités disponibles ».
3. Article L. 521-1 du code de justice administrative (CJA).
4. Article L. 46 du code des postes et des communications électroniques précité.
5. CE 4 avril 2014 Département de Tarn-et-Garonne, req. n° 358994 : BJCP 2014/94, p. 204, concl. Dacosta : « indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses règlementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L551-13 et suivants du code de justice administrative, tout tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par sa passation ou ses clauses est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou certaines de ses clauses non règlementaires qui en sont divisibles ; que cette action devant le juge du contrat est également ouverte aux membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné ainsi qu’au représentant de l’Etat dans le département dans l’exercice du contrôle de légalité ; que les requérants peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant sur le fondement de l’article L521-1 du code de justice administrative à la suspension de l’exécution du contrat ; que ce recours doit être exercé, y compris si le contrat contesté est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de l’accomplissement des mesures de publicité appropriées, notamment au moyen d’un avis mentionnant à la fois la conclusion du contrat et les modalités de sa consultation dans le respect des secrets protégés par la loi ; que la légalité du choix du cocontractant, de la délibération autorisant la conclusion du contrat et de la décision de le signer ne peut être contestée qu’à l’occasion du recours ainsi défini ; que toutefois, dans le cadre du contrôle de légalité, le représentant de l’Etat dans le département est recevable à contester la légalité de ces actes devant le juge de l’excès de pouvoir jusqu’à la conclusion du contrat date à laquelle les recours déjà engagés et non encore jugés perdent leur objet ».
6. L’arrêt évoque successivement l’une et l’autre.
7. Cf. article L. 46 du code des postes et des communications électroniques précité.

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