Silence, ça évalue ! Les plans d’exposition au bruit des aérodromes doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale contrairement aux plans de prévention du bruit

Catégorie

Environnement

Date

November 2021

Temps de lecture

4 minutes

Conseil d’Etat 28 octobre 2021 Association de défense contre les nuisances aériennes, req. n°447123

L’association de défense contre les nuisances aériennes a, le 1er août 2020, demandé au Premier ministre d’adopter toute mesure réglementaire nécessaire pour soumettre à évaluation environnementale, d’une part les plans d’exposition au bruit des aérodromes et d’autre part, les plans de prévention du bruit dans l’environnement des aérodromes, et ce notamment en les intégrants à la liste des plans et programmes devant faire l’objet d’une évaluation environnementale de l’article R. 122-17 du code de l’environnement.

Le silence gardé par le Premier ministre pendant deux mois ayant fait naître une décision implicite de rejet, l’association a saisi le Conseil d’Etat d’un recours pour excès de pouvoir contre ce refus.

Afin de déterminer si ces plans doivent faire l’objet d’une évaluation environnementale, le Conseil d’Etat opère plusieurs rappels quant au cadre juridique du litige.

Il revient, dans un premier temps, sur le champ des plans et programmes soumis à évaluation environnementale et rappelle qu’en vertu de l’article L. 122-4 du code de l’environnement pris pour l’application des dispositions de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001, sont soumis à évaluation environnementale :

les plans et programmes qui sont élaborés pour les secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche, de l’énergie, de l’industrie, des transports, de la gestion des déchets, de la gestion de l’eau, des télécommunications, du tourisme ou de l’aménagement du territoire et qui définissent le cadre dans lequel des projets de travaux, d’ouvrage et d’aménagement pourront être autorisés ;

les plans et programmes, autres que ceux mentionnées ci-dessus, qui définissent le cadre dans lequel la mise en œuvre de projet pourra être autorisée si ces plans sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. Ces éléments ayant notamment été dégagés par la jurisprudence de la CJUE, et notamment par les arrêts d’Oultremont et Terre Wallonne.

Dans un second temps, il rappelle que si une évaluation environnementale doit être réalisée, il résulte des dispositions de la directive précitée qu’un rapport sur les incidences environnementales du projet devra être élaboré, qu’il devra être soumis à la consultation d’une autorité environnementale et qu’il devra être mis à la disposition du public.

Ces précisions faites, le Conseil d’Etat examine si les plans visés par l’association doivent être soumis à évaluation environnementale.

1.   Pas d’évaluation environnementale pour les plans de prévention du bruit dans l’environnement des aérodromes

Le Conseil d’Etat rappelle qu’en vertu des dispositions de l’article L. 572-6 du code de l’environnement, ces plans ne font que recenser les actions engagées ou prévues pour la lutte contre les nuisances sonores et définir des objectifs indicatifs de réduction du bruit dans certaines zones exposées.

Ils n’ont donc pas vocation à définir le cadre de mise en œuvre de travaux ou projets et ne rentrent ainsi pas dans les catégories de plans devant être soumis à évaluation environnementale.

2.   Une évaluation environnementale pour les plans d’exposition au bruit de tous les aérodromes

Concernant ces plans, le Conseil d’Etat raisonne en deux temps.

Premièrement, il constate qu’en vertu des dispositions des articles L. 112-3 et suivants du code de l’urbanisme, ces plans ont pour objet de définir des zones géographiques autour des aérodromes en fonction de l’intensité de leur exposition au bruit, allant de zones de bruit fort (zones A et B) à des zones de bruit modéré (zones C ou D). Les conditions d’utilisation des sols (types de constructions, de destinations ou d’opérations autorisés) applicables à ces espaces diffèrent selon leur zonage.

En d’autres termes, ces plans ont vocation à définir le cadre dans lequel la mise en œuvre d’un projet pourra être autorisée et doivent, en application des dispositions de l’article L. 122-4 du code de l’environnement être soumis à évaluation environnementale.

Partant, le Conseil d’Etat analyse la procédure d’élaboration des plans d’exposition au bruit afin de déterminer si celle-ci répond aux objectifs de la directive 2001/42/CE en matière d’évaluation environnementale.

Il relève ainsi que, si l’article L. 112-16 du code de l’urbanisme soumet l’élaboration de ces plans à enquête publique puis les tient à disposition du public,  tous les plans d’exposition au bruit ne font pas l’objet d’une consultation auprès d’autorité environnementale au sens de l’article 6 de la directive 2001/42/CE.

En effet, seuls les plans relatifs aux aérodromes mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du code général des impôts sont établis après consultation de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaire (ACNUSA), que le Conseil qualifie au passage d’autorité environnementale en raison de son statut d’autorité administrative indépendante et de sa composition.

Ainsi, les juges considèrent que les plans concernant les aérodromes mentionnés à l’article 1609 quatervicies A sont d’ores et déjà élaborés selon une procédure instituant une procédure d’évaluation environnementale conforme aux exigences du droit de l’Union européenne. A contrario, les plans relatifs aux autres aérodromes ne sont pas soumis à une telle procédure en l’absence de dispositions prévoyant la consultation de l’ACNUSA ou de toute autre autorité environnementale répondant aux conditions de l’article 6 de la directive précitée.

Dans ces conditions, le Conseil d’Etat annule la décision de refus implicite du Premier ministre, mais seulement en tant qu’elle rejette sa demande tendant à l’adoption de mesures réglementaires pour soumettre à l’évaluation environnementales les plans d’exposition au bruit concernant les aérodromes qui ne sont pas mentionnés au I de l’article 1609 quatervicies A du code général des impôts.

Les juges rappellent enfin qu’une telle annulation implique que le Premier ministre adopte des mesures réglementaires permettant la soumission de ces plans à une procédure d’évaluation environnementale et octroient à ce dernier un délai de quatre mois à compter de la notification pour le faire.

 

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