Loyauté des relations contractuelles : le défaut d’habilitation du président d’une association pour signer une convention constitue un vice d’une particulière gravité permettant d’écarter l’application du contrat

Catégorie

Contrats publics, Droit administratif général

Date

April 2018

Temps de lecture

3 minutes

CAA Bordeaux 5 mars 2018 Commune de Jonzac, req. n° 16BX00081

En janvier 1986, la commune de Jonzac a conclu avec une association une convention de gestion d’un aérodrome local, reconduite tacitement d’année en année. En 2012, des travaux de mise aux normes ont dû être réalisés, dont la commune a entendu partager le financement avec l’association. Le président de l’association de l’époque a formalisé cet engagement en signant une convention de financement le 4 février 2013, établissant le montant de la participation financière à la charge de l’association à 114 488 euros.

Le 6 février 2013 un titre exécutoire de ce montant a été émis par la commune à l’encontre de l’association. L’association a contesté ce titre exécutoire devant le tribunal administratif de Poitiers, qui a déchargé l’association de l’obligation de payer ce titre exécutoire par un jugement du 12 novembre 2015, à l’encontre duquel la commune de Jonzac a fait appel.

Cet arrêt est l’occasion pour la cour administrative d’appel de Bordeaux de faire application à la convention de financement sur le fondement de laquelle a été émis le titre exécutoire du principe posé par la jurisprudence commune de Béziers I 1)CE 28 décembre 2009 Béziers I, req. n° 304802 selon lequel : «lorsqu’une partie à un contrat administratif soumet au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. ».

En effet, l’association s’est prévalue de ce principe pour faire échec à l’application de la convention de financement signée par son président, en invoquant un vice d’une particulière gravité relatif aux conditions dans lesquelles son président a donné son consentement à la signature de cette convention, alors même qu’aux termes des statuts de l’association, seul le conseil d’administration était compétent pour engager l’association sur une dépense aussi importante. On relèvera que l’association a parallèlement porté plainte contre son président de l’époque pour abus de confiance et que celui-ci a été démis de ses fonctions pour être remplacé.

Dans ces circonstances, la cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré que le défaut d’habilitation du président de l’association pour signer cette convention «constitue un vice d’une particulière gravité entachant d’illégalité la passation du contrat et excluant par conséquent le règlement du litige sur le terrain contractuel, sans que la commune soit fondée à invoquer une violation du principe de loyauté des relations contractuelles.». Le président de cette association ne pouvait valablement signer cette convention sans y avoir été habilité par le conseil d’administration de l’association.

Le principe de loyauté des relations contractuelles ne va pas jusqu’à permettre au signataire incompétent d’engager la personne qu’il prétend à tort représenter 2)CAA Bordeaux 26 octobre 2010 Groupama centre atlantique assurance, req. n° 09BX00397. Attention cependant, toute signature par un représentant non habilité n’entache pas nécessairement le contrat de nullité : tout dépendra de l’attitude ultérieure de la personne représentée, par exemple si elle a exécuté le contrat et si l’organe qui aurait dû autoriser cette signature la régularise implicitement en délibérant sur le contrat après sa conclusion 3)Pour une illustration contraire voir en ce sens : « Loyauté des relations contractuelles : le défaut d’habilitation du signataire du marché n’entraine pas automatiquement la nullité du contrat »..

Mais tel n’était pas le cas en l’espèce, le président de l’association ayant manifestement outrepassé ses pouvoirs, ce que l’association a immédiatement contesté, poursuivant également son ancien président en justice.

Il est intéressant de noter que la commune a tenté de reprocher au nouveau président de l’association un défaut d’habilitation pour représenter l’association en justice, au motif qu’il aurait dû être autorisé à ce faire par le conseil d’administration. Après avoir rappelé les règles relatives à la représentation en justice des personnes morales, la cour écarte ce moyen comme manquant en fait, la compétence du président de l’association pour la représenter en justice étant établie par les statuts de l’association et confirmée par le conseil d’administration.

La cour rejette la demande de la commune, en considérant que l’association est fondée à soutenir que la créance visée par le titre exécutoire n’est ni certaine, ni liquide ni exigible puisqu’elle ne repose sur aucun engagement contractuel valable.

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References   [ + ]

1. CE 28 décembre 2009 Béziers I, req. n° 304802
2. CAA Bordeaux 26 octobre 2010 Groupama centre atlantique assurance, req. n° 09BX00397
3. Pour une illustration contraire voir en ce sens : « Loyauté des relations contractuelles : le défaut d’habilitation du signataire du marché n’entraine pas automatiquement la nullité du contrat ».

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