L’information des candidats sur la mise en œuvre des critères de sélection des candidatures est obligatoire lorsqu’elle est susceptible d’influencer la préparation des candidatures

Catégorie

Contrats publics

Date

May 2015

Temps de lecture

5 minutes

CE 10 avril 2015 Société Automatismes Corses, req. n° 387128

Par un avis d’appel public à la concurrence en date du 10 octobre 2014, la chambre de commerce et d’industrie d’Ajaccio et de Corse-du-Sud (ci-après : CCI), concessionnaire de l’aéroport d’Ajaccio, a lancé une procédure de passation en vue de l’attribution d’un marché ayant pour objet le remplacement du matériel et des systèmes de gestion des parcs de stationnement pour véhicules de l’aéroport d’Ajaccio.

La société « Automatismes Corses » n’ayant pas été autorisé à déposer une offre, elle a saisi le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Bastia qui a annulé la procédure de passation litigieuse.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat a annulé l’ordonnance de référé et a apporté quelques précisions sur la distinction entre pouvoir adjudicateur et entité adjudicatrice (1) ainsi que sur l’information des candidats sur la mise en œuvre des critères de sélection des candidatures (2).

    1 – Sur la distinction entre pouvoir adjudicateur et entité adjudicatrice

Dans un premier temps, se posait la question de savoir si, dans le cadre du marché litigieux, la CCI d’Ajaccio devait être regardée comme une entité adjudicatrice, comme l’a considéré le premier juge, ou comme un pouvoir adjudicateur.

L’enjeu d’une telle qualification concernait, d’une part, l’office du juge du référé précontractuel – ce dernier ne disposant pas des mêmes pouvoirs selon qu’il statue sur un marché passé par une entité adjudicatrice ou un pouvoir adjudicateur 1) Aux termes de l’article L. 551-6 du code de justice administrative, applicable aux contrats passés par les entités adjudicatrices, si le juge du référé précontractuel dispose de la faculté d’ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin, de suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou encore de prononcer une astreinte provisoire, il ne peut en revanche pas annuler la procédure de passation d’un marché.
A l’inverse, l’article L. 551-2, applicable aux contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs, permet au juge des référés d’annuler toute décisions se rapportant à la passation du contrat
– et, d’autres part, le choix de la procédure, ceci dès lors que les entités adjudicatrices peuvent recourir librement à la procédure négociée au-delà des seuils prévus, ce qui n’est pas le cas des pouvoirs adjudicateurs pour lesquels la procédure de droit commun est l’appel d’offres 2) Voir sur ce point le guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, article 12.1.2 et 24.2.

Dans le cas d’espèce, le Conseil d’Etat est venu contredire le premier juge qui avait considéré, pour annuler la procédure de passation litigieuse, que la CCI d’Ajaccio devait être regardée comme un pouvoir adjudicateur dès lors que l’objet du marché relevait d’avantage d’un service rendu aux usagers de l’aéroport que d’une activité de réseau au sens du 4° de l’article 135 du code des marchés publics.

En effet, aux termes du 4° de l’article 135 du code des marchés publics, sont des entités adjudicatrices les pouvoirs adjudicateurs exerçant des « activités relatives à l’exploitation d’une aire géographique permettant d’organiser et de mettre à disposition des transporteurs, des aéroports, des ports maritimes, des ports fluviaux, ou d’autres terminaux de transport » 3) L’article 134 du code des marchés publics précise en effet que les « entités adjudicatrices sont les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 lorsqu’ils exercent une des activités d’opérateurs de réseaux énumérées à l’article 135 ». .

Or, pour la haute juridiction, la fourniture et l’installation de matériels pour les parcs de stationnement de l’aéroport doivent bien être regardées comme une activité d’exploitation d’un aire géographique permettant d’organiser l’aéroport et de les mettre à disposition des transporteurs, au sens du 4° de l’article 135 du code des marchés publics et, par suite, comme une activité exercée par une entité adjudicatrice.

Dans le cas d’espèce, le premier juge, ayant qualifié à tort la CCI d’Ajaccio de pouvoir adjudicateur, avait cru pouvoir annuler la procédure de passation litigieuse, pouvoir dont il ne disposait pas s’agissant d’un marché passé en réalité par une entité adjudicatrice. Le Conseil d’Etat a donc censuré l’ordonnance de référé pour erreur de droit.

Par voie de conséquence, une fois acquise la qualification d’entité adjudicatrice, qui rappelons le peuvent recourir librement à la procédure négociée, le Conseil d’Etat, statuant au fond, a validé le choix de la CCI d’Ajaccio de recourir à la procédure négociée en application des dispositions des articles 144, 165 et 166 du code des marchés publics.

    2 – Sur l’information des candidats sur la mise en œuvre des critères de sélection des candidatures

Dans un second temps, le Conseil d’Etat, statuant au fond, a dû se pencher sur la question de l’information des candidats sur la mise en œuvre des critères de sélection des candidatures et notamment de leur pondération.

Dans un arrêt « Communauté de communes de l’enclave des papes » du 24 février 2010, le Conseil d’Etat avait déjà jugé que les pouvoirs adjudicateurs ne sont pas tenus d’indiquer les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures:

    « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, y compris lorsqu’il met en œuvre une procédure adaptée sur le fondement de l’article 28 du code des marchés publics, d’assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats. Cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures ; par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats. Cette information appropriée des candidats n’implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures. » 4) CE 24 février 2010 Communauté de communes de l’Enclave des Papes, req. n° 333569

Dans sa décision du 10 avril 2015, présentement commenté, le Conseil d’Etat innove et, reprenant le considérant de principe de l’arrêt précité, ajoute que le pouvoir adjudicateur n’a pas à informer les candidats des conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures « sauf dans l’hypothèse où ces conditions, si elles avaient été initialement connues, auraient été de nature à susciter d’autres candidatures ou à retenir d’autres candidats ».

Au cas d’espèce, la CCI d’Ajaccio avait procédé à une pondération des critères de sélection des candidatures. La haute juridiction considère sur ce point que la CCI n’avait pas à informer les candidats de cette condition de mise en œuvre des critères, ceci dès lors qu’il ne résultait pas de l’instruction « que l’indication de cette pondération équilibrée des quatre critères relatifs à la capacité économique et financière, aux références, aux moyens en personnel et aux moyens techniques, si elle avait été connue lors de la préparation des candidatures, aurait été susceptible d’influencer cette préparation ».

Au regard de cette appréciation, on peut raisonnablement penser que si la pondération avait été déséquilibrée, et notamment si le critère relatif aux capacités techniques avait été prépondérant, la CCI aurait été tenu d’informer les candidats de cette pondération, ceci dès lors que l’article 45 du code des marchés publics laisse la possibilité aux candidats d’établir qu’ils satisfont aux conditions techniques de participation à une procédure d’appel d’offres en faisant état de la capacité d’un tiers et, notamment, d’un sous-traitant 5) CAA Bordeaux 24 mai 2005 Communauté intercommunale des villes solidaires, req. n° 02BX00318. Dans une telle hypothèse, la connaissance de la pondération des critères est susceptible d’influencer le choix de recourir à un sous-traitant et donc la préparation des candidatures.

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1. Aux termes de l’article L. 551-6 du code de justice administrative, applicable aux contrats passés par les entités adjudicatrices, si le juge du référé précontractuel dispose de la faculté d’ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations en lui fixant un délai à cette fin, de suspendre l’exécution de toute décision se rapportant à la passation du contrat ou encore de prononcer une astreinte provisoire, il ne peut en revanche pas annuler la procédure de passation d’un marché.
A l’inverse, l’article L. 551-2, applicable aux contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs, permet au juge des référés d’annuler toute décisions se rapportant à la passation du contrat
2. Voir sur ce point le guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, article 12.1.2 et 24.2
3. L’article 134 du code des marchés publics précise en effet que les « entités adjudicatrices sont les pouvoirs adjudicateurs définis à l’article 2 lorsqu’ils exercent une des activités d’opérateurs de réseaux énumérées à l’article 135 ».
4. CE 24 février 2010 Communauté de communes de l’Enclave des Papes, req. n° 333569
5. CAA Bordeaux 24 mai 2005 Communauté intercommunale des villes solidaires, req. n° 02BX00318

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