Précisions sur l’obligation de délivrance d’un permis de construire portant sur la restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien

Catégorie

Urbanisme et aménagement

Date

August 2021

Temps de lecture

3 minutes

CE 4 août 2021 M. B…, req. n° 433761 : mentionné dans les tables du recueil Lebon

Par un arrêté du 7 octobre 2011, le maire de la commune d’Hyères refuse de délivrer un permis de construire pour la reconstruction à l’identique d’une bergerie.

L’auteur de la demande, suite à la décision implicite rejetant le recours gracieux qu’il a formé à l’encontre de l’arrêté précité, saisit le tribunal administratif de Toulon d’un recours pour excès de pouvoir.

Par un jugement du 15 octobre 2014, le tribunal administratif rejette sa demande. Rejet confirmé par la cour administrative d’appel de Marseille le 6 janvier 2017.

Après une première saisine du Conseil d’Etat ayant cassé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille et renvoyé l’affaire, la cour administrative d’appel de Marseille rejette de nouveau l’appel formé par le requérant à l’encontre du jugement du tribunal administratif de Toulon par un arrêt en date du 20 juin 2019.

Un nouveau pourvoi est formé devant le Conseil d’Etat.

L’argumentation du requérant s’articule autour de l’article L.111-3 du code de l’urbanisme, devenu l’article L.111-23 du même code, qui autorise sous certaines conditions la restauration d’un immeuble, et dont le tribunal administratif estime qu’il n’est pas applicable au projet litigieux.

Pour rejeter l’appel formé à l’encontre de la décision du tribunal administratif de Toulon, la cour administrative d’appel retient que le requérant ne peut se prévaloir de l’article L.111-3 du code de l’urbanisme, au motif que ces dispositions ne sont visées ni par la demande de Permis de construire ni par l’arrêté rejetant cette demande.

Le Conseil d’Etat relève cependant que « lorsqu’un projet répond aux conditions définies [par l’article L.111-3], il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de l’autoriser, y compris si le pétitionnaire ne s’est pas expressément prévalu des dispositions du second alinéa de l’article L.111-3 du code de l’urbanisme précité au soutien de sa demande de permis de construire, à moins que d’autres dispositions applicables y fassent légalement obstacle ».

Ainsi, en estimant que le requérant ne pouvait se prévaloir de l’article L.111-3 du code de l’urbanisme devant le juge du fond, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit justifiant l’annulation de son arrêt.

En application de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat règle ensuite l’affaire au fond.

Après avoir rejeté le moyen tiré de l’incohérence entre l’imprimé de la demande de Permis de construire du requérant et les plans fournis, le Conseil d’Etat se prononce sur l’applicabilité de l’article L.111-3 du code de l’urbanisme au projet litigieux.

L’article L.111-3 du code de l’urbanisme autorise la restauration d’un bâtiment lorsque trois conditions sont réunies :

  • Le bâtiment doit avoir conservé l’essentiel des murs porteurs ;
  • Le bâtiment doit avoir un intérêt architectural ou patrimonial en justifiant le maintien ;
  • Le projet ne doit pas s’opposer aux dispositions des documents d’urbanisme.

Sur le premier point, le Conseil d’Etat relève que si la toiture du bâtiment s’est récemment effondrée et qu’il n’a plus de fenêtres ni de plancher, il apparaît que les « murs porteurs en pierre sont dans l’ensemble en bon état ». Dès lors, le bâtiment ne doit pas être considéré comme une ruine justifiant que le projet soit considéré comme une construction nouvelle, mais comme une construction existante.

Comme le mentionne le rapporteur public dans ses conclusions sur l’arrêt commenté, la reconnaissance d’un intérêt architectural ou patrimonial justifiant le maintien du bâtiment est difficile à établir. Le critère, non développé par les textes, renvoie à une appréciation subjective. Le Conseil d’Etat n’argumente pas longuement ce point, évoquant simplement une « bergerie du XIXème siècle, en pierres apparentes, caractéristique du paysage et du patrimoine architectural provençaux traditionnels ».

Enfin, il apparaît que le projet n’est en contradiction ni avec le règlement du plan d’occupation des sols, ni avec l’article L.146-4 du code de l’urbanisme en vigueur au moment de l’arrêté de refus de permis de construire qui n’est applicable qu’aux constructions nouvelles, contrairement à ce que fait valoir le maire d’Hyères dans son arrêté.

Le Conseil d’Etat estime donc que c’est à tort que le tribunal administratif de Toulon a rejeté les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 octobre 2011 et enjoint au maire d’Hyères, sur le fondement de l’article L.911-1 du code de justice administrative, de délivrer le permis de construire dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

 

 

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