Modalités de calcul de l’indemnité due au cocontractant à la suite de la résiliation unilatérale d’un marché pour motif d’intérêt général

Catégorie

Contrats publics, Droit administratif général

Date

April 2018

Temps de lecture

3 minutes

CE 26 mars 2018 Société Balineau, req. n° 401060

La société Balineau, en qualité de membre d’un groupement conjoint, a conclu un marché de travaux le 20 février 2012 avec le port autonome de la Nouvelle-Calédonie (PANC). Ce marché a toutefois été résilié pour motif d’intérêt général par un ordre de service du 8 novembre 2012.

Dans le cadre de la conclusion d’un nouveau marché avec le PNAC, la société Balineau s’est vue confier des prestations sensiblement identiques à celles attribuées lors du précédent marché. Ce marché a néanmoins à nouveau fait l’objet d’une résiliation prononcée cette fois par la cour administrative d’appel de Paris par un arrêt du 25 mars 2016.

Par une instance engagée devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, la société Balineau contestait la validité de la résiliation et sollicitait la reprise des relations contractuelles 1)  Pour mémoire, ce recours de plein contentieux a été consacré par l’arrêt CE Section 21 mars 2011 Commune de Béziers, req. n° 304806. A titre subsidiaire, elle demandait l’indemnisation de ses préjudices découlant de la résiliation du premier marché conclu. Ces demandes ont été rejetées par le tribunal, puis par la cour administrative d’appel.

La société a par conséquent formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel en tant seulement qu’il statuait sur le préjudice subi du fait de la résiliation à l’exception, d’une part de la part liée aux frais de personnel, matériel et consommables supportés après la préparation du marché et avant la résiliation, d’autre part de celle liée à la conservation du matériel postérieurement à cette résiliation.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat est venu préciser l’office du juge administratif saisi d’une demande d’indemnisation à la suite d’une résiliation pour motif d’intérêt général. Ainsi, il appartient à ce dernier « pour apprécier l’existence d’un préjudice et en évaluer le montant, de tenir compte du bénéfice que le requérant a, le cas échéant, tiré de la réalisation (…) d’un nouveau marché passé par le pouvoir adjudicateur, de tout ou partie des prestations qui lui avaient été confiées par le marché résilié ».

Le Conseil ajoute également que lorsqu’il apparaît, à la date à laquelle le juge statue, que « le titulaire du marché résilié est susceptible d’être chargé, dans un délai raisonnable, de tout ou partie de ces prestations à l’occasion d’un nouveau marché, il appartient au juge de surseoir à statuer sur l’existence et l’évaluation du préjudice né de la résiliation ».

Les pouvoirs du juge du plein contentieux lui permettent donc, d’une part de tenir compte de la conclusion éventuelle d’un nouveau marché par le maître d’ouvrage dans le cadre duquel le requérant se serait vu confier des prestations, d’autre part, dans l’hypothèse où une procédure de passation à laquelle le requérant aurait candidaté serait en cours, de surseoir à statuer jusqu’à l’attribution du marché.

C’est donc à bon droit que la cour administrative d’appel a considéré qu’elle pouvait tenir compte du bénéfice susceptible d’être réalisé par la société Balineau dans le cadre du second marché pour évaluer son préjudice.

La difficulté provenait toutefois du fait que ce marché avait à nouveau été résilié avant la réalisation de ses prestations par la requérante. Or, sur ce point, le raisonnement de la cour est censuré dans la mesure où celle-ci a considéré que le préjudice dont la société se prévalait n’était qu’éventuel dès lors qu’il n’était pas établi que le PANC aurait définitivement décidé de renoncer à passer un troisième marché auquel elle aurait été en mesure de candidater.

En effet, aucune procédure n’ayant été engagée par le maître d’ouvrage à la date à laquelle la cour se prononçait, celle-ci devait s’en tenir aux circonstances existantes, à savoir l’absence d’attribution de prestations à la société Balineau du fait des deux résiliations successives.

Le Conseil d’Etat considère par ailleurs que la cour a commis une seconde erreur de droit en refusant d’indemniser une partie des préjudices liés à la préparation du chantier au motif que ceux-ci étaient inclus dans le prix des travaux figurant au sein du bordereaux de prix unitaires, alors qu’elle avait expressément relevé que le maître d’ouvrage n’avait pas réglé les prix correspondants.

L’arrêt de la cour est censuré pour ce motif également.

Cette décision, qui limite le droit à indemnisation du cocontractant dont les pertes liées à la résiliation sont susceptibles d’être compensées par l’attribution ultérieure de prestations dans le cadre d’un nouveau marché, témoigne de la volonté du juge administratif de maintenir une stricte application du principe de réparation intégrale. Il faut toutefois noter que la règle énoncée dans cet arrêt n’a pas vocation à s’appliquer en présence d’une clause indemnitaire contractuelle, bien que le juge puisse s’en inspirer en faisant usage du pouvoir de modulation de l’indemnité dont il dispose 2)CAA Nancy 7 juillet 2016 société Grenke Location, req. n° 15NC02137.

 

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References   [ + ]

1.   Pour mémoire, ce recours de plein contentieux a été consacré par l’arrêt CE Section 21 mars 2011 Commune de Béziers, req. n° 304806
2. CAA Nancy 7 juillet 2016 société Grenke Location, req. n° 15NC02137

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