Une exclusivité d’exploitation du mobilier urbain ne supprime pas le risque

Catégorie

Contrats publics

Date

June 2018

Temps de lecture

3 minutes

CE 25 mai 2018 société Girod Médias, req. n° 416825 : publié au Rec. CE

Comme nous le rappelions récemment, le mobilier urbain semble le fournisseur principal des exemples illustrant les notions propres au droit des contrats publics. C’est le cas encore pour cet arrêt, qui s’intéresse cette fois-ci au risque d’exploitation, caractéristique des contrats de concession les distinguant des marchés publics 1) CJCE 10 septembre 2009 Eurawasseraffaire C-206/08.

On constate que le juge administratif s’attache à analyser de manière très concrète la réalité du risque d’exploitation que le contrat laisse à la charge du partenaire de la personne publique : qu’importe si le contrat affirme haut et fort que le partenaire exploite le service à ses risques et périls, si la réalité de l’exploitation ne l’expose finalement pas aux aléas du marché :

« 9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la convention litigieuse, dénommée ” concession provisoire de service public pour la gestion du service de restauration municipale “, a pour objet de déléguer par affermage provisoire le service public de restauration scolaire ; qu’aux termes de son article 2, ” la gestion du service est assurée par le concessionnaire à ses risques et périls ” et celui-ci ” perçoit auprès des usagers un prix ” ; que les stipulations de l’article 37 relatives à la rémunération du concessionnaire prévoient que le concessionnaire reçoit, en plus des recettes perçues sur les usagers, une subvention forfaitaire d’exploitation annuelle versée par la commune de Saint-Benoît, d’un montant de 3 389 228 euros hors taxe, ainsi qu’un complément de prix unitaire au repas servi, facturé selon le nombre de repas comptés lors de chaque service, également versé par la commune; que, compte tenu de ces versements, qui couvrent 86 % de la rémunération du cocontractant, le risque économique du cocontractant ne porte, ainsi que le stipule la convention, que sur la différence entre les repas commandés et ceux effectivement servis, sur les variations de la fréquentation des cantines et sur les impayés ; qu’eu égard à l’existence d’un dispositif de commande des repas, prévu par les stipulations de l’article 12.2 de la convention, la différence entre les repas commandés et les repas servis ne saurait varier de manière substantielle ; qu’en outre, compte tenu de l’objet du service, consistant en la fourniture de repas pour les cantines scolaires, pour les crèches et pour les centres aérés, et de la durée du contrat, limitée à quatorze mois, le nombre d’usagers n’est pas non plus susceptible de variations substantielles durant l’exécution de la convention ; qu’enfin, la commune de Saint-Benoît ne fournit aucun élément permettant d’évaluer le risque découlant des impayés ; que, dans ces conditions, la part de risque transférée au délégataire n’implique pas une réelle exposition aux aléas du marché et le cocontractant ne peut, par suite, être regardé comme supportant un risque lié à l’exploitation du service » 2) CE 24 mai 2017 société Régal des Iles, req. n° 407213 : mentionné aux tables du Rec. CE

S’agissant du contrat d’exploitation publicitaire du mobilier urbain dont le Conseil d’Etat a eu à connaître, la personne publique a confié à un prestataire cette exploitation à titre exclusif, ce dont le tribunal avait déduit que le prestataire ne supportait aucun risque d’exploitation. La Haute Juridiction censure cette approche, qu’on peut effectivement reconnaître comme réductrice : le droit d’exclusivité ne supprime pas toute exposition aux aléas du marché.

Jugeant l’affaire au fond, le Conseil d’Etat retient au contraire que le prestataire est bien exposé aux aléas du marché en termes de demande d’espaces publicitaires, tandis que le contrat ne prévoit aucune prise en charge par la commune des pertes d’exploitation éventuelles :

« 5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le contrat litigieux, dont l’objet et l’équilibre économique ont été rappelés au point 3 ci-dessus, ne comporte aucune stipulation prévoyant le versement d’un prix à son titulaire ; que celui-ci est exposé aux aléas de toute nature qui peuvent affecter le volume et la valeur de la demande d’espaces de mobilier urbain par les annonceurs publicitaires sur le territoire de la commune, sans qu’aucune stipulation du contrat ne prévoie la prise en charge, totale ou partielle, par la commune des pertes qui pourraient en résulter ; qu’il suit de là que ce contrat, dont l’attributaire se voit transférer un risque lié à l’exploitation des ouvrages à installer, constitue un contrat de concession et non un marché public »

Le contrat est donc bien une concession, et non pas un marché.

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References   [ + ]

1. CJCE 10 septembre 2009 Eurawasseraffaire C-206/08
2. CE 24 mai 2017 société Régal des Iles, req. n° 407213 : mentionné aux tables du Rec. CE

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