Mise en œuvre des dispositions transitoires de l’ordonnance de 2017 sur l’autorisation environnementale à une autorisation délivrée au titre de la loi sur l’eau

Catégorie

Droit administratif général, Environnement

Date

September 2020

Temps de lecture

4 minutes

CE 22 juillet 2020 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 429610 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Le préfet de l’Aude a délivré le 17 octobre 2011 à la communauté d’agglomération du Carcassonnais une autorisation dite IOTA pour réaliser des travaux de reprofilage sur un ruisseau.

Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Montpellier et cette annulation a été confirmée par la cour administrative d’appel de Marseille, au motif que les travaux autorisés étaient susceptibles d’entraîner la destruction ou la mutilation deux espèces d’amphibiens (le crapaud calamite et la rainette méridionale), et une espèce de reptile (le lézard vert) ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation de leurs sites de reproduction et aires de repos.

Le Conseil d’Etat a dû se prononcer sur la question de savoir qu’il était possible de contester une autorisation environnementale, initialement délivrée au titre de la législation sur les IOTA, au motif que cette dernière, n’intégrait pas la dérogation à la destruction d’espèces protégées, alors même que ces deux autorisations étaient indépendantes lors de la délivrance de l’autorisation IOTA.

1           Mise en œuvre des dispositions transitoires de l’ordonnance de 2017 sur l’autorisation environnementale

L’ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017 a mis en œuvre l’autorisation environnementale. Pour rappel, l’autorisation environnementale intègre une autorisation pilote délivrée au titre de la législation sur les installations classées ou au titre de la loi sur l’eau (IOTA), et des autorisations suiveuses comme par exemple les autorisations de défrichement ou les dérogations à la destruction d’espèces protégées. De sorte que plusieurs autorisations sont désormais regroupées au sein d’un seul acte administratif.

Les autorisations délivrées à compter du 1er mars 2017 au titre de ces différentes législations sont des autorisations environnementales.

S’agissant des autorisations délivrées antérieurement au 1er mars 2017, l’article 15 de l’ordonnance prévoit des dispositions transitoires. En substance, ces autorisations sont considérées comme des autorisations environnementales lorsqu’elles sont « contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ».

Le Conseil d’Etat intervient parfois pour clarifier la portée de ces dispositions transitoires. Par exemple, dans son avis Novissen du 22 mars 2018, il a apporté d’importantes précisions sur le droit applicable à une décision régularisant une autorisation environnementale 1)Lorsque le juge a sursis à statuer afin de permettre la régularisation d’un vice de forme affectant la légalité de l’autorisation, il appartient à l’autorité compétente de procéder à cette régularisation en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. En revanche, lorsque la régularisation concerne un vice de fond, l’autorité compétente y procède en faisant application des règles en vigueur à la date de la décision complémentaire. Par ailleurs, quand le juge a annulé la décision (quel qu’en soit le motif), la nouvelle décision doit être prise conformément aux dispositions en vigueur à la date à laquelle elle intervient (CE 22 mars 2018 Association Novissen, avis n°415852, commenté sur le blog d’Adden), et dans un arrêt du 18 décembre 2019, il a jugé que les installations classées bénéficiant d’un droit d’antériorité sont bien des installations autorisées soumises au régime de l’autorisation environnementale. 2)CE 18 décembre 2019 Société Parc éolien de Guern, req. n°428768

En l’espèce, une autorisation IOTA avait été délivrée par le préfet de l’Aude le 17 octobre 2011 pour réaliser des travaux de reprofilage sur un ruisseau.

En revanche, aucune dérogation requise au titre des espèces protégées n’avait été délivrée, alors même que le projet avait un impact certain sur deux espèces d’amphibiens et une espèce de reptile.

Le Conseil d’Etat, faisant application des dispositions transitoires de l’article 15 de l’ordonnance de 2017 sur l’autorisation environnementale a ainsi confirmé que l’autorisation IOTA du 17 octobre 2011 était une autorisation environnementale. Il ajoute surtout qu’elle pouvait être contestée en tant qu’elle n’incorporait pas la dérogation requise au titre des espèces protégées pour le projet en cause.

De sorte que bien qu’à l’époque de sa délivrance (en 2011), l’autorisation IOTA, qui est l’autorisation pilote, était délivrée indépendamment de la dérogation requise au titre des espèces protégées, qui est l’autorisation suiveuse, le regroupement des autorisations a pour conséquence directe que l’autorisation pilote, devenue autorisation environnementale, doit être regardée comme incluant les autres autorisations délivrées pour le projet.

Si l’une d’elle est manquante, cette lacune pourra être soulevée à l’occasion d’une contestation dirigée contre l’autorisation environnementale.

Dans ses conclusions prononcées dans le cadre de la présente affaire, le rapporteur public estime qu’« un tel mécanisme apparaît d’autant plus efficace lorsque, comme en l’espèce, l’autorisation suiveuse n’a jamais été sollicitée. L’autorisation environnementale constitue alors un point d’accroche contentieux bienvenu et conduit le juge à aborder le projet dans sa totalité et non plus par un seul de ses aspects » 3)CE 22 juillet 2020 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 429610 – conclusions du rapporteur public.

2          Annulation partielle d’une autorisation environnementale lorsque celle-ci est divisible

Pour autant, même s’il est effectivement profitable que l’autorisation environnementale d’un projet soit appréciée dans sa globalité, celle-ci est divisible.

Pour rappel, l’article L. 181-18 du code de l’environnement encadre les pouvoirs du juge administratifs en prévoyant que lorsqu’il constate un vice :

  • il peut limiter la portée de l’annulation qu’il prononce lorsque le vice n’affecte qu’une partie du projet ;
  • et il peut surseoir à statuer dans l’attente de la régularisation de l’autorisation par une autorisation modificative.

En l’espèce, le Conseil d’Etat a suivi les conclusions du rapporteur public, lequel estimait :

  • que la logique du dispositif veut que l’autorisation pilote soit regardée comme une autorisation environnementale, au sein de laquelle ont vocation à s’agréger les autres autorisations ;
  • et que dans les faits, cette autorisation ne comportant que la partie relative à l’autorisation pilote, elle pourra être contestée en tant qu’elle ne contient pas les autres autorisations nécessitées par le projet.

C’est donc en toute logique que le Conseil d’Etat a finalement jugé que le vice réside uniquement dans le fait que l’autorisation attaquée ne comporte pas la dérogation requise et que ce vice est divisible du reste de l’autorisation.

De sorte que contrairement à ce qu’a jugé la cour administrative d’appel de Marseille, l’autorisation ne devait qu’être partiellement annulée.

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References   [ + ]

1. Lorsque le juge a sursis à statuer afin de permettre la régularisation d’un vice de forme affectant la légalité de l’autorisation, il appartient à l’autorité compétente de procéder à cette régularisation en faisant application des dispositions en vigueur à la date à laquelle la décision attaquée a été prise. En revanche, lorsque la régularisation concerne un vice de fond, l’autorité compétente y procède en faisant application des règles en vigueur à la date de la décision complémentaire. Par ailleurs, quand le juge a annulé la décision (quel qu’en soit le motif), la nouvelle décision doit être prise conformément aux dispositions en vigueur à la date à laquelle elle intervient (CE 22 mars 2018 Association Novissen, avis n°415852, commenté sur le blog d’Adden
2. CE 18 décembre 2019 Société Parc éolien de Guern, req. n°428768
3. CE 22 juillet 2020 Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 429610 – conclusions du rapporteur public

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