Evaluation environnementale d’un plan modificatif relatif à l’affectation des sols

Catégorie

Environnement

Date

September 2015

Temps de lecture

4 minutes

CJUE 10 septembre 2015 Dimos Kropias Attikis c/ Ypourgos Perivallontos, Energeias kai Klimatikis Allagis, aff. C-473/14.

La Cour de justice de l’Union européenne précise la portée de l’obligation d’évaluation environnementale de la modification d’un plan relatif à l’aménagement du territoire et à l’affectation des sols lorsque celui-ci a pour objet de préciser et mettre en œuvre un plan directeur hiérarchiquement supérieur.

    1 La directive 2001/42/CE

On connaît l’obligation d’effectuer une étude d’impact (évaluation des incidences sur l’environnement) préalablement à l’autorisation de la réalisation de certains projets de travaux, ouvrages et aménagement, actuellement régie par la directive 2011/92/UE 1) Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. et le code de l’environnement 2) Articles L. 122-1 et suivants et R. 122-1 et suivants du code de l’environnement..

Parallèlement, existe également une obligation d’effectuer une évaluation environnementale préalablement à l’adoption de certains plans ou programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, obligation issue de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 3) Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement. et transposée dans le code de l’environnement 4) Articles L. 122-4 et suivants et R. 122-17 et suivants du code de l’environnement. et le code de l’urbanisme 5) Articles L. 121-10 et suivants et R. 121-14 et suivants du code de l’urbanisme..

L’article 2 de la directive englobe, dans le champ de la définition des plans et programmes en cause, « leurs modifications », et son article 3 soumet à cette obligation les plans et programmes élaborés notamment pour les secteurs de l’aménagement du territoire urbain et rural ou de l’affectation des sols.

    2 La jurisprudence Inter-Environnement Bruxelles ASBL de 2012

Dans une décision du 22 mars 2012, la Cour de justice a considéré qu’une procédure d’abrogation totale ou partielle d’un plan d’affectation des sols, eu égard à ses effets (modification de la planification applicable à un territoire), entre en principe dans le champ d’application de la directive 2001/42 et ce, bien que celle-ci ne mentionne que les modifications des plans et non leur abrogation 6) CJUE 22 mars 2012 Inter-Environnement Bruxelles ASBL et autres, aff. C-567/10..

Elle admet néanmoins que la décision d’abrogation puisse être dispensée d’évaluation environnementale « si l’acte abrogé s’insère dans une hiérarchie d’actes d’aménagement du territoire, dès lors que ces actes prévoient des règles d’occupation du sol suffisamment précises, qu’ils ont eux-mêmes fait l’objet d’une évaluation de leurs incidences sur l’environnement et qu’il peut être raisonnablement considéré que les intérêts que la directive 2001/42 vise à protéger ont été suffisamment pris en compte dans ce cadre » (point 42).

    3 Le contexte de l’arrêt du 10 septembre 2015

Le massif montagneux de l’Ymittos, situé près d’Athènes, a fait l’objet d’un régime complet de protection instauré par un décret présidentiel du 31 août 1978. Par la suite, a été adopté par une loi de 1985 le plan directeur et programme de protection de l’environnement de la grande région d’Athènes, fixant notamment comme objectifs la protection des massifs montagneux et l’arrêt de l’expansion de la surface urbaine construite. Ni l’un ni l’autre n’ont fait l’objet d’une évaluation environnementale.

Enfin, a été adopté en 2011 un décret modifiant celui de 1978, pour améliorer la protection du massif montagneux et mettre la réglementation antérieure en conformité avec le plan directeur de 1985. Ce décret a été attaqué.

Dans la mesure où il n’a pas davantage été soumis à évaluation environnementale, la Cour de justice a été interrogée par le Conseil d’Etat grec sur la question de savoir si une telle évaluation était requise en application de la directive 2001/42 (et de ses textes de transposition).

En effet, la directive 2001/42 mentionne certes les modifications de plans et programmes, mais la jurisprudence Inter-Environnement Bruxelles ASBL de 2012 conduit à tenir compte de l’insertion du plan dans une hiérarchie d’actes, et le Conseil d’Etat soulignait le fait que le décret de 2011 modifiant le plan de 1978 venait préciser et mettre en œuvre les objectifs de protection des massifs montagneux et d’arrêt de l’expansion de la ville figurant dans le plan directeur de 1985, hiérarchiquement supérieur.

    4 La réponse de Cour de justice

Dans son arrêt, la Cour de justice écarte l’éventualité que l’obligation d’évaluation environnementale requise puisse au cas présent faire l’objet d’une dispense pour ce motif 7) « Les articles 2, sous a), et 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, doivent être interprétés en ce sens que l’adoption d’un acte comportant un plan ou un programme relatif à l’aménagement du territoire et à l’affectation des sols relevant de la directive 2001/42 qui modifie un plan ou un programme préexistant ne peut être dispensée de l’obligation de procéder à une évaluation environnementale en vertu de cette directive au motif que cet acte vise à préciser et à mettre en œuvre un plan directeur instauré par un acte hiérarchiquement supérieur qui n’a lui-même pas fait l’objet d’une telle évaluation environnementale ».. Elle relève en effet, et notamment :

► que, contrairement aux actes d’abrogation, la directive 2001/42 inclut expressément dans son champ d’application les actes modificatifs de plans et de programmes ;

► que la limitation du champ d’application de la directive 2001/42 effectuée au point 42 de l’arrêt Inter-Environnement Bruxelles concerne une situation foncièrement différente ;

► que toute exception ou limitation à ses dispositions doit être strictement entendue ;

► que le plan ou le projet doit être susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou, en d’autres termes, d’affecter le site concerné de manière significative ;

► que les actes modificatifs de plans et de programmes entraînent nécessairement une modification du cadre juridique de référence et sont donc susceptibles d’avoir des incidences sur l’environnement, le cas échéant notables, qui n’ont pas encore fait l’objet d’une évaluation environnementale ;

► et que le seul fait que les modifications opérées viseraient à préciser et à mettre en œuvre un plan directeur contenu dans un acte occupant une position normative hiérarchiquement supérieure ne saurait justifier que l’adoption de tels actes ne soit pas soumise à une telle évaluation.

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References   [ + ]

1. Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.
2. Articles L. 122-1 et suivants et R. 122-1 et suivants du code de l’environnement.
3. Directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement.
4. Articles L. 122-4 et suivants et R. 122-17 et suivants du code de l’environnement.
5. Articles L. 121-10 et suivants et R. 121-14 et suivants du code de l’urbanisme.
6. CJUE 22 mars 2012 Inter-Environnement Bruxelles ASBL et autres, aff. C-567/10.
7. « Les articles 2, sous a), et 3, paragraphe 2, sous a), de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, doivent être interprétés en ce sens que l’adoption d’un acte comportant un plan ou un programme relatif à l’aménagement du territoire et à l’affectation des sols relevant de la directive 2001/42 qui modifie un plan ou un programme préexistant ne peut être dispensée de l’obligation de procéder à une évaluation environnementale en vertu de cette directive au motif que cet acte vise à préciser et à mettre en œuvre un plan directeur instauré par un acte hiérarchiquement supérieur qui n’a lui-même pas fait l’objet d’une telle évaluation environnementale ».

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