Le Conseil d’Etat se prononce sur la possibilité de « repêcher » une candidature déposée par erreur dans le « tiroir numérique » d’une autre consultation

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2023

Temps de lecture

2 minutes

CE 1 juin 2023 Société Routière de la Vallée de la Marne, req. n° 469127 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Par un arrêt du 1er juin 2023, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la possibilité de rectifier une erreur commise par le soumissionnaire, lequel n’a pas répondu à la bonne consultation.

Dans cette affaire, la société Routière de Vallée de la Marne (RVM) avait souhaité se porter candidate à l’obtention d’un marché de réalisation de travaux de séparation de réseaux unitaires sur l’agglomération castelle, émis par la communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry. Or, au moment de déposer son offre et sa candidature, la RVM s’est trompée de « tiroir numérique » et a effectué le dépôt par erreur dans le « tiroir numérique » d’une autre consultation.

La RVM a donc introduit, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, un référé-précontractuel devant le tribunal administratif d’Amiens, lequel a fait droit à sa demande en annulant la procédure de passation du marché en litige à compter du stade de l’examen des candidatures et des offres et en enjoignant à la communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry, sauf si elle entendait renoncer à passer le marché, de reprendre la procédure de passation à compter de ce stade.

Mais le Conseil d’Etat ne va pas confirmer l’ordonnance du tribunal administratif d’Amiens.

Saisi d’un pourvoi en cassation introduit par la communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry, le Conseil d’Etat va retenir qu’aucune disposition ni aucun principe n’impose au pouvoir adjudicateur d’informer un candidat que son offre a été déposée dans le cadre d’une autre consultation que celle à laquelle il voulait répondre. Il précise néanmoins que ce raisonnement ne vaut pas dans le cas où l’erreur commise par le candidat erreur résultait d’un dysfonctionnement de la plateforme de l’acheteur public.

Les conclusions prononcées par le rapporteur public dans cette instance sont instructives.

En effet, pour le rapporteur public, aucun parallèle ne peut être établi entre une erreur de « tiroir numérique » (dans laquelle le candidat a répondu à la mauvaise consultation) et une erreur entre les deux enveloppes (offre et candidature) d’un même soumissionnaire. Il ne doit donc pas être fait application de la jurisprudence Département des Hauts de Seine 1)CE 21 septembre 2011 Département des Hauts de Seine, req. n° 349149 (laquelle prévoit que la personne publique doit rectifier elle-même une erreur purement matérielle d’une nature telle que nul ne pourrait s’en prévaloir de bonne foi dans l’hypothèse où le candidat verrait son offre retenue) puisque, pour le rapporteur public, cela reviendrait à « imposer à tout acheteur qui procède à la passation simultanée de plusieurs marchés de vérifier, dans chaque procédure, si aucune erreur n’a été commise par les opérateurs économiques qui souhaitaient se porter candidats ». Et, en pratique, obliger l’acheteur public à rattraper les erreurs de dépôt commises par les candidats ferait peser sur lui une contrainte lourde et difficile à mettre en œuvre.

Par conséquent, suivant les conclusions du rapporteur public, le Conseil a jugé que la communauté d’agglomération de la région de Château-Thierry est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque. Il a donc annulé l’ordonnance et rejeté la demande de la société RVM.

 

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1. CE 21 septembre 2011 Département des Hauts de Seine, req. n° 349149

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