Délai raisonnable d’un an pour contester les décisions administratives individuelles ne mentionnant pas les voies et délais de recours

Catégorie

Droit administratif général

Date

August 2016

Temps de lecture

3 minutes

CE Ass. 13 juillet 2016 M. B, req. 387763 : publié au Rec. CE

En 1991, M. B, ancien brigadier de police, a reçu notification d’un arrêté portant concession de sa pension de retraite. Cette notification comportait la mention du délai de recours de deux mois, mais n’indiquait pas la juridiction compétente. 22 ans plus tard, M. B a saisi le tribunal administratif de Lille afin de demander l’annulation de cet arrêté. Le tribunal administratif a considéré sa demande tardive en estimant que la notification comprenait toutes les mentions obligatoires : M. B s’est pourvu en cassation à l’encontre de cette ordonnance 1) Le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort pour les litiges en matière de pensions (lecture combinée des articles R. 811-1 et R. 222-13-3° du code de justice administrative)..

Le Conseil d’Etat confirme le caractère tardif de la demande, mais aux termes d’un raisonnement différent de celui du tribunal, en créant la notion de « délai raisonnable » de recours dans l’hypothèse d’une notification d’une décision individuelle incorrecte au regard des exigences de l’article R. 425-1 CJA

Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que « les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision » 2) R. ‘421-5 CJA.. Et, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier en considérant que la notification effectuée satisfaisait cette exigence, alors que manquait l’indication de la juridiction compétente.

La notification effectuée ne satisfaisait donc pas les exigences de l’article R. 425-1 CJA, ce qui devait rendre les délais de recours inopposables au requérant. En application de ce principe, le Conseil d’Etat avait déjà jugé recevable et non tardive la demande d’un requérant contestant un arrêté plus de 10 ans après sa notification, parce que ladite notification ne mentionnait pas les voies et délais de recours 3) CE 15 novembre 2006 Toquet, req. n° 264636 : mentionné aux tables du Rec. CE..

Mais par l’arrêt commenté, la Haute juridiction instaure au nom du principe de sécurité juridique un « délai de recours raisonnable » qui a vocation à s’appliquer lorsque les mentions obligatoires de la notification font défaut : une décision administrative individuelle, même notifiée sans mention des voies et délais de recours, ne peut être contestée par son destinataire que dans un délai dit « raisonnable » d’un an à compter de la date à laquelle le requérant a eu notification de la décision ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance.

Soulignons ici qu’une nouvelle vie semble s’offrir à la théorie de la connaissance acquise. En 1998, le Conseil d’Etat l’avait largement privée d’effet, en estimant que la circonstance qu’il soit établi que le requérant avait connaissance de la décision n’empêchait pas le défaut de mention des voies et délais de recours de rendre les délais de recours inopposables 4) Ainsi, l’exercice d’un recours administratif à l’encontre d’une décision établit que l’auteur du recours en a eu connaissance, mais à défaut d’une notification mentionnant les voies et délais de recours, les délais de recours ne pouvaient lui être opposés : CE 13 mars 1998 Mme Mauline, req. n° 120079, publié au Rec. CE.. Le juge conservait l’application de cette théorie pour les décisions individuelles hors champ d’application de l’obligation de notification 5) Comme les tiers contestant une décision individuelle créatrice de droits par exemple., ou dans des hypothèses très spécifiques (introduction d’un recours juridictionnel par le bénéficiaire de la décision individuelle 6) CE 11 décembre 2013.Mme A, req. n° 365361 : publié au Rec. CE.).

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References   [ + ]

1. Le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort pour les litiges en matière de pensions (lecture combinée des articles R. 811-1 et R. 222-13-3° du code de justice administrative).
2. R. ‘421-5 CJA.
3. CE 15 novembre 2006 Toquet, req. n° 264636 : mentionné aux tables du Rec. CE.
4. Ainsi, l’exercice d’un recours administratif à l’encontre d’une décision établit que l’auteur du recours en a eu connaissance, mais à défaut d’une notification mentionnant les voies et délais de recours, les délais de recours ne pouvaient lui être opposés : CE 13 mars 1998 Mme Mauline, req. n° 120079, publié au Rec. CE.
5. Comme les tiers contestant une décision individuelle créatrice de droits par exemple.
6. CE 11 décembre 2013.Mme A, req. n° 365361 : publié au Rec. CE.

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