Précisions sur le traitement des offres anormalement basses

Catégorie

Contrats publics

Date

December 2013

Temps de lecture

3 minutes

CAA Nancy 7 novembre 2013 société TST-Robotics, req. n° 12NC01498
CE 29 octobre 2013 département du Gard, req. n° 371233

Aux termes de l’article 55 CMP, le pouvoir adjudicateur « peut » rejeter une offre lui paraissant anormalement basse par décision motivée, après avoir demandé par écrit au candidat les précisions qu’il juge utiles et vérifié les justifications fournies. On sait désormais qu’il s’agit en réalité d’une obligation pour le pouvoir adjudicateur de rejeter une offre anormalement basse, après avoir sollicité des explications au candidat sur le niveau de son prix 1)CE 29 mai 2013 ministre de l’intérieur c/société Artéis, req. n° 366606, voir notre commentaire http://www.adden-leblog.com/?p=4370 .

C’est désormais l’identification de l’offre anormalement basse et le mode d’administration de la preuve de ce caractère qui peut faire débat. Deux décisions récentes permettent de mieux cerner la position du juge administratif à ces égards.

– D’abord, la cour administrative d’appel de Nancy a rappelé que le pouvoir adjudicateur est tenu de solliciter des précisions sur le niveau d’une offre présentant l’aspect d’une offre anormalement basse.

Dans le cadre de la passation d’un marché de travaux estimé par le maître d’œuvre à 251 000 EUR, le pouvoir adjudicateur avait sollicité des précisions sur le niveau de son prix à un candidat ayant formulé une offre à 188 400 EUR… sans en faire de même pour un candidat ayant, à l’issue des négociations, baissé son prix à 175 796 EUR. Le juge identifie ainsi une irrégularité : le pouvoir adjudicateur était tenu de solliciter des explications sur le niveau bas de cette offre, alors qu’il s’était interrogé sur la viabilité de celle chiffrée à 188 400 EUR.

– Le Conseil d’Etat, lui, a apporté des précisions sur les justifications à solliciter du candidat et sur la motivation du rejet d’une offre anormalement basse en cours d’instance.

Le département du Gard a estimé anormalement basse l’offre présentée par un des candidats dans le cadre de la passation d’un marché de maitrise d’œuvre, en l’invitant à lui fournir des explications à ce titre, en application de l’article 55 du CMP. Après avoir reçu ces explications, le département a écarté l’offre sans motiver sa décision.

Le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Nîmes a considéré qu’en ne posant pas de question spécifique sur « les modalités de réalisation de la prestation de service proposée », le département aurait méconnu les dispositions de l’article 55 du CMP. Le Conseil d’Etat censure ce raisonnement, en considérant qu’il incombe au pouvoir adjudicateur de solliciter auprès du candidat toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé sans être tenu de poser des questions spécifiques.

Par ailleurs, le Conseil d’Etat affirme que l’exigence de motivation d’une décision de rejet d’une offre anormalement basse a notamment pour objet de permettre à l’auteur de cette offre de contester utilement le rejet qui lui a été opposé, et que l’irrespect de cette exigence constitue par principe un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence.

Néanmoins, la Haute Juridiction précise qu’ « un tel manquement n’est plus constitué si les motifs de cette décision ont été communiqués au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue et si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction », transposant ainsi à la motivation des décisions rejetant les OAB l’approche réservée à la communication en cours d’instance des motifs de rejet d’une offre au titre de l’article 80 CMP 2)CE 6 mars 2009 Syndicat mixte de la région d’Auray – Belz – Quiberon, req. n°321217 : mentionné aux tables du Rec. CE : « […] Considérant qu’aux termes de l’article 80 du code des marchés publics : I. – 1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur avise, dès qu’il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres, en indiquant les motifs de ce rejet […] l’absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence ; que, cependant, un tel manquement n’est plus constitué si l’ensemble des informations mentionnées aux articles 80 et 83 précités a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction ».

Se saisissant du litige au fond, le Conseil d’Etat estime que le département du Gard n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en écartant l’offre litigieuse en tant qu’anormalement basse. En effet, alors que l’offre était « largement inférieure à l’estimation du département du Gard, à la moyenne des offres des candidats, à celle du candidat retenu ainsi qu’au barème indicatif pour des missions de ce type proposé par la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques » le candidat s’est contenté de justifier le prix proposé en se prévalant de « sa longue expérience » et du « contexte économique difficile ».

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References   [ + ]

1. CE 29 mai 2013 ministre de l’intérieur c/société Artéis, req. n° 366606, voir notre commentaire http://www.adden-leblog.com/?p=4370
2. CE 6 mars 2009 Syndicat mixte de la région d’Auray – Belz – Quiberon, req. n°321217 : mentionné aux tables du Rec. CE : « […] Considérant qu’aux termes de l’article 80 du code des marchés publics : I. – 1° Pour les marchés et accords-cadres passés selon une des procédures formalisées, le pouvoir adjudicateur avise, dès qu’il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leurs offres, en indiquant les motifs de ce rejet […] l’absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence ; que, cependant, un tel manquement n’est plus constitué si l’ensemble des informations mentionnées aux articles 80 et 83 précités a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s’est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction »

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